http://www.ethno-comp.net                             ! " # $% &  ! " # $% &  ! " # $% &  ! " # $% &  ' ( ) *+  ,  ( ) ( + ' ( ) *+  ,  ( ) ( + ' ( ) *+  ,  ( ) ( + ' ( ) *+  ,  ( ) ( + * ( * *   (  * * ( * *   (  * * ( * *   (  * * ( * *   (  * )!( + )!( + )!( + )!( + '   '   '   '   Dans la plupart des pays où la population dominante est sédentaire, la figure de l'autre est celle du nomade1. Mais chez les Maures, qui jusqu’à une date récente étaient majoritairement des pasteurs nomades, cette figure est réservée à ceux qui s'adonnent à une autre activité que l'élevage : ce sont les Némadi et les Imraguen qui incarnent cette altérité2. Ces deux groupes se sont constitués autour d'une pratique spécifique : pour les premiers, il s'agit de la chasse, activité ayant aujourd’hui quasiment totalement disparu sauf dans la mémoire des plus âgés, quant aux seconds, ils continuent à s’adonner à la pêche sur le banc d’Arguin, une zone actuellement protégée3. Parce que leurs modes de vie sont différents, les Némadi et les Imraguen sont particulièrement méprisés par ceux qui pratiquent, ou pratiquaient encore jusqu’à peu, l’élevage. Ce cas n’est pas isolé, puisque de nombreuses sociétés dévalorisent les groupes de pêcheurs et de chasseurs qui existent en leur sein4. Notre travail ethnologique chez les Maures (Fortier 2000) nous a permis d’avoir accès aux discours que le groupe majoritaire tient sur les Némadi et les Imraguen. La confrontation de ces discours aux faits ethnographiques, qu’il 1 Depuis la sécheresse de la fin des années soixante, de nombreux troupeaux ont été décimés, contraignant une grande partie des nomades à se sédentariser. Malgré cela, il subsiste une culture bédouine attachée à des valeurs pastorales et nomades. Les Maures peuvent aussi pratiquer le commerce, anciennement caravanier, ou posséder de petites échoppes. 2 Il est admis que l’étymologie des termes désignant ces groupes fait référence à leur activité ; le terme de némadi (nimday) signifiant dans la langue berbère locale (klâm znâga) les chasseurs, et celui d'imraguen (imrâgan), les pêcheurs. À propos de la langue, soulignons que la langue berbère, qui était surtout parlée dans la région du Trarza, n’est plus aujourd’hui utilisée. La langue courante des Maures est un dialecte arabe, le hassâniyya. Dans ce texte, le point inférieur qui sert habituellement à transcrire les lettres emphatiques arabes d, s, t, et z, comme aussi le h guttural, a été remplacé, pour des raisons de compatibilité typographique, par une marque de soulignement. 3 Cette zone est classée site du Patrimoine Naturel Mondial afin de préserver sa richesse naturelle, et en particulier halieutique. 4 C'est par exemple le cas des groupes de chasseurs au Soudan où l'élevage représente l'activité majoritaire (Tamari 1987).             '  *%-(*  *    ' .   '  *%-(*  *    ' .   '  *%-(*  *    ' .   '  *%-(*  *    ' .   2 s’agisse de données de seconde main ou de celles que nous avons recueillies auprès de membres de ces groupes, montre qu’ils véhiculent des stéréotypes qui renseignent surtout sur ceux qui les profèrent, et dans une moindre mesure sur les communautés concernées. Afin de distinguer dans ces discours ce qui relève de l’idéel ou du réel5, il est nécessaire d’étudier la société qui les a produits mais également les modes de vie des Némadi et des Imraguen qui en sont l’objet. Aussi, à partir de notre ethnographie et de sources plus anciennes, nous restituerons pour chacun de ces deux groupes un certain nombre de caractéristiques : l’origine, l’organisation sociale et matrimoniale, le déroulement de l’activité économique, la division sexuelle du travail, l’habitat, le régime alimentaire et la relation aux bédouins. Ce détour est d’autant plus nécessaire que même si des informations de type monographique existent à leur sujet – en particulier sur les Imraguen6 –, elles sont extrêmement dispersées et n’ont jamais fait l’objet d’un travail de synthèse comparative. Les Némadi, la chasse en partage Jusqu’à ce que la sécheresse des années soixante-dix ne vienne décimer le gibier, les Némadi vivaient dans l'arrière-pays désertique où ils avaient coutume de chasser. Ils étaient localisés en particulier au nord du pays dans les zones les plus sahariennes, soit, d’une part dans la région orientale du Hawdh al-Shargi, au nord de la ville ancienne de Walata (zhar Walâta), d’autre part dans la région du Tagant, et plus précisément au nord de Tichit (zhar Tishit), et enfin dans la région de l’Adrar, au nord de Chinguetti. Par le passé, ils pouvaient percevoir un tribut (ghavar) sur les caravanes commerciales passant dans le zhar Tichit, ce qui montre qu’en dépit de leur marginalité, ils n’étaient pas soumis à un tribut, caractéristique d’une certaine infériorité statutaire, mais qu’ils étaient même en position d’en prélever un auprès de ceux qui passaient sur leur territoire de chasse. Comme des nomades, les Némadi se déplaçaient selon les saisons, non pour faire pâturer leurs troupeaux mais pour débusquer le gibier. Chasser de la même façon que les autres Maures l'outarde (hbara) ou même la gazelle dorcas (ghazlân) était pour eux sans prestige ; ils préféraient se rendre dans des régions arides et difficilement accessibles pour capturer la biche robert (muhr), l'adax (thur mha), l'oryx (thur ûrg), la gazelle dami (dami), ou encore l’antilope (al- 5 Cette distinction est empruntée à Maurice Godelier (1978). 6 La bibliographie de cet article le confirme.             '  *%-(*  *    ' .   '  *%-(*  *    ' .   '  *%-(*  *    ' .   '  *%-(*  *    ' .   3 wash labiaz)7. Certains toponymes témoignent de la présence de ce type d'animaux sauvages dans les régions très désertiques. Ainsi près de Wadane dans la région du Tagant, une localité est nommée « la montagne des gazelles » (galb thlim) et une autre dans le Tiris, au nord de l’Adrar, « la montagne des mouflons » (galb râwi). Avant que les fusils n'apparaissent au XVIIIème siècle, les Némadi chassaient à la lance (mazrag), accompagnés de leurs chiens dressés pour pister le gibier. Ces limiers portaient le nom de slugi, terme construit sur la même racine que le terme isalag, qui désigne le fait de chasser avec des chiens, et qui se distingue du terme générique habituellement employé, isayad. Les Némadi différenciaient en outre deux types de chasse, celle de proximité, nommée darassa, qui durait au plus trois jours (Gabus 1976 : 165) et la chasse lointaine d’environ deux mois, appelée gaymâra8, lors de laquelle les chasseurs partaient avec leur famille. Bien que les femmes, comme dans la plupart des sociétés où ce type d’activité est pratiqué n’y participassent pas9, elles jouaient néanmoins un rôle dans le bon déroulement de la chasse puisqu'elles gardaient l'eau, faisaient sécher la viande, fabriquaient des outres, soignaient les chiens blessés par un coup de corne d'antilope... Les garçons étaient initiés par leur père à cette activité dès qu'ils portaient leur premier pantalon (bû sarwal) selon l'expression hassâniyya, c'est-à-dire dès qu'ils étaient pubères. Ils rêvaient depuis longtemps de rapporter, comme leur père, certains trophées : « [...] rien ne lui paraissait plus noble que d'abattre un mouflon10 dans les rochers de la montagne ou, au retour de chasse, de décharger au milieu du camp un chameau alourdi de quatre antilopes aux cornes annelées et aiguës » (Brosset 1991 : 27). Pour chasser, les Némadi étaient vêtus d'une peau de gazelle très courte nommée daran et uploads/Geographie/ ec7-c-fortier.pdf

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