LA GESTION DES DONNEES COMPTABLES : UNE REVUE DE LA LITTERATURE Hervé Stolowy G

LA GESTION DES DONNEES COMPTABLES : UNE REVUE DE LA LITTERATURE Hervé Stolowy Groupe HEC - France Gaétan Breton Université du Québec à Montreal - Canada Dixième version, 28 janvier 2003 Remerciements. Hervé Stolowy aimerait exprimer sa gratitude pour le soutien financier fourni par la Direction de la Recherche du Groupe HEC (projet A 0013). Les auteurs remercient également Segun Wallace et Joshua Ronen pour leurs remarques. Finalement, les auteurs tiennent également à remercier pour leurs commentaires les participants des séminaires et congrès suivants : « Faire de la recherche en comptabilité financière » organisé par la Fnege (mars 2000), EAA (Munich, avril 2000), Groupe HEC (décembre 2000), Laboratoire de Finance de l’Institut de Recherche en Gestion de l’Ecole Supérieure des Affaires (Université Paris Val de Marne, février 2002) et Centre de Recherche en Contrôle et Comptabilité Internationale (CRECCI) de l’Université de Bordeaux IV (mai 2002). Correspondance : Hervé Stolowy, Groupe HEC, Département Comptabilité – Contrôle de Gestion, 1, rue de la Libération, 78351 – Jouy-en-Josas Cedex, France. E-mail : stolowy@hec.fr. 1 LA GESTION DES DONNEES COMPTABLES : UNE REVUE DE LA LITTERATURE Résumé Abstract: A Conceptual Framework for Accounts Manipulation La gestion des données comptables a fait l’objet de recherches, discussions et même controverses dans plusieurs pays, comme les Etats-Unis, le Canada, le Royaume Uni, l’Australie et la France. L’objectif de cet article est de réaliser une revue de la littérature conduisant à une proposition de cadre conceptuel permettant la classification des différentes formes de gestion des données comptables. Ce cadre est fondé sur le désir d’influencer les possibilités de transferts de richesse entre les différents stakeholders, qui se matérialisent à deux niveaux : le bénéfice par action et le ratio dettes/capitaux propres. La littérature sur ce sujet est extrêmement riche. Cependant, plusieurs domaines mériteraient de faire l’objet de recherches complémentaires. Accounts manipulation has been a matter of research, discussion and even controversy, in several countries such as the USA, Canada, the UK, Australia and France. The objective of this paper is to present a detailed literature review and propose a conceptual framework for accounts manipulation . This framework is based on the desire to influence the possibilities of transfer of wealth between the different stakeholders. In practice, the target of the manipulation would be: the earnings per share and the debt/equity ratio. The literature on this topic is extremely rich but several directions for future research still exist. MOTS CLÉS. – GESTION DES DONNEES COMPTABLES _ GESTION DES RÉSULTATS – LISSAGE DES RÉSULTATS – NETTOYAGE DES COMPTES - COMPTABILITÉ CRÉATIVE KEYWORDS. – ACCOUNTS MANIPULATION – EARNINGS MANAGEMENT – INCOME SMOOTHING – BIG BATH ACCOUNTING – CREATIVE ACCOUNTING 2 INTRODUCTION Les entreprises se livrent depuis fort longtemps à une gestion des données comptables que la littérature a qualifiée de plusieurs manières : gestion des résultats (earnings management), lissage des résultats (income smoothing), nettoyage des comptes (big bath accounting), habillage des comptes (window dressing) et comptabilité créative (creative accounting). Le présent article a pour objectif de réaliser une revue de littérature conduisant à une proposition de cadre conceptuel permettant la classification des différentes formes de gestion des données comptables. Pour les besoins de notre recherche, toutes les formes de gestion ont été regroupées sous un seul titre : la gestion des données comptables (GDC, dans la suite de cet article). Cette approche se distingue des revues de la littérature existantes (Imhoff, 1977, Ronen et al., 1977, Ronen et Sadan, 1981, Buckmaster, 1992, 1997, Healy et Wahlen, 1999, Jeanjean, 2001, Fields, Lys et Vincent, 2001) qui se sont généralement limitées à un seul aspect de la gestion des données comptables : le lissage des résultats, la gestion des résultats ou les choix comptables, ce qui rendait difficile le développement d’une description complète du phénomène. Au delà de la théorie de l’efficience des marchés, la théorie financière s’est élargie à l’exploration de nouveaux domaines. Shefrin (2000) propose ainsi de nouveaux concepts pour analyser le comportement des acteurs du marché et expliquer la gestion des données comptables. Si, selon son hypothèse, les acteurs du marché ne manifestent pas ce qu’on a l’habitude d’appeler un comportement rationnel, cela veut dire qu’il est possible de les induire en erreur, ce qui ouvre une voie pour la manipulation. Selon la théorie financière béhavioriste1, puisque la GDC peut se révéler efficace, il n’y a aucune raison de croire que la firme ne cherche pas à en profiter, en l’intégrant dans sa stratégie de financement. Intégrant les acquis de la théorie positive de la comptabilité, à laquelle nous ajoutons la théorie du comportement non rationnel2 développée par Shefrin (2000) et la possibilité d’influencer les investisseurs, nous avons construit un modèle qui permet d’expliquer et de classer les différentes formes de GDC telles qu’elles sont décrites dans la littérature existante. En effet, dans la plupart des cas, c’est le désir d’influencer la perception, par les acteurs du marché, du risque de transfert de richesses, associé à une entreprise, qui pousse à effectuer de la gestion des données comptables. En tenant compte de ceci, notre modèle divise ce risque en deux composantes, comme les agents le perçoivent. La première est liée aux variations du rendement, tel qu’on le mesure par le bénéfice par action (BPA). La seconde est liée au risque associé à la structure financière de l’entreprise, tel qu’on le mesure par le ratio « dettes/capitaux propres ». Notre cadre classe les différentes formes de GDC par rapport à ces deux aspects du risque. Nous sommes actuellement dans un contexte où la gestion des données comptables est lourdement critiquée. Par exemple, dans son discours du 28 septembre 1998 intitulé « The Numbers Game » (Le jeu des chiffres), Arthur Levitt, un ancien Président de la SEC a attaqué les pratiques de gestion et lissage des résultats dans certaines sociétés cotées (Loomis, 1999). Avec l’affaire Enron, la question de la gestion des données comptables occupe le devant de la scène de l’actualité américaine. Une définition et une description du phénomène de gestion des données comptables (§ 1) permettra de mieux cerner les acteurs de cette gestion et surtout leurs motivations (§ 2). Les 3 techniques et les domaines de recherches (§ 3) ont été largement explorés mais il existe tout de même des orientations possibles pour de futurs travaux de recherches (§ 4). 1. Définitions et conséquences de la gestion des données comptables Plusieurs définitions concernant les différents aspects de la gestion des données comptables sont proposées dans la littérature existante. Dans ce paragraphe, nous en examinons quelques unes, et nous explorons les conséquences de la GDC. 1.1 Gestion des données comptables et efficience des marchés Les recherches sur la gestion des bénéfices se font dans un contexte d’efficience des marchés bien qu’elles en soient la négation. Dans une perspective d’efficience ex ante, comme le propose Fama (1970), la gestion des données comptables est peine perdue. L’investisseur connaît les « vraies » données et les interprète correctement. Une telle gestion, si elle fonctionne, devient, à tout le moins, une anomalie du marché. Dans une perspective d’efficience ex post (Breton et Schatt, 2000), la gestion des données comptables peut avoir plus ou moins de succès compte tenu du degré d’efficience atteint par le marché et dans le secteur où la firme œuvre. Pour notre part, nous ne prenons aucun parti dans la question de l’efficience, mais nous voulons reconnaître les descriptions alternatives du fonctionnement des marchés des capitaux qui reconnaissent l’humanité de l’investisseur. Ces approches semblent souvent mieux adaptées pour expliquer des tentatives de modifier les perceptions des agents et la réussite de ces tentatives. 1.2 Une définition béhavioriste de la gestion des données comptables Comme le suggère son nom, la finance béhavioriste traite principalement des aspects psychologiques du comportement des acteurs du marché. Cette théorie tient compte de comportements définis depuis longtemps par la psychologie, mais largement ignorés dans le domaine classique de la finance. L’heuristique, par exemple, est l’ensemble d’habitudes que les gens ont au cours de leur travail : ainsi, nous tirons fréquemment des conclusions sur la base d’un nombre insuffisant d’occurrences (anchoring). Souvent aussi, la façon dont une question est présentée en déterminera la réponse (framing) (voir Shefrin, 2000, pour des développements sur ces comportements). 1.3 La fixation fonctionnelle La fixation fonctionnelle est largement décrite dans la littérature. Selon Foster (1986), c’est la tendance à accepter des chiffres comptables sans se poser de questions, surtout le chiffre du résultat, auquel on attribue des pouvoirs quasi-magiques. Cette fixation fonctionnelle s’adapte parfaitement aux catégories de la finance béhavioriste. En conséquence, les acteurs du marché peuvent même ne pas tenir compte de la méthode de calcul utilisée pour produire les informations comptables. Il est alors possible d’induire en erreur les investisseurs, et dans de telles circonstances la GDC pourrait donner des fruits (alors que dans le cadre d’un marché efficient, elle ne servirait à rien). 1.4. Définition de la gestion des données comptables Bien que la comptabilité d’engagements3 se distingue de la comptabilité de trésorerie par le choix du moment de l’enregistrement des produits et charges, la différence entre les uploads/Finance/ la-gestion-des-donnees-comptables 1 .pdf

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  • Publié le Sep 07, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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