Actes du congrès de l’Actualité de la recherche en éducation et en formation (A

Actes du congrès de l’Actualité de la recherche en éducation et en formation (AREF), Université de Genève, septembre 2010 1 ANALYSE D'UN PROCESSUS DE NEGOCIATION IDENTITAIRE EN ENTRETIEN D'ACCOMPAGNEMENT A LA VAE Vanessa Rémery Conservatoire National des Arts et Métiers Centre de Recherche sur la Formation Case 232 - 2 rue Conté – 75003 Paris vanessa.remery@cnam.fr Mots-clés : Validation des acquis de l'expérience, interaction, négociation identitaire Résumé. Notre communication propose de restituer les premiers résultats d'un travail de thèse dont l'objectif est d'explorer les liens entre l'activité de formalisation de l'expérience caractéristique des entretiens d'accompagnement en Validation des Acquis de l'Expérience (VAE) et les stratégies identitaires mises en œuvre par les candidats s'engageant dans cette activité. L'analyse que nous proposons d'un corpus d'entretien s'inspire de l'approche méthodologique développée par les courants pragmatiques de la linguistique interactionniste. A partir du repérage et de l'analyse d'un processus de négociation identitaire déployé au cours d'un entretien, nous montrerons en quoi le recours à cette méthode d'analyse du discours-en-interaction peut contribuer à une compréhension des activités mises en œuvre entre un accompagnateur et un candidat en situation d'accompagnement à la VAE. Notre communication s'inscrit dans un travail de recherche dont l'objectif est d'explorer les liens entre l'activité de formalisation de l'expérience caractéristique des entretiens d'accompagnement en Validation des Acquis de l'Expérience (VAE) et les stratégies identitaires mises en œuvre par les candidats s'engageant dans cette activité. Nous nous proposons de restituer les premiers résultats de cette recherche en proposant l'analyse d'un processus de négociation identitaire déployé au cours d'un entretien.  Qu'est-ce que la VAE ? La Validation des Acquis de l'Expérience est un dispositif législatif institué en 2002 en France, qui permet à toute personne ayant acquis des compétences à travers son expérience professionnelle ou bénévole d’obtenir un diplôme reconnu par l'État sans s'engager dans une formation. Dans la plupart des cas, les candidats à une VAE doivent élaborer un dossier pour étayer leur demande de validation. Ce dossier constitue un écrit argumentatif qui est adressé à un jury et au travers duquel ils doivent décrire et analyser plusieurs situations de travail vécues. L'élaboration du dossier VAE implique pour le candidat un travail réflexif sur son expérience en vue d'identifier et de formaliser ses acquis en lien avec le diplôme pour lequel il fait sa demande. Parce que ce travail est complexe, les candidats ont la possibilité d'être accompagnés méthodologiquement dans la rédaction de leur dossier. Une fois rédigé et transmis aux organismes certificateurs, le dossier constitue l'élément à partir duquel un jury va statuer sur la demande de diplôme du candidat.  Les enjeux de reconnaissance identitaire de la VAE L'élaboration du dossier repose sur un travail de mise en ressource et de valorisation de son expérience où le candidat est amené à reconstruire des situations de travail vécues, ce qu'il a fait, Actes du congrès de l’Actualité de la recherche en éducation et en formation (AREF), Université de Genève, septembre 2010 2 ses tâtonnements, ses choix, prises de décisions, etc. Ce travail implique d'être capable de porter un regard sur soi, d'évaluer ce qui a été fait et comment, de prendre ses distances par rapport à ses échecs et ses réussites pour comprendre de quoi ils relèvent et ce qu'on en retire. Sont alors actualisés les investissements subjectifs que la personne associe à ses expériences ainsi que les représentations qu'elle se fait de celles-ci. La démarche relève donc aussi d'un travail sur soi car toutes les dimensions constitutives de l'expérience sont en jeu ; y compris épistémiques, affectives et identitaires. On peut alors affirmer que si la VAE s'intéresse aux savoirs construits par l'expérience, elle n'échappe pas à la question des affects, images de soi et identités professionnelles auxquels ces savoirs sont associés. Les travaux sur les récits biographiques et les histoires de vie ont d'ailleurs montré l'importance du regard personnel porté sur nos propres expériences de vie. Soumises aux représentations personnelles, les expériences de vie acquièrent un sens et une valeur pour soi qui conditionnent le sentiment de compétence de la personne. Mais le regard porté sur son expérience active aussi des modalités d'identification. En effet, quand les candidats parlent de leur pratique professionnelle, qu’ils la décrivent et qu’ils formalisent leurs savoirs d'expérience, ils définissent en même temps leur appartenance à un métier et une culture professionnelle. Les attentes de reconnaissance en VAE portent alors non seulement sur une demande de reconnaissance des savoirs d'expérience que les candidats parviennent à formaliser, mais aussi sur les représentations identitaires que les candidats croient ou feignent se reconnaître.  L'observation des processus de négociation identitaire Les discours que les candidats à une VAE tiennent sur leurs activités professionnelles sont porteurs d'indices et de marqueurs identitaires constitutifs de leur identité professionnelle pour soi. Cette identité, dont ils revendiquent la reconnaissance institutionnelle, s'est forgée à travers un processus biographique d'identification (Dubar, 1991), c'est-à-dire dans l'expérience grâce à un apprentissage sur le tas. Les entretiens d'accompagnement en VAE constituent le lieu où sont exprimées, argumentées et discutées ces demandes de reconnaissance des identités du soi, définies par Laing (1971) comme les histoires qu'on se raconte sur ce qu'on est. En effet, « l'individu n'est pas libre de s'accorder n'importe quelle identité personnelle, n'importe quelle biographie; il ne peut pas davantage revendiquer à son gré une appartenance à des catégories auxquelles il ne peut pas prétendre, ni s'attribuer selon son bon plaisir des propriétés pour lesquelles il n'a aucun titre [...]. Sa définition de soi doit être acceptée et ratifiée par les autres » (Quéré, 1989). Une incursion au cœur du processus d'accompagnement permet de rendre compte des enjeux de reconnaissance identitaire dont les interactions entre accompagnateur et candidat sont porteurs. En effet, si l'entretien demeure une interaction spécialisée, elle fonctionne toujours sur l'intersubjectivité et sur l'action conjointe et réciproque (Vion, 1992). Il existe d'ailleurs de nombreux psychologues et sociologues interactionnistes comme Flahault (1978), Watzlawick (1972) ou Goffman (1973) pour qui l'interaction peut réciproquement être définie comme lieu d'une incessante confrontation de définitions de soi revendiquées ou attribuées. Nous proposons ici d'analyser la manière dont certains candidats prennent en charge, dans les échanges, les écarts qui peuvent potentiellement émerger entre la présentation de soi (Goffman, 1973) qu'effectue le candidat (c'est-à-dire une proposition de définition de lui-même : « voici qui je suis et comment je me vois ») et l'identité attribuée par l'accompagnateur. En effet, identité pour soi et identité pour autrui (Dubar, 1991) ne coïncident pas toujours quand l'accompagnateur procède à la mise en correspondance des expériences formalisées par le candidat avec le niveau d'exigence attendu des référentiels du diplôme visé. Or la VAE est un « support » dans lequel se manifeste de manière exacerbée un besoin de confirmation des identités subjectivement vécues, et où l'identité pour autrui prend une place très importante dans la démarche des candidats (Jacques et al., 2006). Dès lors qu'il y a désaccord (Goffman, 1973), se déploient chez les candidats des stratégies identitaires (Dubar, 1991 ; Lipiansky & al., 2002), à l'image d'une « lutte pour la reconnaissance » (Honneth, 2008), destinées à réduire les écarts entre les deux identités. Soulignons toutefois que la notion de stratégie ne relève pas d'une conception téléologique de l'action, envisagée comme projet conscient. En nous appuyant sur Vion (1992), nous définirons la stratégie comme une ligne de conduite construite et négociée dans l'échange, que le chercheur infère une fois l'interaction Actes du congrès de l’Actualité de la recherche en éducation et en formation (AREF), Université de Genève, septembre 2010 3 achevée, et non un calcul stratégique des interactants correspondant à des buts préalablement poursuivis et antérieurs à l'interaction. Des interactions accompagnateur / candidat, nous avons donc tenté d'inférer les stratégies d'action actualisées par les candidats afin de comprendre comment le problème de l'écart entre l'identité revendiquée pour soi et l'identité attribuée par l'accompagnateur est alors pris en charge par les candidats. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur la théorisation de la notion de « négociation conversationnelle » développée dans le cadre d'une approche pragmatique des interactions verbales. La situation de communication caractéristique des entretiens d'accompagnement en VAE est ainsi appréhendée comme une scène sur laquelle se jouent et se négocient des identités (Goffman, 1973). Comme le souligne Kerbrat-Orecchioni (2009), l'identité de chacun est une construction interactive où chaque acteur se compose une identité en composant avec autrui. Avant d'en arriver à la méthodologie mise en œuvre pour recueillir nos données et aux séquences du corpus elles-mêmes, quelques précisions sur la notion de négociation. Selon Kerbrat- Orecchioni (1984, 2009) et Roulet (1985), les négociations caractérisent des processus communicationnels d'ajustements mutuels que des interlocuteurs mettent en œuvre pour parvenir à un accord face à un différend qui surgit au cours d'une interaction verbale. La négociation peut survenir à tout moment dans un échange. Pour qu'on puisse parler de négociation, il faut donc qu'au départ surgissent certains conflits, divergences, tiraillements entre les interactants que ces derniers tentent de résoudre au moins partiellement, grâce à certaines concessions effectuées de part et d'autre. En effet, le désaccord est uploads/Finance/ analyse-dun-processus-de-negociation-identitaire 1 .pdf

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  • Publié le Mar 15, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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