Avant-propos En novembre 1997, alors inscrite en DEA d’anthropologie à l’EHESS
Avant-propos En novembre 1997, alors inscrite en DEA d’anthropologie à l’EHESS de Paris sous la direction de Philippe Descola, j’arrivais en Mongolie pour la première fois avec en poche une bourse bilatérale du Ministère (français) des A!aires Étrangères (MAE) et du gouvernement mongol pour une année d’étude. J’ai rencontré mes premiers chamanes et me suis familiarisée avec la langue mongole. Je suis repartie pour l’année universitaire 1998-1999 en tant que doctorante (bourse de recherche Lavoisier du MAE). En 1999-2000, encouragée par mon directeur de recherches, Philippe Descola, j’ai suivi à Manchester le programme de Master en Anthropologie Visuelle et Réalisation de Documentaires, fondé et dirigé par le professeur Paul Henley. Pour mettre à exécution ce projet, j’ai obtenu une bourse du British Council pour quinze mois d’enseignement et suis repartie un mois à Ulaanbaatar pour réaliser mon premier "lm « Call for Grace » (2000, 30’). Puis, je me suis installée en Mongolie encore une année (2001-2002) afin de terminer mon enquête de terrain pour le doctorat, que j’ai soutenu en 2004 à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris sous le titre « De l’ombre à la lumière, de l’individu à la nation : Renouveau du chamanisme en Mongolie postcommuniste ». De 1997 à 2002, j’ai donc passé un peu moins de trois ans en Mongolie. En 2005, j’ai obtenu mon premier poste de maître de conférences temporaire à l’université de Manchester, où j’ai enseigné l’anthropologie visuelle. Puis, rattachée au Mongolia and Inner Asia Studies Unit (MIASU) de l’université de Cambridge pour des recherches postdoctorales (bourse de la Fondation Fyssen), j’ai commencé à travailler sur les relations entre les Occidentaux, le chamanisme et le tourisme. Jusqu’à aujourd’hui, je poursuis ces recherches sur l’espace de rencontre entre Occident et chamanisme et ai élargi mon terrain 2 DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE à la République de Touva en Fédération de Russie grâce à la bourse postdoctorale de la Fondation Wenner-Gren 2007-2008. Cet ouvrage est le fruit de mon travail de doctorat actualisé à la lumière de mes recherches postérieures. Pour toutes ces années d’études, d’aventures, de découragement mais aussi de félicité, je souhaite remercier en premier lieu Roberte Hamayon qui a toujours été d’un soutien indéfectible, l’une des premières à avoir apprécié mes "lms et relectrice infatigable de ce manuscrit ; Philipe Descola qui m’a toujours encouragée dans la poursuite de mes péripéties mongoles dans lesquelles d’un air amusé, il devait trouver un peu de fraîcheur sou#ant sur ses plus habituelles forêts amazoniennes ; Paul Henley qui depuis le début a cru en mes projets de "lms et surtout m’a o!ert mon premier poste à Manchester ; Isabelle Charleux qui, en tant que directeur de la collection Nord-Asie, a fait un énorme travail d’harmonisation du texte. Je remercie également Charles Stépano! et Virginie Vaté pour leur relecture attentive et éclairée, Vincent Micoud pour sa conception de la maquette et sa collaboration technique, et en"n, Sandrine Ruhlmann pour sa patience et son héroïsme à faire de tout cela un livre. Pour ce qui est des défauts de cet ouvrage, j’en suis seule responsable. Je suis très reconnaissante aux chamanes et à leurs clients présents dans ce livre pour tout ce qu’ils m’ont appris et pour tous les moments vécus ensemble. Conventions de translittération А а A a Б б B b В в V v Г г G g Д д D d Е е Je je (pr. « ie ») Ё ё Jo jo (pr. « io ») Ж ж Ž ž (pr. « dzh ou dj ») З з Z z (pr. « dz ») И и I i Й й J j (pr. « i » bref) К к K k Л л L l М м M m Н н N n О о O o (pr. « o » ouvert) Ө ө Ö ö (pr. « o » semi-fermé, « œ ») П п P p Р р R r С с S s Т т T t У у U u (pr. entre « o » fermé et « ou ») Ү ү Ü ü (pr. entre « ou » et « u ») Ф ф F f Х х H h (jota espagnole) Ц ц C c (pr. « ts », Tsaatan = Caatan) Ч ч Č č (pr. « tch ») Ш ш Š š (pr. « ch ») Ы ы Y y (pr. « i » dur) Ь,ь ’ (mouillure de la voyelle suivante) Э э E e (pr. « é ») 4 DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE Ю ю Ju ju (pr. « iu ») Я я Ja ja (pr. « ia ») Les noms datant d’une époque antérieure à l’adoption de la notation du mongol en écriture cyrillique qui n’ont pas de graphie cyrillique attestée ont été laissés tels quels (exemple : Kököcü). Conventionnellement, pour Gengis Khan, une seule notation a été adoptée : Chinggis Khan. Certains noms et toponymes ne sont pas translittérés selon le tableau ci-dessus mais suivent la transcription la plus courante. Les noms de populations non lexicalisés sont invariables. Introduction Avec ses 1,2 millions d’habitants, Ulaanbaatar (Oulan-Bator), capitale de la Mongolie, s’étend sur une vingtaine de kilomètres le long de la rivière Tuul. Son architecture inimitable relève du bric-à-brac post- soviétique avec ses restes de stalinisme lamboyant couplé avec une nouvelle génération de buildings en verre et acier façon chinoise tout de toc et de brillant. Quelques touches du blanc gris sale des yourtes qui composent les banlieues pauvres et des usines fumantes pleines de tuyauteries éparses sur fond de steppe "nissent de compléter ce tableau « post-exotique ». Nous sommes au pays des chamanes, du Ciel Éternel et de Chinggis Khan, traditions qui pourtant ont bien failli disparaître à tout jamais. La Mongolie a été le premier pays satellite de l’URSS, et bien que n’ayant jamais été un pays soviétique, elle a été fortement marquée par l’idéologie et la politique athéiste. Le maréchal Choibalsan (1895-1952), véritable Staline mongol, engagea le pays dans la collectivisation forcée des terres et des troupeaux et ordonna des purges sanglantes à la "n des années 1930. Les moines et les monastères bouddhiques furent les premières victimes et aujourd’hui encore sont exhumés des charniers les restes de moines fusillés ou torturés (Baabar 1999 : 364). D’autres ont été envoyés dans les camps soviétiques ou dans les bataillons de l’armée pour servir l’URSS. Le chamanisme fut réprimé et certains chamanes connurent la prison pour activités anti-soviétiques car ils recevaient des dons en nature ou en argent en paiement de leur « cure ». Ils furent donc doublement réprimés par les autorités, tant pour leurs activités à caractère capitaliste que pour leurs activités religieuses. Certes ces dernières entretenaient les « superstitions archaïques » allant à l’encontre du « progrès » que promouvait le régime communiste, mais n’avaient pas une capacité fédératrice assez forte pour 6 DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE 7 INTRODUCTION de savoir comment la Mongolie pouvait « releurir » culturellement et idéologiquement alors que les modèles des voisins proches, la Russie et la Chine, n’inspiraient que de l’aversion et que ceux des pays capitalistes semblaient si éloignés et étranges (Humphrey 1992 : 377). Il semblerait qu’aujourd’hui, à la recherche de ses racines, la Mongolie se tourne, tout naturellement, vers le passé glorieux du grand empire fondé par Chinggis Khan (1162-1227). La réactualisation de la tradition s’e!ectue de manière ambiguë avec un retour à des valeurs médiévales associées aux restes d’une idéologie soviétique, révolue certes, mais pas encore complètement disparue. Car c’est ce modèle imposé par les Soviétiques sur une période de presque soixante-dix ans qui a préparé l’accès actuel à la modernité et a fait prendre conscience de la tradition comme telle. Si l’objet de cet ouvrage est le renouveau du chamanisme en Mongolie postcommuniste, ce phénomène n’allait pas de soi quand j’arrivai là-bas pour la première fois. Malgré les moins vingt-sept degrés de ce mois de novembre 1997, j’étais très motivée par ma quête de chamanes. Mon questionnement de départ était de savoir si le chamanisme existait encore en Mongolie et en ce cas, comment il se manifestait. Devant le pessimisme de certains de mes interlocuteurs quant à ce projet de recherche, je m’apprêtais à traquer le moindre indice me menant sur la piste du chamanisme, qu’on me disait isolé, caché et quasi inexistant. Je fus chanceuse de rencontrer « mon » premier chamane, Tömör, et m’in- téressai alors au fonctionnement de son centre et à ses pratiques chama- niques. Ce n’est que plus tard que je découvris l’ampleur du phénomène qui se construisait en même temps que je menais mon terrain. Il y avait bel et bien un phénomène de renouveau du chamanisme en Mongolie qui se mettait en place et qui participait au processus postcommuniste de reconstruction culturelle et identitaire. Mon intention de départ était d’observer ce phénomène en commençant par l’émergence de nouveaux chamanes et de voir de quelle manière leurs pratiques allaient évoluer. Je voulais observer comment les chamanes et leur forme « archaïque » uploads/Finance/ de-lombre-a-la-lumiere-livre-complet-pdf.pdf
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- Publié le Mar 15, 2022
- Catégorie Business / Finance
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