Cahiers de Narratologie Analyse et théorie narratives 29 | 2015 Street Art 1 St

Cahiers de Narratologie Analyse et théorie narratives 29 | 2015 Street Art 1 Street art et projet urbain, une mise en valeur croisée dans la ville en transition Olivier Landes Electronic version URL: http://journals.openedition.org/narratologie/7401 DOI: 10.4000/narratologie.7401 ISSN: 1765-307X Publisher LIRCES Electronic reference Olivier Landes, « Street art et projet urbain, une mise en valeur croisée dans la ville en transition », Cahiers de Narratologie [Online], 29 | 2015, Online since 13 January 2016, connection on 30 April 2019. URL : http://journals.openedition.org/narratologie/7401 ; DOI : 10.4000/narratologie.7401 This text was automatically generated on 30 April 2019. Article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle. Street art et projet urbain, une mise en valeur croisée dans la ville en transition Olivier Landes Historique préalable. Les espaces urbains en transition, des lieux d’expression pour le street art et le graffiti 1 Les espaces en transition ont toujours été des lieux prisés pour l’intervention de graffiti artistes et de street artistes. Jadis peu surveillés, délaissés par leur propriétaires ou gestionnaires, les délaissés urbains, friches ou bâtiments à l’abandon ont toujours proposé des surfaces propices à la peinture murale. 2 La France des années 70 et 80, chantée par Jacques Dutronc et filmée par Tati, est celle des grands chantiers de rénovation urbaine de centre-ville. C’est aussi la France des Trente Glorieuses, celle d’un progrès économique décomplexé, la fin de l’important épisode d’exode rural qu’a connu la France au milieu du XXe siècle, et qui pose des questionnements sociétaux importants. De grands chantiers urbains se développent, transformant profondément certains faubourgs et secteurs périphériques, aidés par les progrès des techniques de constructions et encouragés par le règne de l’automobile. 3 Visant à rénover des quartiers insalubres, à reconvertir de grandes emprises post- industrielles, à créer de nouveaux équipements, de nombreux sites urbains en transition intéressent les artistes. D’un point de vue pratique, ils sont accessibles, disponibles et relativement ouverts. De longues palissades les ceinturent, ces mêmes palissades que Gérard Zolykamien utilise pour y figer ses figurines, rue des Archives à Paris par exemple. 4 D’un point de vue symbolique, ils sont également porteurs de sens. C’est ainsi qu’Ernest Pignon-Ernest choisit en 1979 un immeuble en démolition, rue de l’Ouest dans le XIVème Street art et projet urbain, une mise en valeur croisée dans la ville en tran... Cahiers de Narratologie, 29 | 2015 1 arrondissement, pour mettre en scène Les Expulsés, ce collage représentant un couple modeste, comme déplacé par le projet de rénovation urbaine à l’œuvre sur l’immeuble. EPE 5 Ces deux artistes, couramment cités comme les précurseurs du street art en France, interrogent symboliquement la place de l’Homme au sein des mutations urbaines. Leur intervention In Situ, à même ces immeubles et cette ville en transition, fait œuvre et sens, le geste et le support alimentant l’œuvre au moins autant que la technique ou le rendu graphique. 6 Les années 80 sont celles de l’arrivée en France de la culture urbaine américaine. Le graffiti est alors mêlé à la danse et à la musique, dans la lignée des fondateurs du courant graffiti émanant des États-Unis et de la côte est en particulier. La peinture illégale sur train et métro est la plus emblématique, mais les lieux abandonnés intéressent une autre partie du mouvement, car ils permettent des pratiques plus « confortables ». C’est l’idée de spot. 7 Le terrain vague de Stalingrad est le lieu mythique associé à cette époque, documenté notamment par le photographe Yoshi Omori. S’y déroulent des block parties chaque samedi. Le site, dans l’attente d’un chantier de logements, est un lieu de rendez-vous aisément accessible en métro et visible depuis la ligne 2, qui le surplombe. De nombreux danseurs, DJ’s émergeant à l’époque, jeunes talents du rap et graffitis artistes s’y croisent au milieu des années 80, tels Bando ou Mode2. 8 Un certain renouveau, une massification du mouvement s’opère dans les années 2000. Le terme de street art apparaît alors, faussement fédérateur. Le phénomène est porté essentiellement par les progrès technologiques que sont l’appareil photo numérique dans un premier temps, mais aussi et surtout internet, qui permet de diffuser des œuvres originellement confidentielles et éphémères. Le street art est surtout un screen art, vu de Street art et projet urbain, une mise en valeur croisée dans la ville en tran... Cahiers de Narratologie, 29 | 2015 2 tous sur les réseaux sociaux. Dernier vecteur pour cet essor, les réseaux sociaux embarqués sur les téléphones portables permettent à tous de diffuser les œuvres des artistes, ces derniers perdant (souvent vertueusement) le contrôle sur leur propre communication via des identifications ou des hashtags. 9 Fort de cette nouvelle médiatisation, une frange du mouvement organise des résidences d’artistes. La ville en transition sert alors de décor à des événements souvent très spectaculaires. Ces lieux en friche, en raison de leurs grandes dimensions, permettent des rassemblements d’artistes, colonisant en troupe ces sites, et produisant des œuvres collectives, en phase avec les pratiques du milieu, composé de crews. 10 Pour la France, une résidence fondatrice fut le Mausolée, organisée en toute discrétion en 2010. Lek et Sowat ont convié dans un ancien supermarché en friche situé Porte de la Villette à Paris une quarantaine d’artistes. Friche dure et inaccessible au public, le projet a été dévoilé au public par un livre et une vidéo d’anthologie. Réalisée par leur compère Kan, celle-ci met en scène le travail des artistes dans les parties communes du supermarché. Sorte d’hommage au graffiti version urbex, l’œuvre collective est ici indissociable de ce support, typique des lieux abandonnés. 11 En 2013, des galeristes reprennent ces codes et événementialisent ce type de résidence dans des lieux en transition, comme aux Bains Douches (qui donnera lieu à un livre) ou à la Tour 13, dans Paris, qui connaîtra un grand succès populaire, grâce à une campagne de communication savamment orchestrée. 12 Suivront des initiatives toujours couronnées d’un certain succès populaire, comme la Villa Ocupada à Nantes (59800 visiteurs en 2014) dans le cadre du Voyage à Nantes dans l’ancien bâtiment de la Mutualité, l’In Situ Art Festival à Aubervilliers la même année (30000 visiteurs – voir ci-dessous) et la Résidence Aux Tableaux dans l’ancienne école St- Thomas d’Aquin à Marseille (43000 visiteurs – 2015). 13 Ces actions concertées permettent la mobilisation de moyens, offrent de bonnes conditions de travail aux artistes, et permettent enfin (et surtout) l’exposition au public de ces réalisations. Les effets de cette exposition publique sont nombreux : initiation artistique auprès d’un large public, exposition hors des lieux conventionnels d’exposition (les galeries essentiellement, et leur public restreint), mise en valeur de sites inhabituels et spectaculaires, promotion des artistes par des œuvres in situ et non virtuelles. 14 Au-delà de ces effets, certaines initiatives introduisent une mise en scène permettant de faire parler le lieu, transcendé par l’intervention artistique. Nous avons vu que le site est souvent consubstantiel à l’œuvre. Dans certains cas, c’est l’œuvre qui va révéler le lieu, et permettre, d’une certaine façon de raconter le lieu, sa trajectoire, son moment présent, grâce à la mise en valeur artistique. Deux initiatives illustrant cette mise en valeur croisée entre le street art et la ville en transition L’In Situ Art Festival au Fort d’Aubervilliers (2014) 15 Ancien site militaire puis casse automobile, cette friche a accueilli 30 000 visiteurs lors de l’été 2014, pour ce qui restera un événement de référence dans le milieu des arts urbains français. Street art et projet urbain, une mise en valeur croisée dans la ville en tran... Cahiers de Narratologie, 29 | 2015 3 16 Cette intervention collective In Situ a permis de révéler l’histoire du lieu, son territoire, son avenir urbain. Le thème de la transition a ainsi été suggéré aux artistes, invités à travers leur art à dialoguer avec ce non-lieu promis écoquartier. À titre d’exemple, la prochaine transformation de ce lieu exclusivement masculin par son passé, en un quartier mixte, peuplé de familles à l’avenir a été représenté par une série d’artistes amateurs de féminité, de scènes intimes fraternelles ou enfantines. Le contraste entre la dureté de la friche et la douceur des scènes représentées fut l’un des ressorts scénographiques activés par la direction artistique de l’événement. 17 L’histoire des lieux fut également mise en valeur, à travers un collage photographique en noir et blanc, par deux photographes d’Aubervilliers, Willy Vainqueur et Pierre Terrasson, en hommage au festival Fêtes et Forts, qui s’est tenu à l’été 1984, trente ans précisément avant l’événement de 2014. Installé symboliquement à même les murs des halles, les scènes photographiées mettent en valeur la jeunesse des années 80, et particulièrement des scènes des dates Hip Hop de Fêtes et Forts, qui reste dans le milieu l’une des dates fondatrices du mouvement en France. Symboliquement, le DJ Dee Nasty, présent en 1984 et représenté sur un tirage photographique, a été invité pour mixer en 2014, lors d’une block party anniversaire organisée en 2014. Willy Vainqueur 18 Plusieurs œuvres très signifiantes et profondément ancrées territorialement ont ainsi été produites à l’occasion du festival. La plus emblématique restera certainement uploads/s3/ narratologie-7401.pdf

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