EDITORIAL “Le démocratisme radical : une contre révolution qui nous embarque” L
EDITORIAL “Le démocratisme radical : une contre révolution qui nous embarque” La restructuration du mode de production capitaliste est en voie d’achèvement, déjà de nouvelles modalités de croissance de l’exploitation se font jour, ce que certains appellent de “nouveaux compromis”. Toutes les caractéristiques du procès de production immédiat, toutes celles de la reproduction de la force de travail, toutes celles qui faisaient de la classe une détermination de la reproduction du capital lui-même (bouclage de l’accumulation sur une aire nationale, “partage des gains de productivité”, inflation glissante, service public), tout ce qui posait le prolétariat en interlocuteur national socialement et politiquement : tout ce qui fondait une identité ouvrière. Toutes ces caractéristiques sont laminées ou bouleversées. Dans le même mouvement c’est tout le procès de métamorphose de la plus-value en capital additionnel qui n’admet plus aucun point de cristallisation comme l’opposition de deux aires d’accumulation (Est et Ouest), la dichotomie entre centre et périphérie, les avantages comparatifs sur une aire nationale. N’importe quel surproduit doit pouvoir trouver n’importe où son marché, n’importe quelle plus-value doit pouvoir trouver n’importe où la possibilité d’opérer comme capital additionnel, c’est à dire se transformer en moyens de production et force de travail, sans qu’une formalisation du cycle international ne prédétermine cette transformation, jusqu’à et y compris le fonctionnement mondial du système monétaire et financier. Pris dans son ensemble c’est le processus de reproduction du face à face de la force de travail et du capital qui n’admet plus aucun point de cristallisation, aucune fixation, et cela conformément aux déterminations de la croissance relative de la plus-value, même si dans cette configuration de l’exploitation se trouve réimpulsée la croissance absolue de celle-ci. C’est tout ce qui fondait le prolétariat, dans le cycle de luttes antérieur, à se poser en rival du capital à l’intérieur de la reproduction de celui-ci, que la restructuration du mode de production capitaliste dépasse, contre et au travers de l’échec dans le début des années 70 du cycle de luttes antérieur. La contradiction entre le prolétariat et le capital dans le nouveau cycle de luttes qui s’ouvre au début des années 80 a pour contenu et forme le fait que la classe n’existe et ne se définit que par et contre le capital : plus d’identité prolétarienne ; pas de retour sur soi du prolétariat ni de confirmation de lui-même face au capital dans la reproduction de celui-ci. La contradiction se situe au niveau de la reproduction du rapport entre prolétariat et capital, et en cela, pour le prolétariat, sa contradiction avec le capital ne peut que comporter sa propre remise en cause (cf T.C.12, “Problématiques de la restructuration”). D’une part, la même structure de la contradiction, --c’est son côté révolutionnaire-- supprime toute confirmation d’une identité prolétarienne dans la reproduction du capital, se produit comme identité immédiate entre la contradiction avec le capital et la constitution de la classe (celle-ci ne peut se rapporter à elle-même face au capital). Le prolétariat en contradiction avec le capital est, dans la dynamique de la lutte de classes (cf “Des luttes actuelles à la révolution”, T.C.13), en contradiction avec sa propre existence comme classe. Se trouve alors résolue historiquement la contradiction fondamentale de la lutte de classe : comment le prolétariat abolit le capital et s’abolit lui-même ; comment agissant en tant que classe, il est le dépassement des classes. C’est là, la dynamique essentielle de la période. D’autre part --c’est en quoi elle est procès de reproduction du capital et contre-révolution-- , cette structure de la contradiction fait, pour le prolétariat, du capital, dans sa reproduction, l’horizon indépassable du cours quotidien de la lutte de classe : le prolétariat ne se définit que dans sa contradiction avec le capital, il ne trouve sa définition comme classe que dans la reproduction du capital. En cela, ce n’est plus un programme développé sur ce qu’est la classe à libérer qui se construit, mais la volonté d’une mise en conformité du capital : a) avec sa nature d’objectivation du travail et de ses forces sociales, b) de communauté des individus isolés. C’est ce que nous appelons le démocratisme radical. C’est un processus contre-révolutionnaire qui est en voie de constitution, une sorte de nouveau “compromis”, correspondant bien à la restructuration du capital qui s’achève. a) Les conflits entre les classes ont pour perspective immédiate “l’humanisation” du capital, c’est-à- dire reformuler les modalités de l’exploitation de telle sorte que l’inessentialisation du travail ne soit pas “exclusion”. En toutes circonstances, la totalité de la force de travail de la société doit appartenir à la totalité du capital, de façon concrète et immédiate et pas seulement en vertu de la péréquation du taux de profit. C’est un des aspects du dépassement de tous les points de fixation du procès de reproduction du capital que nous avons souvent évoqué, dans T.C, à propos de la restructuration. Le “partage du travail”, la “réduction du temps de travail” jouent un rôle clé dans ce mouvement. Cependant, lorsque son propre mouvement d’accumulation le conduit à la crise, lorsqu’il est contraint de se restructurer, c’est toujours dans son conflit avec le prolétariat que le capital est amené à agir, conformément à ce qu’il est comme rapport d’exploitation du travail. Ne connaissant, dans sa contradiction avec le capital, plus aucune confirmation de son identité, plus aucun rapport à soi, n’existant comme classe que dans le capital, le prolétariat retourne cette situation, dans le cours quotidien des luttes, comme revendication d’appartenance globale au capital. Le dépassement des limites de la première phase de la subsomption réelle du travail sous le capital dont la dynamique réside dans la croissance relative de la plus-value insuffle alors une vigueur nouvelle à la croissance absolue de la plus-value. Le “compromis” se fait sur la base suivante : un “partage”, ou plutôt une préservation très précaire, à l’intérieur de la force de travail disponible prise comme un tout, de la croissance du travail nécessaire, présupposée par des gains de croissance absolue de la plus-value, que cette appartenance globale définit. La croissance relative de la plus- value libère du travail nécessaire, son maintien en masse pour l’ensemble de la force de travail passe par une multiplication des têtes sur lesquelles il se répartit, ce qui entraîne une croissance absolue de la plus-value. La valeur globale de la reproduction de la force de travail baisse (poids du chômage, baisse des minima sociaux et de la part patronale des charges sociales reportée sur la fiscalité en majeure partie indirecte) alors que s’accroît le nombre des journées de travail. C’était déjà le processus à l’oeuvre dans la mise au travail des femmes et des enfants au XIX°s. Répartie sur par exemple trois personnes (homme, femme, enfant), la valeur de la reproduction de la force de travail demeure inchangée (en fait elle peut légèrement augmenter), mais le capital a à sa disposition trois journées de travail (qui peuvent même être réduites). Le travail nécessaire est resté sensiblement le même, en revanche le surtravail a été multiplié par trois. La restructuration impulsée par le mouvement de l’extraction relative de la plus-value, en supprimant tous les points de cristallisation dans la reproduction du face à face de la force de travail et du capital devient la base d’un allongement de la durée réelle du travail à l’échelle de la société : augmentation des heures supplémentaires qui, flexibilité et “paradoxalement” baisse de la durée légale aidant, ne sont plus comptées comme telles ; flexibilisation et annualisation du temps de travail revenant à un accroissement de l’intensité du travail, ce qui est de la plus-value absolue ; allongement des durées de cotisation retraite ; modification des normes sociales de consommation modifiant la composante historique de la valeur de la force de travail, l’abaissant de façon bien supérieure aux gains de productivité, ce qui équivaut à une augmentation sur le mode absolu de la plus-value ; répartition du salaire destiné à la reproduction d’une famille ouvrière sur la vente de plusieurs forces de travail (c’est le secret des statistiques américaines -- oct 96-- où coexistent une baisse des salaires moyens et une augmentation légère des revenus des ménages) ; augmentation de l’intensité du travail ; meilleure utilisation du capital fixe installé, réduction de la porosité du travail ; augmentation des journées simultanées ; diminution du travail nécessaire individuellement ; développement de la pluri-activité ; valorisation pour le capital des périodes de formation.... C’est sur cette voie que se sont engagées depuis quelques années les Etats-Unis, la Grande Bretagne, les Pays-Bas et que cherchent à prendre actuellement la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne. Sans parler, toujours en ce qui concerne la croissance absolue de la plus-value, des modalités de fixation de la valeur de la force de travail et de son exploitation en Asie, en Amérique latine, ou en Afrique. Sans parler également de la poursuite des gains de productivité par une modification qualitative de l’absorption de la force de travail sociale par le capital. b) L’autre perspective est la communauté des citoyens dans l’Etat, comme forme concrète, participative, de leur communauté d’individus isolés. uploads/Finance/ tc14.pdf
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- Publié le Mar 28, 2022
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
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