CRISES ET FRACTALES : QUELS ENSEIGNEMENTS ? Alain Grandjean, économiste 2006 To

CRISES ET FRACTALES : QUELS ENSEIGNEMENTS ? Alain Grandjean, économiste 2006 Tous droits réservés par l’auteur Magazine de la communication de crise et sensible www.communication-sensible.com   2/7 www.Communication-sensible.com   © Magazine de la communication de crise et sensible – 2006 – Tous droits réservés par l’auteur            Crises et fractales : quels enseignements ? On rencontre les fractales partout et notamment, comme l’a montré le mathématicien Benoît Mandelbrot1, dans les marchés financiers. Elles nous obligent à remettre en cause notre vision habituelle des événements extrêmes et les mécanismes de pensée qui y sont associés. Ce petit article a pour objet de nous familiariser avec ces notions encore un peu nouvelles mais dont la portée nous semble significative dans la période actuelle : faut-il, ou non, croire aux catastrophes annoncées ? De la loi de Pareto aux fractales Le monde de l’entreprise pratique la loi de Pareto, sous une forme très simplifiée, dite « loi des 80/20 ». Vous voulez analyser le chiffre d’affaires de votre entreprise : commencez par vous intéresser aux 20 % des clients qui font 80 % du chiffre. Même méthode pour les stocks et plus généralement pour toutes les séries de données qu’on rencontre habituellement. Evidemment, les nombres 20 et 80 sont des ordres de grandeur : il ne s’agit pas de les prendre au pourcent près, mais l’idée est là, omniprésente... On retrouve cette loi dans des domaines très variés : sur le web, (où 80 % des liens sont dirigés vers 15 % des sites); dans la distribution des revenus ; dans celle des tremblements de terre ou des crues (loi de Hurst) en fonction de leur intensité ; dans la distribution des mots dans une langue (loi de Zipf), le coût des sinistres en assurance – dommages2, etc. C’est l’économiste Vilfredo Pareto3 le premier, en analysant précisément la distribution des revenus, qui a mis en évidence une loi, dite loi de puissance, dont la « loi des 80/20 » n’est qu’une application, et dans un cas particulier seulement. Une loi de puissance, c’est une loi mathématique assez simple du type : y= (x/m)-A. (avec A positif). Dans l’exemple des revenus : y est la proportion des gens qui gagnent plus qu’un revenu x (m étant le revenu minimum).En passant aux logarithmes, on obtient log y = -A log (x/m). Autrement dit la courbe qui relie log y à    !" #$#%&&' ()*& %+ !!(, - ./0/ 3/7 www.Communication-sensible.com   © Magazine de la communication de crise et sensible – 2006 – Tous droits réservés par l’auteur            log x/m est une droite. Cette loi est donc facile à repérer graphiquement et le coefficient -A est la pente de la droite. Prenons un exemple simple4 : pour m=2, A=1, on a : y = (x/2)-1 ou encore y = 2/x Concrètement dans ce cas purement théorique 50 % de la population gagne deux fois le revenu minimum, 33% gagne trois fois le minimum; 1% de la population gagne 100 fois le revenu minimum et ainsi de suite. Quand on passe aux logarithmes l’équation devient : log y = -log x + log 2 qui est représentée, sur un graphe log-log (dont les 2 axes sont gradués en échelles logarithmiques), par une droite de pente = -1 et d’ordonnée à l’origine = log 2 Il appartient à Mandelbrot d’avoir fait un pas de plus en étudiant la courbe des variations du cours de coton, classées en fonction de leur amplitude. Il s’est aperçu que c’était également une loi de puissance. Il s’est également aperçu que, si l’on analysait ces variations à plusieurs échelles de temps (quotidien, mensuel, annuel), on obtenait le même coefficient A (en d’autres termes en échelles logarithmiques toutes les droites ont la même pente). Cette invariance d’échelle lui fit appeler ce type de courbe une fractale. On sait en effet que la propriété d’autosimilarité (ou invariance d’échelle) des fractales s’exprime sous forme d’une loi de puissance qui définit leur dimension.  4+12(.3% 4 4/7 www.Communication-sensible.com   © Magazine de la communication de crise et sensible – 2006 – Tous droits réservés par l’auteur            Des fractales aux lois de Lévi-Stables ; petit détour par les marchés financiers Depuis les travaux précurseurs de L. Bachelier,5 les variations des cours (actions ou autres actifs financiers) sont très généralement modélisées selon un modèle standard qui fait intervenir un mouvement brownien. Rappelons que le mouvement brownien est par exemple celui d’une poussière sur une surface d’eau qui, à chaque instant peut aller selon la même loi de probabilité dans toutes les directions et ce de manière indépendante du mouvement précédent. Dans le cas de la variation de cours boursier cela veut dire que les variations du jour sont indépendantes de celles de la veille et obéissent à une loi « gaussienne » ou « normale ». Pour les amateurs, la formule mathématique est la suivante : S(t) = S(0) e (mt + sW(t)) dans laquelle S est le cours de l’actif, r(t) = mt + sW(t) sa rentabilité ( le couple (m, s) représentant l’espérance de cette rentabilité et son écart- type ), et W(t) est un mouvement brownien standard. L’hypothèse de normalité est très forte. Elle signifie concrètement que les aléas autour de la moyenne se comportent comme ceux d’une pièce de monnaie qui tombe avec une probabilité d’1/2 du côté pile et du côté face. Quand on jette la pièce de monnaie cent fois de suite, il est extrêmement improbable qu’elle tombe 100 fois sur pile. On peut d’ailleurs calculer très précisément cette probabilité. Elle suit une loi de Gauss, avec un très grand nombre d’écarts très faibles et un très petit nombre d’écarts élevés. Mandelbrot constata – et il fut suivi dans cette constatation par la majorité des scientifiques – que cette « normalité » ne s’observait pas sur les marchés du coton ni sur les marchés financiers. Il s’aperçut que les variations extrêmes apparaissaient bien plus souvent que dans le cas « normal ». L’hypothèse « gaussienne-brownienne » est tout simplement  56/7&8  ! 9!%))&& :#:'( !";$#)7.' 5/7 www.Communication-sensible.com   © Magazine de la communication de crise et sensible – 2006 – Tous droits réservés par l’auteur            fausse6. Leur distribution obéirait selon lui plutôt à une loi de Lévy ou plus généralement à une loi L-Stable, qu’on peut présenter en simplifiant comme l’équivalent statistique de la loi de puissance. Retenons à ce stade que ces lois de probabilité dont Mandelbrot démontra qu’elles ont la propriété d’autosimilarité ont, pour le même prix, des propriétés assez « désagréables » :  elles sont « leptokurtiques » : la « queue de la distribution » de probabilité est « épaisse » : les événements extrêmes ont une probabilité plus forte que la normale. Ils arrivent plus souvent qu’on ne le penserait en raisonnant selon le hasard « normal ».  elles peuvent ne pas avoir de moyenne : chaque nouvel événement « extrême », quand il apparaît, fait bouger la moyenne calculée jusque là, et il en apparaît assez souvent pour que la moyenne ne se stabilise jamais. Ce programme de recherche passionnant fait encore aujourd’hui l’objet de controverses : si le caractère « anormal » des variations de cours des actifs financiers ne se discute pas, savoir si elles obéissent à des lois L-Stables se discute plus7. Cependant, les propriétés « désagréables » évoquées ci-dessus, elles, s’observent bien ; on se contentera de dire que les marchés obéissent à des lois « de type fractal »… Nous en savons maintenant assez sur cette « économie des extrêmes » comme l’appelle Zajdenweber8 pour en tirer quelques leçons.  *6< ! 4!66=> #6=>';$"+ !86%.))/(  2?@+:A;#BC9' #6=>' 7D"64D#%&&%' /DE8:#%&&&' 6/7 www.Communication-sensible.com   © Magazine de la communication de crise et sensible – 2006 – Tous droits réservés par l’auteur            Les crises peuvent advenir plus fréquemment qu’on ne le pense « naïvement » Les marchés financiers sont traversés par des crises parfois dites cycliques. L’observation de leur fréquence montre surtout qu’elles sont plus nombreuses et plus violentes que ne le laisserait supposer une modélisation « normale ». Mandelbrot propose de dire qu’elles obéissent à un « hasard sauvage ».Cette observation peut être transposée aux phénomènes naturels comme les crues, les tremblements de terre et les cyclones. Si ces phénomènes résultent de lois physiques déterministes et, pour ce qui concerne les crues et les cyclones, – et peuvent être en outre aggravées par l’impact de l’homme via l’effet de serre d’origine anthropique – on peut néanmoins tenter une approche probabiliste de leur occurrence. C’est ce que sont obligés de faire les réassureurs dont la survie et la rentabilité dépendent précisément de ce type d’approches. Il ne faut uploads/Finance/ crise-et-fractales-alain-grandjean.pdf

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  • Publié le Sep 10, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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