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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RISS&ID_NUMPUBLIE=RISS_171&ID_ARTICLE=RISS_171_0013 Une introduction à l’économie et à la société du savoir par Paul A. DAVID et Dominique FORAY | érès | Revue internationale des sciences sociales 2002/1 - N° 171 ISSN 3034-3037 | ISBN 2-7492-0042-3 | pages 13 à 28 Pour citer cet article : — David P. et Foray D., Une introduction à l’économie et à la société du savoir, Revue internationale des sciences sociales 2002/1, N° 171, p. 13-28. Distribution électronique Cairn pour érès. © érès. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. RISS 171/Mars 2002 Une mise en perspective historique De tout temps, la connaissance a été au cœur de la croissance économique et de l’élévation pro- gressive du bien-être social. La capacité à inven- ter et à innover, c’est-à-dire à créer de nouvelles connaissances et de nouvelles idées, qui sont ensuite matérialisées dans des produits, des pro- cédés et des organisations, a constitué historique- ment le carburant du développement. Des organi- sations et des institutions efficaces dans la création et la diffusion de la connais- sance ont toujours existé, depuis les corporations du Moyen Âge jusqu’aux grandes entreprises du début du siècle et depuis les abbayes cisterciennes jus- qu’aux académies scienti- fiques royales qui apparais- sent dès le XVIIe siècle 1. Cependant l’expression « économie fondée sur la connaissance » vient d’apparaître. Il s’agit donc de marquer une rupture et d’exprimer une dis- continuité par rapport aux périodes précédentes. Nous pouvons observer cette rupture à différents niveaux d’analyse. L’accélération de la production de la connaissance L’aspect essentiel consiste dans une accélération sans précédent du rythme de création, d’accumu- lation et sans doute aussi de dépréciation de la connaissance. Cette tendance se traduit notam- ment par une intensité forte de progrès scienti- fique et technologique. Elle a une multitude de conséquences et pose un grand nombre de défis. Elle n’est cependant pas aussi marquée d’un sec- teur à un autre. Un nouveau type d’institution participe fondamentalement à ce phénomène. Ce sont les communautés de connaissance ; réseaux d’individus dont l’objectif fondamental est la production et la circulation de savoirs nou- veaux et qui interconnectent des personnes appar- tenant à des entités diffé- rentes, voire rivales. Une manifestation du développe- ment des économies du savoir renvoie donc à la pénétration des organisa- tions classiques par des indi- vidus qui représentent une valeur pour ces organisa- tions dans la mesure où ils conservent un attachement à une communauté de savoir « extérieure ». En dévelop- pant leurs activités, ces com- munautés agissent comme les agents de transformation de l’économie tout entière. Sur le plan macro-économique, la montée du capital intangible L’historien de la croissance explique que les res- sources naturelles et leur abondance (ou rareté) ont perdu une bonne part de leur capacité expli- cative en ce qui concerne les disparités de pro- ductivité et de croissance entre les pays. Au contraire, ce sont les améliorations de qualité des équipements et du capital humain dont la capacité explicative devient plus forte ; c’est-à-dire la INTRODUCTION ET PERSPECTIVES GÉNÉRALES Paul A. David, Dominique Foray Paul A. David est Senior Research Fel- low à All Souls College, Oxford, et pro- fesseur d’économie à l’université de Stanford. Il est l’auteur de plus de cent articles et chapitres sur l’histoire éco- nomique des États-Unis et de l’écono- mie de la science et de la technologie. Email : paul.david@economics.ox.ac.uk Dominique Foray est directeur de recherche au CNRS et professeur à l’Ins- titut pour le management de la recherche et de l’innovation à Paris- Dauphine. Ses travaux portent sur les caractéristiques et performances des économies du savoir. Email : dominique.foray@oecd.org Une introduction à l’économie et à la société du savoir Paul A. David, Dominique Foray création de nouvelles connaissances et de nou- velles idées et leur incorporation dans les équipe- ments et dans les personnes. On détecte depuis le début du XXe siècle une nouvelle caractéristique de la croissance écono- mique, qui est l’approfondissement de la part de capital intangible par rapport au capital tangible (voir les travaux de Abramovitz et David, 1996). Or une grande partie du capital intangible est constituée sous la forme des investissements de formation, d’éducation, de R&D, d’information et de coordination, c’est-à-dire des investissements consacrés à la production et à la transmission de la connaissance. L’autre grande partie du capital intangible correspond aux dépenses de santé, c’est-à-dire à des investissements qui améliorent les caractéristiques physiques du capital humain. Aux États-Unis, le stock de capital intangible – consacré donc à la création de connaissance et au capital humain – dépasse le stock de capital tan- gible (infrastructures physiques et équipement, stock, ressources naturelles) vers 1973. Grâce aux travaux récents de l’OCDE, on arrive à une certaine stabilisation des catégories d’investissements en connaissance, pour un pays ou un secteur donné. Si l’on prend la mesure simple et très restrictive des investissements en R&D, éducation publique et logiciel, on constate un taux de croissance annuel très fort de ces investissements depuis les années quatre-vingt (3 % en moyenne des pays de l’OCDE). La struc- ture de ces investissements diffère cependant entre les pays. Tandis que, dans les pays scandi- naves, les dépenses d’éducation publique domi- nent, aux États-Unis, la part des investissements liés à l’industrie (R&D privée, logiciel et informa- tique) est prédominante (OCDE, 1999). Cette évolution fondamentale ne doit pas masquer l’importance grandissante des activités de science et de technologie. Si l’économie fon- dée sur la connaissance ne doit pas être réduite à la haute technologie, les nouveaux secteurs, qui ont exercé un puissant effet d’entraînement depuis quelques décennies en poussant vers le haut le taux de croissance moyen de l’économie tout entière, sont caractérisés par une certaine centralité de la science et de la technologie (phar- macie et instrumentation scientifique, technolo- gie de l’information et de la communication, aéronautique, nouveaux matériaux). À ces évolutions fait écho l’accroissement continu des emplois consacrés à la production, au traitement et au transfert de la connaissance et de l’information. Une telle tendance, visible dès les années soixante-dix, ne concerne pas seulement les secteurs de haute technologie et de services d’information et de communication, mais elle recouvre progressivement l’ensemble de l’écono- mie. La société dans son ensemble bascule donc vers des activités intensives en connaissance. L’innovation devient l’activité dominante et ses sources sont plus diffuses La rupture est aussi détectable au niveau de l’in- tensité et de l’accélération de l’innovation. Nous savons qu’il y a deux modes essentiels de pro- duction des innovations. Les activités formelles de recherche et développement, effectuées off line, c’est-à-dire « isolées » et « protégées » des activités régulières de production des biens et des services. Les processus d’apprentissage on line, formes essentielles qui impliquent que tout indi- vidu apprend en faisant et a donc en principe la possibilité d’évaluer ce qu’il a appris et d’amé- liorer ses pratiques pour la suite. C’est une forme de production de connaissance qui peut être extrêmement puissante dans de nombreux métiers. Or on s’aperçoit que les investissements consacrés à l’innovation augmentent considéra- blement, notamment les dépenses de R&D, ce qui se traduit par une augmentation significative des innovations produites (que l’on voit par exemple à travers l’augmentation du nombre de brevets demandés ou obtenus) [OCDE, 1999]. Par ailleurs, les espaces d’apprentissage par la pratique sem- blent s’élargir à partir de situations où la division du travail fordiste, dans les bureaux et dans les usines, rétrécissait considérablement le périmètre de l’activité de chacun et donc les occasions d’apprentissage. Les opportunités de création de connaissance sont donc beaucoup plus nom- breuses. Par ailleurs, la « nécessité d’innovation » devient plus forte, puisque l’innovation tend à devenir le moyen presque unique pour survivre et prospérer dans des économies fortement concur- rentielles et globalisées. Il est difficile de faire la part des choses entre une augmentation du nombre de « nouveau- tés absolues » (« sous le soleil ») et ce qui relève de la simple adoption par une entreprise d’une technologie qui n’est nouvelle que pour elle, ou de la transposition plus complexe d’un produit ou 14 d’une idée existante pour un nouveau marché. Il reste que l’entreprise et plus généralement la société consacrent plus de temps et plus d’énergie à la production du changement et aux ajustements nécessaires qui en découlent 2. Les « innovateurs » apparaissent de plus en plus dans des situations inattendues : ce sont les usagers comme source d’innovation (von Hippel, 1988a), ce sont les profanes experts qui, dans cer- tains domaines tels que uploads/Finance/ une-introduction-a-l-x27-economie-et-a-la-societe-du-savoir.pdf

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  • Publié le Fev 07, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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