Bernard Dantier (9 avril 2005) (docteur en sociologie de l’École des Hautes Étu

Bernard Dantier (9 avril 2005) (docteur en sociologie de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, enseignant au Centre Universitaire de Formation et de Recherches de Nîmes) Textes de méthodologie en sciences sociales choisis et présentés par Bernard Dantier “Sciences sociales et temps : Fernand Braudel et la longue durée.” Extrait de: Fernand Braudel, Écrits sur l’histoire. Paris : Éditions Flammarion, 1985. Extraits, pp. 44-61. Un document produit en version numérique par M. Bernard Dantier, bénévole, Docteur en sociologie de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales Membre de l’équipe EURIDÈS de l’Université de Montpellier Courriel : bernard.dantier@free.fr Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" dirigée et fondée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Site web: http://www.uqac.ca//Classiques_des_sciences_sociales/ Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Fernand Braudel, Écrits sur l’histoire. (1985) 2 Un document produit en version numérique par Bernard Dantier, bénévole, Docteur en sociologie de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales Membre de l’équipe EURIDÈS de l’Université de Montpellier 3. Courriel : bernard.dantier@free.fr Textes de méthodologie en sciences sociales choisis et présentés par Bernard Dantier : “ Sciences sociales et temps : Fernand Braudel et la longue durée.” Extrait de : Fernand Braudel, Écrits sur l’histoire. Paris : Éditions Flammarion, 1985. Extraits, pp. 44-61. Utilisation à des fins non commerciales seulement. Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times, 12 points. Pour les notes de bas de page : Times, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée à Chicoutimi, Ville de Saguenay, province de Québec, le 12 avril 2005. Fernand Braudel, Écrits sur l’histoire. (1985) 3 “ Textes de méthodologie en sciences sociales choisis et présentés par Bernard Dantier : “ Sciences sociales et temps : Fernand Braudel et la longue durée.” Extrait de : Fernand Braudel, Écrits sur l’histoire. Paris : Éditions Flammarion, 1985. Extraits, pp. 44-61. Par Bernard Dantier, sociologue (9 avril 2005) Sciences sociales et temps : Fernand Braudel et la longue durée Le choix de la mesure temporelle (une heure, un jour, une année, un siècle) comme celui de la mesure spatiale (une rue, un quartier, une ville, un pays, un continent), en découpant l’objet de l’étude des sciences sociales parmi l’indistinct continuum spatio-temporel du monde, produit autant de caractéristiques dans cet objet et dans ses facteurs explicatifs. D’une certaine tendance explicative de l’histoire contemporaine, qui la rapproche de la sociologie, Fernand Braudel (1902-1985) nous présente une illustration très significative. Celui-ci s’est signalé en repensant la dimension du temps dans la discipline historique, ce qui équivaut à repenser toute cette discipline s’inscrivant par essence dans le temps. À ses yeux, il ne faut étudier l'histoire événementielle, celle donc de ce que nous pourrions nommer les particularités spatio-temporelles, qu'après « avoir fixé ces grands courants sous-jacents, souvent silencieux, et dont le sens ne se révèle que si l'on Fernand Braudel, Écrits sur l’histoire. (1985) 4 embrasse de longues périodes de temps. Les événements retentissants ne sont souvent que des instants, que des manifestations de ces larges destins et ne s'expliquent que par eux »1 -. Chez F. Braudel, - historien qui semble ici être fortement influencé par les recommandations que le sociologue E. Durkheim a faites au sujet de la nécessité d’étudier dans l’histoire l’évolution d’une institution afin de percevoir le sens vers lequel elle se dirige, - il y a aussi un « sens », une signification des faits historiques, qui dépasse leurs étroites dimensions et n’est perceptible que par l’élargissement de l’échelle temporelle de l’étude historique, élargissement qui permet, en saisissant non plus des événements mais des ensembles dont ces événements ne sont que des éléments, d’« expliquer » ces événements par l’ensemble les contenant. Ces « courants sous-jacents », ces « larges destins », nous sommes en droit de nous demander s’ils ne jouent pas chez F. Braudel le rôle des concepts qu’invoquent M. Weber et J.-C. Passeron (voir nos articles et extraits relatifs à ces sujets).. L’élargissement temporel que prône F. Braudel, ne tend-il pas vers le temps général du concept, qui permet d’intégrer et de comprendre un temps particulier ? C’est bien ici que nous décelons un des points fondamentaux, si ce n’est le point fondamental, qui a produit la jonction entre histoire et sociologie. Alors nous aurions le droit de conclure que le temps, dimension illimitée dans le concept, dimension limitée dans le fait vécu, produit, avec une puissance proportionnée à la grandeur avec laquelle on l’appréhende, le lien entre science et observation comme il produit celui entre histoire et science, et enfin entre histoire et sociologie. Mais appréhender le temps en lui-même reste peu pertinent pour saisir cette dimension si on ne la joint pas à celle complémentaire autant que distincte qu’est l’espace. Ainsi considérons en outre, chez cet historien du temps et de la « longue durée », le rôle méthodologique assigné à l'espace. Remarquons que F. Braudel souhaite, dans le langage commun qu'il veut voir se développer entre les sciences sociales, que « l'on n'oublie pas un dernier langage, une dernière famille de modèles, à vrai dire : la réduction nécessaire de toute réalité sociale à l'espace qu'elle occupe ». Nous voyons l'espace reconnu et promu dimension heuristique de la réalité sociale. Comprenons bien qu’il s’agit de « réduire » dans le sens où l’on réduit une existence à son essence, et c’est bien pour cela que l’auteur emploie le terme de « modèle ». L’espace, comme le temps, entre de la sorte dans la conceptualisation du champ social. Le concept équivalant à un espace général et total, F. Braudel, selon nous, ne peut qu’être conduit à réduire toute réalité sociale à un espace afin de pouvoir intégrer cette réalité, - suivant la proportion de grandeur de son espace, autrement dit sa proportion de généralité, - dans la conceptualisation explicative. C'est ainsi que la géographie est appelée à jouer un rôle plus important dans les sciences sociales. F. Braudel reproche à la géographie un certain isolationnisme, où la géographie fait de la géographie 1 BRAUDEL (F.), Ecrits sur l'histoire, Paris, Flammarion, 1985, p. 13. Fernand Braudel, Écrits sur l’histoire. (1985) 5 pour elle-même. Cette fermeture doit être brisée. « C'est aux problèmes d'ensemble des sciences de l'homme que, dès lors, serait donné le pas dans la recherche géographique » 2. Ainsi cet auteur assigne à la géographie, qu'il reconnaît comme « science de l'espace », une finalité utilisant et dépassant à la fois cette dimension. « La géographie, dit-il, trouve peut-être dans l'espace un but et un moyen, j'entends un système d'analyse et de contrôle. Au vrai, elle a peut-être un second but, une seconde coordonnée - qui est d'aboutir non pas à l'homme, mais aux hommes, à la société ». Ce qui ici se propose, dans les termes « peut-être » comme une possibilité, dans d’autres analyses devient une nécessité : F. Braudel va jusqu'à affirmer que la géographie lui apparaît, « dans sa plénitude, l'étude spatiale de la société ou, pour aller jusqu'au bout (…), l'étude de la société par l'espace » 3. Notons que, réciproquement, la sociologie se doit de reconnaître la géographie comme science sociale : « Ecologie : le mot, pour le sociologue, sans qu'il se l'avoue toujours, est une façon de ne pas dire géographie et, du coup, d'esquiver les problèmes que pose l'espace et, plus encore, qu'il révèle à l’observation attentive » 4. L’espace, comme le temps, est dimension par laquelle le social se découvre d’une façon privilégiée. Cependant, nous faut-il nous contenter de ce « comme » pour corroborer le choix que nous avons fait d’associer une appréhension spatiale à une appréhension temporelle? Nous posons plutôt que l'une soit nécessaire à l’autre, et trouvons dans les réflexions de F. Braudel un accord à ce principe. Soyons attentif à ce qu’il considère ici : « Les modèles spatiaux, ce sont ces cartes où la réalité sociale se projette et partiellement s'explique, modèles au vrai pour tous les mouvements de la durée (et surtout de la longue durée), pour toutes les catégories du social »5. Que devons-nous comprendre dans ces affirmations que l’auteur n’explique pas ? Si nous les rapprochons de cet autre texte, nous trouvons un exemple explicatif où F. Braudel attribue à l'axe du temps et à celui de l'espace le rôle méthodologique de distinguer et définir une civilisation ou une culture : « Une civilisation, c'est tout d'abord un espace, une « aire culturelle », (…), un logement. (...) C'est le groupement régulier, la fréquence de certains traits, l'ubiquité de ceux-ci dans une aire précise, qui sont les premiers signes d'une cohérence culturelle. Si à cohérence dans l'espace s'ajoute une permanence dans le temps, j'appelle civilisation ou culture l'ensemble, le « total » du répertoire » 6. La cohésion spatiale présente la cohérence culturelle d’une action humaine communautaire; nous avons affaire ainsi à une carte synchronique ; puis uploads/Geographie/ braudel-f-ecrits-sur-l-x27-histoire-extraits-pdf.pdf

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