Eléments de méthode du commentaire d’arrêt 1 Préambule : Les éléments de méthod

Eléments de méthode du commentaire d’arrêt 1 Préambule : Les éléments de méthode présentés ne sont pas exhaustifs : les remarques de forme ont par exemple été écartées. Il ne s’agit que de conseils n’ayant pas vocation à remplacer, mais à compléter, ceux qui ont déjà été donnés en TD. Par ailleurs, à titre d’exemple, on trouvera un « commentaire d’arrêt type », où les remarques de méthode sont intégrées à la décision (p.6 et s.). 1. - Le commentaire d’arrêt est souvent présenté comme un exercice difficile, théorique et inutile. Cette présentation est fausse. 1°) Difficile ? La difficulté existe, mais elle peut être surmontée aisément pour peu que l’on acquière une certaine méthode. 2°) Théorique ? L’exercice n’est certainement pas théorique : il y a de la vie derrière les arrêts, et ici comme ailleurs, la réalité dépasse la fiction des cas pratiques ! Aussi les meilleurs cas pratiques ne sont-ils généralement que des arrêts « retournés ». 3°) Inutile ? L’utilité du commentaire d’arrêt est double : elle permet à l’étudiant « d’exploiter » son cours, d’en voir une application concrète. Le commentaire d’arrêt permet surtout de « savoir lire » un arrêt, d’en tirer la substance et de dégager l’interprétation jurisprudentielle des règles de droit : ces enseignements seront évidemment essentiels pour ceux qui emprunteront une carrière juridique. Bref, le commentaire est un exercice pratique utile et fondé sur une méthode : encore faut-il en saisir la finalité. Il s’agit d’expliciter le raisonnement du juge (I) et de le restituer dans son contexte doctrinal et jurisprudentiel (II). I – Explicitation de la décision 2. - Lire l’arrêt. - Le plus souvent, le commentaire proposé sera un arrêt rendu par la Cour de cassation. Ces arrêts sont relativement courts : ils sont donc plus lisibles et, pour la même raison, ils laissent plus de place aux commentaires… Pour rédiger un commentaire, il faut évidemment commencer par lire l’arrêt. Mais il faut surtout le faire sans a priori et sans se demander quelle partie de cours il sera possible d’exploiter. Le commentaire d’arrêt n’est en effet JAMAIS un prétexte à la dissertation. L’une des erreurs fréquemment commises est d’utiliser les mots de la décision – offre, erreur, obligation naturelle, etc… – pour reprendre les développements du cours où ces notions sont utilisées : ce n’est pas l’objet du commentaire, ni même de la dissertation. Ce découpage de cours « en forme de commentaire » n’explique rien de l’arrêt : il n’explique d’ailleurs rien du tout, il n’est que copie ou exercice de mémoire. 1 Les étudiants pardonneront les éventuelles coquilles qui émaillent ce texte rapidement rédigé…elles ont l’avantage de prouver qu’il est possible d’obtenir une licence 2 de droit – ou plus – sans atteindre l’absolue perfection 1 Dans un premier temps, mieux vaut donc se concentrer sur le seul texte de l’arrêt pour en comprendre le sens et l’expliciter (A). Ensuite, il convient d’en éprouver la valeur, toujours en partant du seul texte de l’arrêt (B). A) Postulats de la décision et raisonnement du juge (sens de l’arrêt) 3. - Expliciter -. « L’explicitation » de l’arrêt ne consiste pas à le paraphraser, mais à faire apparaître clairement les postulats et les raisonnements – souvent implicites – qui fondent la réflexion des juges. 4. - Les arrêts de censure ou de « cassation ». - Le raisonnement et les postulats peuvent parfois être dégagés aisément : il en va ainsi dans les arrêts de censure. En effet, dans un arrêt de censure, les textes appliqués par la Cour de cassation doivent impérativement être visés (art. 1020 NCPC). Dans le cadre du commentaire, le premier temps de la réflexion consistera à rapprocher la solution du visa invoqué. Il convient alors de conserver une certaine « capacité d’étonnement » : il n’est pas rare que le visa invoqué paraisse assez éloigné des principes affirmés par la décision. Dans ce dernier cas, l’essentiel du commentaire consistera à reconstituer le chemin emprunté par le juge pour lier l’un et l’autre. Ex : Chambre commerciale de la Cour de cassation, 2 juillet 1991, n° 89-19247 (Publié au bulletin) Vu l'article 1129 du Code civil ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Célette a conclu, le 30 juillet 1979, avec la société Facom, un contrat d'une durée limitée renouvelable par tacite reconduction, pour la distribution, en France métropolitaine, des matériels qu'elle fabrique ; que la société Célette ayant rompu le contrat, la société Facom l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ; que la société Célette a excipé de la nullité du contrat pour indétermination des prix ; Attendu que, pour accueillir ce moyen de défense et déclarer nulle la convention du 30 juillet 1979, la cour d'appel retient que cette convention " ne constitue qu'une obligation de vendre pour le concédant et d'acheter pour l'autre partie " ; Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher si les stipulations du contrat comportaient essentiellement des obligations de faire ou, au contraire, essentiellement des obligations de donner, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; par ces motifs, casse et annule. L’affirmation de la Cour de cassation est « étonnante » : suivant l’article 1129 « Il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce ; La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu'elle puisse être déterminée ». L’article n’évoque nulle part la distinction entre obligations de faire et de donner, que la Cour régulatrice impose pourtant d’utiliser sur le fondement de cette disposition ! L’essentiel du commentaire d’arrêt consistera à expliquer comment – et surtout pourquoi – le juge a « découvert » cette distinction… 5. - « Chapeau ». – La recherche du raisonnement du juge peut être facilitée, si l’arrêt comporte un « chapeau », c’est-à-dire l’énoncé d’un principe général sur lequel la décision est fondée. Ces chapeaux ne sont pas systématiques, même dans un arrêt de censure. Ils sont très utiles, car ils livrent la position de la Cour régulatrice : pour dire les choses autrement, ils posent le « problème de droit ». Ex : Com. 6 mars 1990, JCP éd. G 1990.II. 21583, note B. GROSS. Vu les articles 1134 et 1583 du Code Civil ; 2 Attendu qu'entre commerçants, une proposition de contracter ne constitue une offre que si elle indique la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Borde a, pour les besoins de son commerce, commandé du matériel à la société Hugin Sweda ; que cette dernière avait précisé, dans les conditions générales de vente figurant dans ses bons de commande, que ses offres ne devenaient définitives et ne constituaient un engagement qu'après ratification de sa part, et que toute commande ne serait considérée comme ferme qu'après acceptation par elle ; que M. Borde, avant l'acceptation de sa commande par la société Hugin Sweda, s'est ravisé et l'a rétractée ; Attendu que pour débouter M. Borde de sa demande de répétition de la somme qu'il avait versés à titre d'acompte, la cour d'appel a retenu que le bon de commande constituait "un achat ferme aux conditions offertes par Hugin Sweda" et que la clause qui y figurait constituait une condition suspensive stipulée au bénéfice du seul vendeur qui n'autorisait pas l'acheteur à revenir sur une vente parfaite par accord des parties sur la chose et sur le prix ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, par son adhésion à la proposition contenue dans le bon de commande, M. Borde n'avait formulé qu'une offre d'achat, révocable comme telle jusqu'à ce que la vente devienne parfaite par l'acceptation du vendeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Par ces motifs, casse et annule En l’espèce, le problème de droit porte sur la fermeté de l’offre – « la volonté d’être lié en cas d’acceptation » -, notamment entre commerçants. D’où deux problèmes de droit : - une « offre dite révocable » constitue-t-elle une offre de contracter ? - une proposition de contracter entre commerçants doit-elle indiquer lavolonté d’être lié en cas d’acceptation pour constituer une offre ? 6. - Arrêt de rejet. - L’interprétation des arrêts de rejet de la Cour de cassation est parfois un peu plus difficile, dans la mesure où aucun visa n’est en principe invoqué. La Cour de cassation n’en cesse pas pour autant d’appliquer la loi : aussi convient-il de rapprocher les notions évoquées par l’arrêt des textes qui les définissent (V. annexe). A cet égard, on peut noter que le fait qu’il n’existe pas de texte – comme par exemple pour l’engagement unilatéral de volonté (v. annexe) – suffit à susciter « l’étonnement » et à fonder quelques réflexions. 7. - Chapeau ou substitution de motifs. – En principe, un arrêt de rejet ne contient pas de chapeau. Ce principe connaît des exceptions. Le chapeau prend alors une grande importance : il est une manière pour la Cour de cassation d’exprimer sa position, uploads/S4/ methode-du-commentaire-d-x27-arret.pdf

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  • Publié le Aoû 17, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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