Georgios Bakalakis Un torse archaïque d'Apollon citharède à Délos. In: Bulletin
Georgios Bakalakis Un torse archaïque d'Apollon citharède à Délos. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 60, 1936. pp. 59-65. Citer ce document / Cite this document : Bakalakis Georgios. Un torse archaïque d'Apollon citharède à Délos. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 60, 1936. pp. 59-65. doi : 10.3406/bch.1936.2747 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1936_num_60_1_2747 UN TORSE ARCHAÏQUE D'APOLLON CITHARÈDE A DÉLOS Le fragment de sculpture que je me propose d'étudier ici (1) est conservé au Musée de Délos et provient des fouilles françaises. Il figure, dans l'inventaire du Musée établi autrefois par P. Cavvadias, sous le n° 14 (2), mais aucun renseignement n'est donné sur le lieu ou la date de la découverte. Voici d'ailleurs la notice de Cavvadias : « Torse de femme Fig. 1. · — Torse d'Apollou (vu de dos), portant une légère tunique à manches et, par dessus, un manteau ; la chevelure retombe, par devant et par derrière, en longues boucles. (1) Je remercie M. Ch. Picard, qui prépare Tétude de l'ensemble des sculptures de Délos, de m'avoir autorisé à faire connaître dès maintenant ce fragment, et M. R. Demangel, direc teur de l'École française d'Athènes, d'avoir bien voulu le publier dans le Bulletin. MM. Lemerle etFeyel, qui ont eu l'obligeance de revoir de près la traduction de cet article, ont également droit à ma vive reconnaissance. (2) Le n° 14 se Ht d'ailleurs encore sur le marbre, peini en bleu sur la cassure du cou. 60 G. HAKALAKIS Travail soigné, bonne conservation. Il ne reste que le haut de la poitrine, moins l'omoplate droite. » (1) Je note d'abord que ce torse ne peut pas avoir appartenu à une statue de femme : il suffit pour s'en convaincre de considérer la forme et les Fig. 2. — Torse d'Apollon (vu de face). dimensions de l'omoplate gauche et du haut du bras (fig. 1), la profonde concavité de la fosse jugulaire (fig. 2), et de noter l'absence complète des seins, qui devraient être au contraire si marqués dans une Coré archaïque. Fig. 3. ■ — Torse d'Apollon (vu de proill). La coiffure, en effet semblable à celle des Corés, ne saurait suffire à caractériser le torse comme féminin, ainsi que je le montrerai plus bas par des exemples empruntés à la statuaire et à la peinture de vases. D'autre part la description de Cavvadias ne dit rien de l'objet de forme allongée qui s'appuie sur la partie gauche de la poitrine et forme avec (1) Voici les mesures, que l'inventaire ne donne pas : plus grande hauteur conservée, 0 m. 27 ; largeur, 0 m. 52. Le marbre est à gros grain, d'un blanc un peu grisâtre (Naxos)· UN TORSE ARCHAÏQUE d'aPOLLON CITHARÈde A DELOS 61 elle un angle droit (fig. 3). C'est ce détail que je voudrais essayer d'expli quer. Sur sa face externe, c'est-à-dire du côté du bras conservé, l'objet présente un profil convexe, et il est recouvert d'une étoffe plissée. Sur la face interne, celle qui regarde la poitrine et fait avec elle un angle à peu près droit, l'objet apparaît nu et présente une surface polie. La face postérieure, qui s'appuie contre la poitrine et s'en délache vers le haut, donne l'impression que l'objet était de bois taillé ou de quelque matière analogue. La face antérieure, vers le spectateur, n'est pas conservée. La coupe de l'ob jet (fig. 4) rappelle d'une façon évidente celle des bras d'une cithare, qui vont en s'amincissant du bas vers le haut(l). Fig. 4. — Coupe ^ ' # du bras de la cithare Ainsi notre statue était celle d'un personnage qui appuyé contre la tenait une cithare et l'appuyait,· de son bras replié, sur poitrine d'Apollon , . . _ „ ' citharède. la partie gauche de sa poitrine. La iace externe du montant appuyé contre la poitrine était couverte d'une étoffe qui tombait en deux longs pans inégaux : il en va tout de même pour l'Apollon d'un relief du prytanée de Thasos (2), et le cilharède du Louvre (3), œuvres dont le style est assurément archaïque, mais dont le type iconographique est conservé parla peinture de vases (4). L'étofle devait tomber plus bas que la cithare, peut-être jusqu'aux genoux, et présentait pour le sculpteur un double avantage, technique et esthétique: la cithare était étroitement liée au corps, avec lequel elle faisait bloc ; et à sa partie inférieure elle ne se terminait pas brusquement, ce qui l'eût fait paraître comme suspendue dans le vide sans aucun support. Notre interprétation est confirmée par la célèbre métope du trésor de Sicyone à Delphes (fig. 5) (5) : comme sur le torse de Délos, la cithare s'appuie sur la poitrine de Linos et d'Orphée à angle droit. Pour la manière de tenir la cithare, on se reportera encore à TApollon du prytanée de Thasos, ainsi qu'à plusieurs peintures de vases analogues (1) Diet, Ant., s. ν. Lyra et musica. On peut se reporter aussi à Plutarque, Iïeoî μουσικής, et à maint passage d'Athénée. (2) Ch. Picard, Mon. Piot,XX, 1913, p, 43, fig. 1. (3) N° 690 : cf. M. Collignon, BCH, 1900, p. 532 sq., pi. XII; W. Deonna, Dédale, I, p. 212, n. 5. (4) Diet. Ant., s. ν. Lyra, %. 4726. (5) Delphes, IV, 1909, ρ, 18, pi. II-IV ; Picard-La Coste-Messelière, La sculpture grecque à Delphes, 1929, pi. II ; W. Deonna, Dédale, II, p. 129 (bibliographie complète). Sur la légende représentée, cf. Assmann, Das Schiff von Delphi, Jahrb.> 1905, p. 32» 62 G. ËAKALAKIS à celle de la fig. 6. Et comme nous sommes à Délos, on admettra que notre statue, qui tenait de la main gauche la cithare et de la main droite sans doute le plectre ou un instrument analogue, était celle d'Apollon citharède (1), plutôt que celle d'un citharède mortel (2). On en déplorera d'autant plus la mutilation, car si les figures d'Apollon citharède sont nombreuses dans la peinture de vases ou la sculpture récente, elles sont rares à l'époque archaïque et en ronde-bosse. Fig. 5. — Métope du trésor delphique de Sicyone. Le dieu était représenté avec une longue chevelure tombant en boucles presque symétriques sur les épaules et la poitrine, comme celle des Corés archaïques et de certaines statues d'hommes vêtus (3), pour ne rien dire des kouroi nus. C'est cette disposition de la chevelure qui a fait croire à Cavvadias que le torse était féminin (4). Mais il est connu qu'à l'époque archaïque la coiffure des hommes ne différait guère de celle des femmes, (1) M. Hampe, assistant à l'Institut allemand d'Athènes, a bien voulu me faire connaître l'opinion de M. E. Buschor, qui avait vu le torse lors d'une visite à Délos : il estime lui aussi qu'il s'agit d'un Apollon citharède. (2) Comme les statues du citharède thébain Cléon, œuvre de Pythagoras (Pline, Hist. Nat., 34, 59) et de Sakadas ou d'Aristonikos à Delphes (Pausanias, IX, 30, 2). Cf. E. Reisch, Weihgeschenke, p. 52-53. (3) H. Môbius, AM, 1916, p. 169, pi. XI (torse de Dionysos, Icaria d'Attique) ; G. Roden- waldt, AM,1921, p. 27, pi. I-II (torse archaïque de Zeus au Musée National d'Athènes). (4) De même le torse du Louvre n° 690 (Collignon, BCH, 1900, p. 532, n. 3) a été pris d'abord pour un torse de femme. UN TORSE ARCHAÏQUE D APOLLON CITHAREDE A DELOS 63 sinon par un peu plus de simplicité (1). Sur le torse de Délos, les boucles qui tombent sur la poitrine sont plus grêles que celle des Corés 680 et 684 de l'Acropole ; celles qui tombent sur le dos rappellent beaucoup la coiffure de la Goré 679 (2). Sur une amphore de Philadelphie (fig. 6) qui provient de l'atelier de Ménon, contemporain et collaborateur d'Ando- kidès (3), la coiffure d'Apollon est tout à fait semblable à celle du torse de Délos ; on notera, sur le même vase, que le dieu porte exactement le même costume que sa sœur Artémis. Fig. 6. — Apollon citharède, sur une amphore de Ménon (Pfuhl, III, fig. 318). Le torse de Délos, par dessus une tunique sans doute en laine (4) dont on voit la manche plissée, portait un manteau d'étoffe plus épaisse qui était agrafé sur l'épaule droite et laissait à découvert, en biais, le haut de la poitrine et l'aisselle gauche (δ). Ce costume est sans doute (1) W. Deonna, Dédale, I, p. 392, fig. 42. (2) Schrader, Auswahl Marmorskulpturen, pi. II. (3) /. M. Philadelphia, V, 32 sq. ; AJA, IX, 1905, p. 170 sq., pi. 6; Hoppin, II, 202 ; Buschor, Griech. Vasenmalerei, p. 152 ; E. Pfuhl, Malerei der Griechen, § 444, fig. 318. (4) Cf. W. Deonna, Dédale, I, fig. 61 (14 et 16). (5) Le manteau de l'Apollon du Prytanée de Thasos (Mon. Piot., XX, 1913, p. 43, fig. 1) descend obliquement sur la poitrine, de l'épaule droite à l'aisselle gauche ; de même le manteau du torse n° 690 du Louvre (BCH, 1900, pi. XII ; Langlotz, Frûhgriech. lîildhauer- schulen, p. 126, pi. 74 a). 64 G. BAKALAKÎS plus habituel aux Cores qu'aux statues viriles uploads/s3/ un-torse-archaique-d-x27-apollon-citharede-a-delos 1 .pdf
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- Publié le Apv 28, 2021
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