Comment une entreprise contribue au développement de son territoire ? Et commen
Comment une entreprise contribue au développement de son territoire ? Et comment articuler ancrage local et projets développés par le territoire ? Jean Marie Fodé TOURE Face aux enjeux liés à la Responsabilité Sociétale des Organisations1 (RSO), les entreprises gagneraient à être transparentes sur leurs actions en faveur du développement local. Mais avant de communiquer, elles devraient d’abord identifier les pratiques qui concourent à l’attractivité du territoire et ensuite évaluer leur propre contribution. D’un autre côté, les collectivités territoriales ont un rôle important à mener dans « l’ancrage territorial » des entreprises. Une bonne compréhension du concept d’ancrage territorial amène à la définition du territoire pertinent de l’entreprise. Deux approches sont à distinguer ; celles qui sont centrées sur les besoins des firmes et celles qui s’intéressent aux ressources des territoires. Pour les entreprises, il ne s’agit plus d’appréhender la zone d’implantation comme une « étendue de terre, plus ou moins nettement délimitée (…) » (CNRTL), qui fournit des facteurs de production. Au contraire, c’est un « périmètre à la fois géographique et communautaire (…) », qui « (…) peut évoluer dans le temps (période de construction, période d’exploitation) et aller en s’élargissant : voisinage, région, pays » (ORSE, 2006). Ainsi, le territoire est une « construction complexe » (Zimmermann, 1998), doté d’un « système social » (Courlet et Pecqueur, 2013) et de plusieurs types de ressources (Nekka et Dokou, 2004)2. Cette approche dynamique permet d’analyser les relations entreprises et territoires. Dès lors, « l’ancrage territorial est le travail de proximité proactif d’une organisation vis-à- vis de la communauté. Il vise prévenir et résoudre les problèmes, favoriser les partenariats avec des organisations et des parties prenantes locales et avoir un comportement citoyen vis- à-vis de la communauté » (NF ISO 26000, 2010). Cette définition met en avant trois principes : l’anticipation des problèmes, la coopération avec les acteurs locaux et la responsabilité sociétale de l’entreprise. C’est également une conception très large de l’ancrage territorial qui s’adresse à plusieurs types d’organisations. Dans cette recherche, un focus est mis sur les entreprises. Ces dernières peuvent emprunter trois voies différentes pour contribuer au développement du territoire3. Dans la première voie, l’entreprise, de par sa présence crée des externalités4 positives qui auront un impact sur l’attractivité locale. Ensuite, l’entreprise peut mettre en place une démarche volontaire d’ancrage territorial en maximisant ses externalités positives et/ou minimisant ses externalités négatives pour contribuer au développement local. Enfin, la dernière voie que l’entreprise peut prendre réside dans son implication au niveau de la gouvernance territoriale (Zimmermann, 2005). 1 Les enjeux de la RSO : Le droit à opérer, la réputation, la compétitivité, la conquête de nouveaux clients, etc. 2 Nekka et Dokou (2004) distinguent cinq catégories de ressources : « les ressources humaines, les ressources économiques, les ressources techniques et technologiques, les ressources environnementales, et une cinquième catégorie, la qualité des relations perçues entre les acteurs du territoire » (cité par Baret et Gautier, 2013). 3 Source : Gautier Arnaud, 2012. Ancrage et attractivité – Comment une entreprise privée inscrite dans une démarche d’ancrage territorial, peut-elle influer sur l’attractivité de son territoire ? – Le cas Fleury Michon, mémoire, 2012 4 Externalité : c’est la conséquence positive ou négative de l’activité d’une entreprise qui n’est pas spontanément mesuré par le marché. La gouvernance locale désigne un mode de régulation qui repose sur la coordination d'une pluralité d'acteurs intervenant sur le territoire local (Gilly et Pecqueur, 1995 cité par Morin, 1998). Elle est souvent organisée par les institutions locales et à travers un ensemble de conventions (Morin, 1998). C’est dans ce cadre qu’il serait possible d’articuler les projets des acteurs du territoire. Afin d’aborder la contribution des entreprises au développement local, nous avons choisi une méthodologie inductive, c’est-à-dire, partir des données sur le terrain (rapports, documents, newsletters) pour développer une meilleure compréhension de notre objet d’étude. Sur cette base, un travail de recensement des exemples de bonnes pratiques des entreprises et des grandes catégories de l’ancrage territorial a été réalisé. Ensuite, les pratiques des entreprises ont été classées en fonction de leurs niveaux de maturité définis avec la méthode d’amélioration continue du cycle de Deming5. Pour renforcer la validité des résultats, huit entreprises ont été interrogées sur les domaines d’action de l’ancrage territorial et sur l’évaluation de leur participation au développement du territoire. Cette recherche met en exergue six catégories d’actions de l’ancrage territorial : la création d’emplois, le développement des compétences, le soutien aux associations locales, les démarches d’écologie industrielle, la réduction de la pollution et le dialogue avec les parties prenantes locales. Néanmoins, certaines d’entre elles sont plus maîtrisées que d’autres. C’est-à-dire que les entreprises mettent en place davantage d’actions sur la création d’emplois ou sur le soutien aux associations locales. En revanche, les pratiques visant à dialoguer avec les parties prenantes ou à initier des démarches d’écologie industrielle sont moins répandues. De plus, les domaines d’action de l’ancrage territorial sont liés. Autrement dit, une entreprise peut contribuer à la formation des populations locales qu’elle embauchera par la suite. Qui plus est, c’est nécessaire pour l’entreprise d’avoir une main-d’œuvre locale formée et disponible. En outre, les résultats révèlent que les partenariats sont réalisés dans toutes les catégories d’actions de l’ancrage territorial. Afin d’évaluer l’ancrage territorial des entreprises, il est possible d’utiliser la méthode d’amélioration continue. Cette dernière comprend plusieurs niveaux de maturité : définition d’une politique, mise à disposition des moyens nécessaires, mesure des résultats et réalisation d’un plan d’action. Les entreprises constatent un manque de référentiel dans les domaines socio-économiques de l’ancrage territorial. Par conséquent, elles préconisent d’évaluer les bénéfices des partenariats entre acteurs locaux sur le long terme et de prendre en compte dans cette politique d’évaluation, aussi bien, des indicateurs quantitatifs que qualitatifs. Toutefois, certaines d’entre elles commencent à mesurer les impacts socio-économiques de leurs activités avec l’aide de cabinets spécialisés ou d’acteurs du milieu académique. 5 William Edwards Deming est un statisticien qui a contribué à l’avancement des pratiques en management grâce à sa méthode pour conduire l’amélioration d’un produit ou d’un processus. Le cycle comporte quatre étapes dont les noms : Plan, Do, Check, Act, sont traduits par : Préparer, Développer, Comprendre, Agir » (Massot F, TASQ, 1999). Par ailleurs, il n’est pas toujours possible de privilégier le « local », notamment pour les achats lourds ou stratégiques. Ainsi, les collectivités territoriales ont un rôle important à jouer afin d’articuler les projets des différents acteurs. Elles devraient non seulement susciter leurs implications dans la gouvernance locale, mais également assurer une cohérence avec la stratégie du territoire. De plus, la coordination des acteurs locaux nécessite de résoudre certaines problématiques à savoir : qui est le plus légitime pour assumer ce rôle ? Et qui finance la gouvernance locale ? En outre, la définition du périmètre pertinent de l’ancrage territorial des entreprises n’est pas évidente. En effet, il est tentant d’associer la taille de l’entreprise avec son territoire d’intervention (petite entreprise = département ou région ; grande entreprise = pays ou continent). En réalité, d’autres critères sont à prendre en compte comme l’ambition ou les valeurs de l’entreprise. Ce constat confirme l’approche dynamique du concept de territoire. Pour comprendre le choix de localisation des firmes, certains économistes (A. Weber cité par Zimmermann, 1998) soulignent la présence de facteurs de production sur le territoire et l’accès au marché. Néanmoins, l’implantation des entreprises est également justifiée par des raisons personnelles de leurs créateurs qui souhaitent garder des tissus de relation avec leurs régions d’origine. Ainsi, les entreprises considèrent non seulement les ressources physiques mais également les ressources sociales qui fondent leur ancrage territorial. D’un autre côté, les spécificités liées au statut juridique peuvent renforcer les relations entreprises et territoires. Par exemple, l’objectif premier des coopératives, ce n’est pas de faire du profil. Ainsi, les bénéfices réalisés sont soit mises en réserve ou soit réinvestie sur le territoire pour servir les valeurs coopératives, qui sont entre autres, répondre aux besoins de leurs membres6. De la même manière, les entreprises d’Etat7 ont un fort degré d’ancrage territorial puisqu’elles sont missionnées pour protéger les intérêts d’une nation. Chaque entreprise a un rapport propre au temps. De ce fait, les structures indépendantes ont une relation harmonisée et symbiotique avec le territoire car elles privilégient le long terme, le même tempo de développement d’un territoire. En revanche, dans les structures intégrées, les directeurs peuvent prendre des initiatives allant à l’encontre du développement local pour satisfaire les intérêts des seuls actionnaires8. Dans les entreprises à but lucratif, les dirigeants ont pour unique devoir de maximiser la valeur actionnariale au risque de perdre leurs postes. C’est pour cette raison que la Californie a décidé de créer une nouvelle forme juridique d’entreprise nommée la « flexible purpose corporation » (que l’on peut traduire par « société anonyme à objet flexible »)9 qui permet aux dirigeants de se donner des objectifs tant financiers que non financiers sans risquer d'être poursuivis par des actionnaires. 6 Inspiré du témoignage de Gérald Lucas, responsable service communication de Coop Atlantique 7 Entreprise d’Etat (appartenant partiellement ou totalement à l’Etat) uploads/Finance/ synthese-memoire-ancrage-territorial-et-developpement-local.pdf
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- Publié le Jul 02, 2021
- Catégorie Business / Finance
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