111 Chapitre 6 Modélisation des battements cardiaques La modélisation du battem

111 Chapitre 6 Modélisation des battements cardiaques La modélisation du battement cardiaque est une étape essentielle pour l’identification automatique des ondes caractéristiques. Elle a pour objectif de trouver une représentation mathématique, aussi simple et compacte que possible, de la forme de chaque onde constitutive du battement cardiaque. En effet, la représentation la plus « naturelle » des ondes consisterait à décrire le signal par son amplitude à chaque instant ; cette représentation serait donc un vecteur dans un espace dont la dimension serait égale à quelques centaines. Dans un tel espace, les étapes de traitement nécessaires à la reconnaissance des pathologies se heurteraient à des problèmes insurmontables. L’approche proposée ici consiste à décomposer un battement en une somme de fonctions paramétrées qui permettent de localiser et de caractériser les ondes : la dimension de l’espace de représentation est alors égale au nombre de paramètres qui interviennent dans la décomposition. On peut fonder ce type de modélisation sur des algorithmes aussi divers que la décomposition en ondelettes, la régression polynomiale, l’approximation par réseaux de neurones, l’approximation par fonctions radiales de base (RBF),…, ce qui conduit chaque fois à une représentation analytique du battement considéré. Après avoir défini précisément la principale propriété que nous attendons de la modélisation d’un battement, nous présentons brièvement quelques résultats obtenus par les méthodes classiques citées ci-dessus. Nous verrons ensuite en quoi ces méthodes ne constituent pas une modélisation satisfaisante selon nos critères, et nous présenterons enfin une décomposition entièrement originale, applicable à une grande variété de problèmes, et particulièrement bien adaptée à la modélisation des battements cardiaques. Chapitre 6 Modélisation du battement cardiaque 112 I Objectif de la modélisation I.1 Présentation L’identification des ondes caractéristiques du battement est réalisable en deux étapes : la segmentation et l’étiquetage. • La segmentation correspond au « découpage » du battement en zones susceptibles de contenir chacune une onde cardiaque ; il s’agit donc, à ce niveau, de repérer les formes qui ressemblent aux ondes cardiaques. • L’étiquetage correspond à l’attribution d’un label médical (P, Q, R, S ou T) à chacune des zones définies lors de la segmentation. Les zones qui contiennent une onde cardiaque bien identifiée reçoivent le label médical correspondant, tandis que celles dont l’onde associée ne correspond pas à une onde cardiaque se voient attribuer l’étiquette X. L’affectation d’un label médical à chaque forme de l’ECG est indispensable pour « communiquer » ensuite avec les cardiologues. En effet, les pathologies cardiaques sont classiquement exprimées sous forme d’anomalies des distances entre les ondes caractéristiques, ou en termes de problèmes dans la forme de ces ondes (cf. chapitres 1 et 2) : le fait de localiser précisément ces ondes permettra de fournir aux cardiologues des informations sur leurs formes et sur leurs distances mutuelles, et inversement de définir des seuils de « normalité » pour chacune des ondes. La méthode d’étiquetage sera décrite en détail dans le chapitre suivant ; le présent chapitre est consacré à la segmentation. Puisque l’étiquetage repose entièrement sur les résultats de la segmentation, celle-ci doit être réalisée avec beaucoup d’attention : plus la segmentation est pertinente, plus l’étiquetage est simple et robuste. Chapitre 6 Modélisation du battement cardiaque 113 I.2 Objectif La méthodologie est la suivante : chaque battement est décomposé en une somme pondérée de fonctions paramétrées appelées régresseurs. La modélisation d’un battement donné pose donc trois problèmes : • le choix de la famille de fonctions à l’intérieur de laquelle seront choisis les régresseurs, • la détermination du nombre de régresseurs nécessaires à la modélisation, • l’estimation des valeurs des paramètres de ces régresseurs et de leur pondération dans la somme. Idéalement, afin de faciliter l’étiquetage des ondes constitutives du battement, il serait souhaitable que chaque onde du battement soit modélisée de manière satisfaisante par un régresseur et un seul (ce qui élimine notamment le problème de l’estimation des pondérations). C’est pourquoi nous nous sommes attaché à trouver une famille de fonctions, que nous appellerons « fonctions bosses », pour lesquelles cette propriété est vérifiée pour la majorité des battements. II Modélisation classique Avant d’aborder cette décomposition « sur mesure » du battement cardiaque, nous allons présenter différentes modélisations qui cherchent les régresseurs dans des familles de fonctions conventionnelles. La modélisation la plus couramment utilisée aujourd’hui dans les logiciels complets d’analyse de l’ECG est l’approximation du signal par une ligne brisée [Pavlidis, 1974], [Ray, 1992] et [Naken, 1993]. Les paramètres de ces lignes sont ensuite étudiés pour le repérage des QRS notamment [Koski, 1996]. Cette représentation est loin de notre objectif, nous ne nous étendrons donc pas plus sur ce type d’analyse. Chapitre 6 Modélisation du battement cardiaque 114 II.1 Décomposition en ondelettes La première décomposition proposée ici est une transformée en ondelettes. Ces méthodes sont abondamment décrites dans la littérature, dont on peut trouver des synthèses dans [Mallat, 2000] [Torrésani, 1995]. Il existe un grand nombre de types d’ondelettes telles que celles de Haar, de Morlet, de Daubechies, les « symlets » [Poularikas, 1996], etc. Le choix du type d’ondelettes dépend essentiellement des propriétés recherchées, par exemple l’orthogonalité de la base de décomposition, ou la continuité de la transformation. Pour s’approcher de l’objectif fixé précédemment, nous proposons ici une décomposition en fonctions de type Coiflet (Mexican Hat) [Poularikas, 1996], fonctions qui ont une forme qui évoque celle des ondes cardiaques (Figure 1) ; de plus, ces fonctions constituent une base orthogonale, ce qui assure l’unicité de la décomposition. Figure 1: Représentation de l’ondelette mère Coiflet. La forme de cette fonction est proche de celle des ondes cardiaques à modéliser. II.1.1 Principe de la décomposition Nous présentons ici les grandes lignes de l’algorithme qui permet de passer d’un battement échantillonné, donc représenté par le vecteur constitué des amplitudes des points d’échantillonnages, à un battement représenté comme une somme pondérée de fonctions. 0 100 500 200 300 400 Chapitre 6 Modélisation du battement cardiaque 115 II.1.1.a Signal ECG Le signal à décomposer est donc un battement cardiaque isolé ; la transformée en ondelettes discrète impose une contrainte : le nombre de points d’échantillonnage des signaux doit être une puissance entière de 2 ; or la durée des battements dépend du rythme cardiaque. Pour cette décomposition, le battement sera donc représenté par un vecteur de dimension égale à la puissance de 2 la plus proche, par valeur supérieure, du nombre de points d’échantillonnage du battement, en complétant par des zéros placés avant et après celui-ci. Par exemple, considérons le signal S d’un battement à modéliser (Figure 2). Échantillonné à 500Hz, il est composé de 342 points. Le signal S0 utilisé pour la décomposition est le vecteur composé du signal S précédé de 85 zéros et suivi de 84 zéros, ce qui porte la dimension de ce vecteur à 512, soit 29. S0 est donc aussi un vecteur S0 de l’espace à 512 dimensions dont la i-ème coordonnée dans la base canonique est la valeur du signal au point i. Dans tout ce qui suit, les vecteurs de cet espace sont notés en caractères gras. Figure 2 : La transformée en ondelettes orthogonales contraint de travailler avec un signal dont le nombre de points d’échantillonnage est une puissance entière de 2. Le signal S est donc complété de part et d’autre de 0 pour donner S0. II.1.1.b Bibliothèque d’ondelettes La première étape de la décomposition est la construction de la base d’ondelettes. Si S0 est le signal à décomposer de longueur Np (le nombre de points), la base est constituée de Np S 682 ms ↔ 342 pts S0 1.024ms ↔ 512pts Chapitre 6 Modélisation du battement cardiaque 116 ondelettes orthogonalesI, qui sont toutes déduites de l’ondelette « mère » par translations et dilatations. Soit φ l’ondelette mère ; la base se construit de la manière suivante : { } ϕ − = ± ∈ ∈ 1 2 (2 ), [1..2 ], [1..log ( )] m m p B x n n m N Eq.1 où m et n sont respectivement le coefficient de dilatation et de position de chacune des ondelettes, et Np la longueur du signal à modéliser. Les Np-1 fonctions de la base sont notées { } [1.. 1] p i i N = − ϕ dans la suite. Une telle bibliothèque est présentée sur la Figure 3 ; les ondelettes (ici des Coiflets) qui ont une même dilatation (m constant) sont représentées sur une même ligne. Figure 3 : Famille d’ondelettes utilisée pour la décomposition du signal S0. On compte ici 511 ondelettes qui sont toutes orthogonales, et qui constituent ainsi une base orthogonale de l’espace. I En réalité, par construction, la base ne comporte pas 512 mais 511 ondelettes orthogonales, correspondant à autant d’intervalles entre les points. m=1, n=1 m=2, n=1..2 m=3, n=1..4 m=4, n=1..8 M=5, n=1..16 m=6, n=1..32 m=7, n=1..64 m=8, n=1..128 m=9, n=1..256 Chapitre 6 Modélisation du battement cardiaque 117 II.1.1.c Modélisation La modélisation du signal est peu coûteuse en calcul grâce à la propriété d’orthogonalité des ondelettes évoquée plus haut. Une fois la base construite, la décomposition du signal S0 revient à appliquer au vecteur S0 uploads/s3/ chapitre-6 1 .pdf

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