1 GENERAL IDEA Sa vie et son œuvre de Sarah E.K. Smith Table des matières 03 Bi
1 GENERAL IDEA Sa vie et son œuvre de Sarah E.K. Smith Table des matières 03 Biographie 18 Œuvres phares 49 Importance et questions essentielles 62 Style et technique 76 Où voir 92 Notes 113 Glossaire 121 Sources et ressources 130 À propos de l’auteur 131 Copyright et mentions 2 GENERAL IDEA Sa vie et son œuvre de Sarah E.K. Smith Provocateurs, les trois membres de General Idea (1969-1994) inventent leur histoire, qu’ils se chargent ensuite de transformer en réalité. « Nous voulions être célèbres, glamour et riches. Au fond, nous voulions être artistes, mais nous savions qu’en étant célèbres et glamour, nous pourrions nous dire artistes et être artistes […]. C’est exactement ce qui est arrivé. Nous sommes artistes, célèbres et glamour1! » Le groupe, composé d’AA Bronson, de Felix Partz et de Jorge Zontal, se forme à Toronto à la fin des années 1960. Les trois vivront et travailleront ensemble pendant 25 ans. General Idea cesse ses activités en 1994, quand Partz et Zontal meurent prématurément, des suites du sida. 3 GENERAL IDEA Sa vie et son œuvre de Sarah E.K. Smith GAUCHE : Felix Partz vêtu d’un manteau de fausse fourrure, Toronto, v. 1970, photographe : Jorge Zontal CENTRE : Jorge Zontal, v. 1972; photographe inconnu DROITE : AA Bronson, 1969; photographe : Jorge Zontal. Détail d’une installation formée d’une série de portraits d’AA Bronson et de Zontal intitulée photographies. La série n’est désormais plus complète. AVANT GENERAL IDEA À l’origine de General Idea, il y a Ronald Gabe (1945-1994), Slobodan Saia- Levy (1944-1994) et Michael Tims (né en 1946). Les trois se rencontrent à Toronto, en 1969, où les attire la contreculture en pleine éclosion. Ils prendront respectivement les noms de Felix Partz, Jorge Zontal et AA Bronson. D’abord anonyme, General Idea se cristallise peu à peu en un groupe2 intentionnellement tripartite. Gabe (Felix Partz) grandit à Winnipeg, au Manitoba, et fait des études à l’École des beaux-arts de l’Université du Manitoba3. En 1967, pour un cours de gravure, il photocopie des œuvres célèbres d’artistes divers, dont Andy Warhol (1928-1987), Frank Stella (né en 1936), Nicholas Krushenick (1929- 1999), Richard Smith (né en 1931) et Roy Lichtenstein (1923-1997), qu’il réunit sous le titre ludique de Some Art That I Like (Quelques œuvres d’art que j’aime)4, préfigurant les premières œuvres de General Idea, dans les années 1970. En 1968, il va en Europe et à Tanger. De retour à Winnipeg, il peint une série de ziggourats, inspiré par les motifs islamiques observés pendant ses voyages. General Idea intégrera d’ailleurs la ziggourat dans son imagerie. L’année suivante, Gabe rend visite à son amie Mimi Paige au Collège Rochdale, à Toronto, et choisit de rester dans la métropole5. Saia-Levy (Jorge Zontal) naît de parents juifs yougoslaves dans un camp de concentration à Parme, en Italie, à la toute fin de la Seconde Guerre mondiale6. Après la Suisse, la Yougoslavie et Israël, la famille est admise par les services d’immigration du Venezuela et s’établit à Caracas. Dans les années 1960, Saia-Levy part étudier l’architecture à l’Université Dalhousie, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Il étudie aussi le cinéma et le théâtre et se rend régulièrement à New York pour des cours d’art dramatique. À la fin de la décennie, le voilà à Vancouver, où il étudie la vidéo à l’Université Simon-Fraser (USF) et travaille avec Intermedia. Simultanément, il suit des cours d’interprétation auprès de la danseuse Deborah Hay (née en 1941)7. Ce séjour à Vancouver est significatif : c’est celui de la première rencontre entre Saia- Levy et Tims, qui dirige alors un atelier à l’USF. En 1968, Saia-Levy quitte Halifax dans l’intention de s’établir à Vancouver8. Comme pour Gabe, un passage à Toronto se transforme en une installation permanente. Dans la métropole, il croise à nouveau Tims au Theatre Passe Muraille et fait la connaissance de Gabe. 4 GENERAL IDEA Sa vie et son œuvre de Sarah E.K. Smith Tims (AA Bronson) voit le jour à Vancouver en 1946 dans une famille de militaire ballottée un peu partout au Canada en fonction des affectations. Il s’installe à Winnipeg en 1964 pour étudier l’architecture à l’Université du Manitoba. C’est là qu’il rencontre Gabe, par l’intermédiaire d’une amie commune, Mimi Paige. Il décroche en 1967 avec quelques camarades pour créer une communauté alternative qui comprend une école libre, une commune, un marché gratuit et un journal d’avant-garde, intitulé The Loving Couch Press, auquel il collabore comme rédacteur9. À la même époque, Tims est apprenti sans solde auprès d’un thérapeute spécialisé dans les communautés intentionnelles. Ce travail l’amène à sillonner le Canada et c’est dans ce contexte qu’il rencontre Saia-Levy à Vancouver10 et découvre le travail d’Intermedia. Désireux d’explorer d’autres communes, Tims se rend à Montréal puis à Toronto, où il s’installe au Collège Rochdale et devient bientôt membre de l’équipe des éditions Coach House Press et du Theatre Passe Muraille. GAUCHE : General Idea, Mimi, 1968-1969, peinture acrylique et latex sur toile, 301 x 201,8 cm, Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto. Ce tableau fait partie d’une série sur le motif de la ziggourat qu’a effectuée Felix Partz à son retour au Canada après un voyage en Europe et à Tangers en 1968 et qui sera ensuite intégrée à l’œuvre de General Idea. DROITE : Mimi Paige et Felix Partz au 78, rue Gerrard Ouest, Toronto, v. 1969, photographe : Jorge Zontal. Pendant un temps, la rue Gerrard Ouest est la Carnaby Street de Toronto : des fleurs sont peintes dans la rue où s’affiche une mode décalée. En 1969, elle est déjà oubliée et General Idea s’y installe avec quelques amies dans ce petit magasin abandonné. Cette expérience cumulative de l’architecture, du théâtre, du cinéma, de l’art, des communautés intentionnelles, de la Gestalt-thérapie et de l’édition indépendante porte les germes de l’œuvre de General Idea. Pour Bronson, le groupe est le fruit du « psychédélisme de la fin des années 1960, qui vibrent des révolutions étudiantes, des affiches fluorescentes, des journaux d’avant- garde et des idées de Marshall McLuhan, et il s’inspire d’Intermedia, premier centre d’artistes autogéré du Canada11 ». 5 GENERAL IDEA Sa vie et son œuvre de Sarah E.K. Smith General Idea devant Motif de test : plateaux télé du pavillon Miss General Idea 1984 (détail), 1988, Collection General Idea; photographe : Tohru Kogure. Lieu : SPIRAL (Centre d’art Wacoal), Tokyo, 1988. GESTATION D’UN GROUPE En 1969, Ronald Gabe, Slobodan Saia-Levy et Michael Tims12 sont à Toronto et se rencontrent au Theatre Passe Muraille pendant les répétitions d’une pièce intitulée Home Free (libre chez soi). Le théâtre a été créé dans le sillage du Collège Rochdale, une université libre et gratuite à caractère expérimental. Il s’agit d’une scène de la contreculture qui attire de nombreux visualistes. Bronson précise : « La contreculture était plutôt restreinte à l’époque, et s’épanouissait surtout en trois endroits : le Collège Rochdale, le Theatre Passe Muraille et la maison d’édition Coach House Press13 ». Peu après leur rencontre, les trois emménagent dans une maison du centre- ville torontois, au numéro 78 de la rue Gerrard Ouest, en compagnie de Mimi Paige (qui est alors la petite amie de Gabe) et de Daniel Freedman (ami et acteur)14. Bronson se rappelle qu’ils sont alors tous chômeurs et s’amusent à créer de fausses vitrines dans les fenêtres de la maison qui a d’abord été un magasin15. 6 GENERAL IDEA Sa vie et son œuvre de Sarah E.K. Smith La maison du 78, rue Gerrard Ouest, à Toronto, où General Idea s’est formé et a vécu en 1969-1970; photographe : Jorge Zontal. Un jour, ils y mettent en scène des romans d’amour dont les protagonistes sont des infirmières. Leur cible : les pensionnaires de la résidence voisine, qui appartiennent précisément à cette profession. La vitrine donne à croire que la maison est une librairie, mais les clients sont empêchés d’entrer par un écriteau sur la porte annonçant le retour du libraire dans cinq minutes16. Fait intéressant : le groupe ne considère pas ces premières expériences comme de l’art17. Les installations subséquentes sont publiques et à la fois plus ambitieuses et plus complexes. C’est le cas notamment de Waste Age (L’ère des rebuts), en 1969, une exposition collective présentée dans la maison, qui réunit des œuvres de Saia-Levy, Gabe, Tims et Mary Gardner18. Nombre de ces premiers projets font appel à des techniques éphémères, dont le mail art, la performance, la photographie et le cinéma. Les amis travaillent tantôt en collaboration, tantôt seuls. Gabe expose des peintures, Saia- Levy, des photographies, et Tims se rend à Vancouver pour y donner une performance expérimentale19. En 1970, à Toronto, General Idea participe à une première exposition collective, intitulée Concept 70, dans une galerie appelée A Space, dont le nom remplacera peu à peu celui de Nightingale Gallery. Le groupe veut présenter une œuvre baptisée General Idea (Idée générale). Les propriétaires de la galerie se méprennent et inscrivent le groupe sous ce nom. Bronson raconte que c’est de là que le trio tire son nom. « C’était le titre d’un de nos premiers uploads/s3/ general-idea-sa-vie-et-son-oeuvre.pdf