LE BAMBARA (bámanankan) [quelques contrastes pertinents pour l'acquisition du F

LE BAMBARA (bámanankan) [quelques contrastes pertinents pour l'acquisition du Français Langue Seconde par des locuteurs du bambara] VALENTIN VYDRINE INALCO — LLACAN LANGUES ET GRAMMAIRES EN (ILE DE) FRANCE PHRASE AFFIRMATIVE NEGATIVE (13) PRÉSENTATIVE a. Jàkúmá` dòn. chat PRES 'C'est un chat.' b. Jàkùmà tɛ́. chat COP.NEG 'Ce n'est pas un chat.' (14) ÉQUATIVE a. Sékù yé nùmù yé. Sékou EQU forgeron PP 'S. est forgeron.' b. Sékù tɛ́ nùmù yé. Sékou COP.NEG forgeron PP 'S. n'est pas forgeron.' (15) SITUATIVE a. Ɲínɛ́` bɛ́ bɔ̀rɛ́ ` kɔ́nɔ́. souris.ART SIT sac.ART dans 'La souris est dans le sac.' b. Ɲínɛ́` tɛ́ bɔ̀rɛ́` kɔ́nɔ́. souris.ART COP.NEG sac.ART dans 'La souris n'est pas dans le sac.' Malgré ces contrastes, l'acquisition du verbe être français ne devrait pas être problématique pour les bambarophones. Ce qui peut l'être, en revanche, c’est l’absence de verbe ‘avoir’ en bambara. Les phrases françaises en 'avoir' ont pour équivalents en bambara des phrases situatives, lit. « X est à/en/avec Y » : (16) Wárí` bɛ́ ń fɛ̀. argent.ART SIT 1SG avec Lit. 'Il y a de l'argent avec moi'= ‘J’ai de l’argent’. (17) Jàgofɛn-w bɛ́ ń fà` bólo. marchandise-PL SIT 1SG père.ART en ‘Il y a des marchandises en mon père.’ = ‘Mon père a des marchandises’. (18) Dén tɛ́ à lá. enfant COP.NEG 3SG à 'Il n'y a pas d'enfant chez lui.' = 'Il n'a pas d'enfant.' Une divergence saillante entre le français et le bambara concerne les stratégies de mise en relief. En bambara, la focalisation contrastive est signalée par la particule dè postposée au constituant focalisé ; aucune modification de l’ordre normal des mots ne se produit : (19a) À yé jɛ́gɛ́` sàn. 3SG PFV.TR poisson. ART acheter ‘Il/elle a acheté du poisson’. (19b) À yé jɛ́gɛ́` dè sàn. 3SG PFV.TR poisson. ART FOC acheter ‘C’est du poisson qu’il/elle a acheté’. Dans les questions partielles, les mots interrogatifs occupent exactement la même position que le constituant qu'ils remplacent, sans être déplacés à l'initiale de la phrase comme en français standard. (20a) Í yé mùn sàn ? 2SG PFV.TR quoi acheter ‘Qu’est-ce que tu as acheté ?’ (20b) Í yé jɛ́gɛ́` sàn mín ? 2SG PFV.TR poisson. ART acheter où ‘Où as-tu acheté le poisson ?’ Dans les questions oui/non, l’ordre des mots est également le même que dans la phrase déclarative correspondante ; l’interrogation est signalée par la particule wà (21) ou par la seule intonation : (21) À yé jɛ́gɛ́` sàn wà? 3SG PFV.TR poisson.ART acheter Q ‘A-t-il/elle acheté du poisson ?’ Une grande différence entre le français et le bambara concerne les relatives. En bambara, le groupe nominal relativisé est suivi d’un déterminant spécialisé, mîn, mais occupe dans la relative la même position qu’un groupe nominal non relativisé ; la subordonnée précède la principale, où le groupe nominal relativisé est repris par un pronom anaphorique (SG : ò, PL : òlú) : (22a) À yé jɛ́gɛ` mîn sàn súgú` lá, 3SG PFV.TR poisson.ART REL acheter marché.ART dans ń yé ò dún. 1SG PFV.TR celui-ci manger Lit. 'Il a acheté lequel poisson au marché, j'ai mangé celui-ci.' = ‘J’ai mangé le poisson qu’il a acheté au marché’. (22b) À yé jɛ́gɛ́` sàn súgú` mîn ná, 3SG PFV.TR poisson.ART acheter marché.ART REL dans ń tɛ́ ò dɔ́n. 1SG IPFV.NEG celui-ci connaître Lit. 'Il a acheté le poisson dans lequel marché, je ne connais pas celui-ci.' = ‘Je ne connaîs pas le marché où (dans lequel) il a acheté le poisson’. ÉLÉMENTS CULTURELS La culture écrite chez les Bambaras est récente, et le taux d’analphabétisme chez les adultes est très élevé. D’autre part, dans le système éducatif coranique, l’initiative de l'élève n’est pas encouragée ; il est habitué à apprendre par cœur de longs textes en arabe sans les comprendre. Il faut donc expliquer à l’élève que son but n’est pas seulement de mémoriser, mais surtout de comprendre ce qu'il apprend. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES ET RESSOURCES ÉLECTRONIQUES Dumestre G. Grammaire fondamentale du bambara. Paris : Karthala, 2003. Corpus Bambara de Référence et dictionnaire électronique Bamadaba http://cormand. huma-num.fr/ GLOSSAIRE ART article tonal, C consonne, COD complément d’objet direct, COI complément d’objet indirect, COP copule, EQU copule équative, FOC focalisateur, IPFV imperfectif, NEG négation, NMLZ suffixe de nominalisation, PFV perfectif, PL pluriel, PP postposition à valeur générale, PRES copule présentative, Q particule interrogative, REL déterminant relatif, SG singulier, SIT copule situative TR transitif, V voyelle. LGIDF http://lgidf.cnrs.fr/ Le projet Langues et Grammaires en (Île-de) France a pour centre un site internet conçu par des linguistes, des didacticiens et des professionnels de l’Éducation nationale et propose : • des informations linguistiques sur diverses langues parlées en (Ile-de) France • des descriptions scientifiques des propriétés scripturales, sonores et grammaticales, avec des exemples écrits et audio • une liste de mots traduits et enregistrés et une histoire traduite et lue dans toutes les langues étudiées • des informations sur les systèmes de numération • des ressources bibliographiques pour chaque langue • des liens conduisant à d’autres sites linguistiques • des outils pédagogiques pour les professionnels en charge de publics allophones (fiches langues, activités) Source de l’image : africa.ibangi.collecti on.overblog.com PRÉSENTATION GÉNÉRALE Le bambara est parlé surtout au Mali par 14 à 15 millions de locuteurs (en 2016), dont 4 à 5 millions sont des locuteurs natifs. Le dioula véhiculaire du Burkina Faso (3-4 millions de locuteurs) et de Côte d’Ivoire (près de 12 millions) est très proche du bambara et peut être considéré comme une variante territoriale. Le maninka (ou malinké) de Guinée est plus ou moins proche du bambara ; le maninka du Sénégal et surtout le mandinka du Sénégal, de Gambie et de Guinée-Bissau en sont plus éloignés. En France, les locuteurs du bambara sont très nombreux, c’est probablement la langue africaine la plus parlée dans les diasporas africaines. Le bambara appartient au groupe Mandingue de la famille linguistique Mandé (celle-ci comportant environ 70 langues très divergentes). Ses caractéristiques les plus saillantes, par rapport au français, sont : i) la quasi-inexistence des syllabes fermées (càd. terminées par une consonne) ; la présence du ton lexical et grammatical ; ii) le caractère isolant, d’où la quasi-absence de flexion morphologique (pas de conjugaison verbale ni de déclinaison nominale ou pronominale) ; les sens grammaticaux sont le plus souvent exprimés par des mots fonctionnels ou par l’ordre des mots ; iii) l’absence de genre grammatical ; iv) l’ordre des mots très strict ; v) les groupes syntaxiques mis en relief (focalisés, relativisés…) restent in situ, sans être déplacés au début de la phrase. ÉLÉMENTS DE PHONOLOGIE Le bambara a 7 voyelles orales et 7 voyelles nasales brèves (la nasalité vocalique est transcrite par la lettre –n après la voyelle, ex. dun [dṹ] ‘manger’) ; la longueur vocalique est distinctive surtout dans la position non finale du mot (ex. búrú ‘trompe’/búurú ‘pain’). Pour les bambarophones, les voyelles antérieures arrondies du français [y] (pu), [ø] (peu) et [œ] (peur) peuvent poser des problèmes (elles peuvent être confondues avec les voyelles antérieures non arrondies [i], [e], [ɛ]). Les consonnes françaises pouvant être problématiques pour les Bambaras sont [ʒ] (joue) et [ʃ] (chou). Le phonème [ʒ] n’existe pas en bambara, dans les emprunts on le remplace le plus souvent par [z]. [ʃ] est en bambara un phonème marginal, et généralement en variation libre ou en distribution complémentaire avec [s]. La consonne r n’apparaît jamais au début d'un mot en bambara (comparer français roue, riz etc.). Les syllabes fermées n’existent pas en bambara (sauf dans quelques emprunts ou adverbes expressifs), seules les syllabes de forme V et CV sont possibles. Dans les emprunts, des voyelles épenthétiques (i, u) sont insérées pour éviter une syllabe fermée (wɔ́rɔ́bú ‘robe’, bíríkí ‘brique'). Le bambara est une langue tonale (le ton haut est marqué par un accent aigu, et le ton bas par un accent grave), mais ceci ne doit pas créer de difficultés pour un Bambara apprenant le français. Le bambara a été jusqu’aux années 1970 une langue sans écriture, et jusqu’à aujourd’hui, la langue principale de l’école au Mali (et dans les pays voisins) reste le français. L’alphabet N’ko, créé en 1949, devient de plus en plus populaire en Guinée et (dans une moindre mesure) au Mali, mais il est peu probable qu’il soit familier à un grand nombre d’élèves d’origine africaine en France. ÉLÉMENTS DE GRAMMAIRE Le bambara est une langue isolante, où les propriétés grammaticales sont exprimées surtout par des mots fonctionnels, plutôt que par des modifications de la forme des mots. Il y a cependant quelques suffixes grammaticaux, facilement distinguables : -ù suffixe du pluriel (conventionnellement transcrit toujours par -w), -ra suffixe de l’accompli, -la suffixe du progressif, etc. L’emploi du pluriel est très différent en bambara et en français. Quand un nom est modifié par un adjectif (qui suit toujours le nom), le suffixe du pluriel n’apparaît qu’une seule fois, après l’adjectif : (1) a. sò-w cheval-PL ‘chevaux’ b. sò jɛ́-w cheval blanc-PL ‘chevaux blancs’ Par ailleurs, la marque du pluriel n’apparaît généralement pas avec les noms de parties de corps formant des paires (2). Le nom uploads/Finance/ bambara-09-05-16-pdf.pdf

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  • Publié le Jul 30, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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