HAL Id: hal-01713479 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01713479 Submitted on
HAL Id: hal-01713479 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01713479 Submitted on 20 Feb 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. “ Les politiques migratoires restrictives : une fabrique de harraga ” Farida Souiah To cite this version: Farida Souiah. “ Les politiques migratoires restrictives : une fabrique de harraga ”. Hommes & migrations, Musée de l’histoire de l’immigration 2013, pp.95-101. 10.4000/hommesmigrations.2652. hal-01713479 Hommes et migrations Revue française de référence sur les dynamiques migratoires 1304 | 2013 Frontières Les politiques migratoires restrictives : une fabrique de harraga Farida Souiah Édition électronique URL : http:// hommesmigrations.revues.org/2652 ISSN : 2262-3353 Éditeur Cité nationale de l'histoire de l'immigration Édition imprimée Date de publication : 1 octobre 2013 Pagination : 95-101 ISBN : 978-2-919040-24-7 ISSN : 1142-852X Référence électronique Farida Souiah, « Les politiques migratoires restrictives : une fabrique de harraga », Hommes et migrations [En ligne], 1304 | 2013, mis en ligne le 01 janvier 2017, consulté le 04 janvier 2017. URL : http://hommesmigrations.revues.org/2652 ; DOI : 10.4000/hommesmigrations.2652 Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée. Tous droits réservés M’cisna, Algérie, 2012. © Camille Millerand hommes & migrations n° 1304 - 95 L’émigration a toujours un coût, qu’importent les modalités de franchissement des frontières. Si l’émigrant les franchit dans le respect des règles et des normes édictées par les États, il doit s’acquit- ter de la somme nécessaire afin d’acquérir un pas- seport et un visa. Il doit également réunir le mon- tant correspondant aux frais de transport. S’il les franchit en transgressant les normes imposées par les États, l’émigrant doit s’acquitter de la somme qui rend le “passage” possible. Les principaux coûts de l’émigration ne sont pour- tant pas monétaires. “L’émigrant qui quitte son pays doit prendre une décision difficile, il lui en coûte d’avoir à briser des liens affectifs puissants ; il lui en coûte à nouveau de s’insérer et de se faire une place dans un cadre qui lui est étranger1.” Certaines formes d’émigration sont plus coûteuses encore. Elles impliquent une prise de risque élevée. Il peut en coûter au migrant sa liberté ou sa vie. Au Maghreb, les harraga2, littéralement les “brû- leurs“, tentent de quitter leur pays, sans passeports, ni visa, sur des barques. On les nomme ainsi, car ils “brûlent3” les frontières et les étapes nécessaires à un départ légal. De plus, s’ils arrivent en Europe, ils détruisent, “brûlent”, leurs papiers d’identité pour échapper à l’expulsion4. Ils risquent l’arrestation 1. Albert Hirschman, Défection et prise de parole, Paris, Fayard, 1995, p. 175. 2. L’orthographe ici choisie n’est pas le fruit d’une translittération au sens strict. Harraga est un néologisme issu de l’arabe mais qui s’écrit en lettres latines, notamment dans la presse francophone algérienne. 3. Le verbe “brûler” est ici utilisé dans un sens figuré similaire à celui de l’expression “brûler un feu rouge”. Évaluer les coûts de la migration Les politiques migratoires restrictives une fabrique de harraga par Farida Souiah, doctorante à Sciences Po Paris-CERI. En érigeant des frontières administratives de plus en plus difficiles à franchir entre le Maghreb et l’Europe, les politiques migratoires ont pour conséquence paradoxale de créer leur propre logique de contournement. Les harraga qui risquent leur vie dans les migrations clandestines l’ont bien compris. Issus des classes populaires, pour eux, l’obtention d’un visa est encore plus hasardeuse que la traversée périlleuse de la Méditerranée. “Brûleurs” de frontières, ils n’ont pas d’autres choix pour se rendre en Europe. par les forces de l’ordre. Ils risquent l’incarcération en centre de rétention dans le pays de destination ou en prison dans le pays de départ. Ils risquent l’expulsion. Ils risquent la mort. Pourquoi les harraga optent-ils pour une modalité de départ aussi coûteuse et risquée ? L’objectif, ici, n’est pas de comprendre les facteurs qui poussent ces candidats au départ à vouloir quitter leur pays, mais d’identifier ceux qui les contraignent à “brû- ler les frontières”. Nous verrons que les politiques restrictives ont conduit à une multiplication des frontières entre les deux pays et ont contribué à amoindrir les pos- sibilités de migrer en respectant les normes et les régulations établies par les États. Les candidats au départ adaptent leur projet migratoire à ces poli- tiques restrictives et mettent en place des straté- gies, afin de tenter, malgré tout, de franchir les frontières. Ériger des frontières et restreindre la mobilité La France et l’Algérie forment un couple migratoire. Bien qu’il y ait une diversification des destinations des migrations algériennes, 85 % des Algériens établis à l’étranger vivent en France5. La volonté de proposer une analyse macrosociologique et histo- ricisée des obstacles à la mobilité est inspirée par les travaux sur l’immigration “illégale” ou “irrégu- lière” qui présentent cette dernière comme le pro- duit des lois et des politiques migratoires restric- tives. Michael Samers indique que “l’immigration illégale” est une conséquence des politiques mises en œuvre en matière de citoyenneté ou d’immigra- tion. Selon Samers, “il ne pourrait y avoir d’immigra- tion illégale sans politique d’immigration6”. L’histoire de l’émigration algérienne voit se succéder deux périodes principales. La première s’ouvre avec la Première Guerre mondiale et s’étend jusqu’en 1973-1974. La guerre de 1914-1918 marque le commencement d’une émigration numérique- ment significative au départ de l’Algérie. Elle vient répondre aux besoins de main-d’œuvre et de contingent de la France métropolitaine. La légis- lation facilite l’émigration vers la France métropo- litaine. À la suite de la Première Guerre mondiale, les besoins de main-d’œuvre demeurent impor- tants en raison des pertes humaines et de la néces- sité de reconstruire la France. Si l’émigration algé- rienne est massive durant les années 1920, la crise économique des années 1930 conduit à son ralen- tissement. En 1932, des lois et des décrets rendent plus difficile l’installation des travailleurs. L’émigra- tion algérienne vers la France ne reprend qu’après la Seconde Guerre mondiale. Elle est stimulée par les besoins de main-d’œuvre et le dynamisme éco- nomique des Trente Glorieuses. L’émigration algé- rienne est alors essentiellement une émigration masculine de travail. L’indépendance ne constitue pas une rupture. Les accords d’Évian, signés le 18 mars 1962 et approu- vés par référendum le 8 avril de la même année, maintiennent un régime de circulation privilégié entre la France et l’Algérie. Aucun document de voyage spécifique n’est exigé des Algériens. Ils sont libres de circuler entre la France et l’Algérie, munis d’une carte d’identité (sauf décision de justice). Par la suite, les entraves à la liberté de circula- tion ne vont cesser de se multiplier et la liste des formalités auxquelles sont soumis les travail- leurs et les voyageurs algériens de s’allonger. Les accords Nekkache-Grandval en 1964 et l’accord du 27 décembre 1968 s’intègrent dans cette dyna- mique, limitant le nombre d’Algériens autorisés à s’installer en France et multipliant les conditions préalables au regroupement familial. Le racisme 96 - Frontières 4. Pour une analyse étymologique plus détaillée du terme harraga, se référer à Nabila Moussaoui, “Al-harga : du déni à l’incrimination”, in Rencontre des jeunes chercheurs autour de la Méditerranée, Forli, mars 2009, ou Chadia Arab, Juan David Sempere Souvannavong, “Des rêveurs aux ‘brûleurs de frontières’ : les jeunes Maghrébins se dirigeant vers l’Espagne”, in Migrations Sociétés, n° 125, sept. 2009, pp. 191-206. 5. Mohammed Saïb Musette, “Algérie : migration, marché du travail et développement”, in Institut international d’études sociales, 2010. Disponible en ligne : http://www.ilo.org/inst/research/ migration-labour-markets-and-development/WCMS_193981/lang--fr/index.htm.6. Michael Samers, “An emerging geopolitics of ‘illegal’ immigration in the European Union”, in European Journal of Migration and Law, vol. 6, n° 1, 2004, pp. 27-45. anti-arabe, et plus particulièrement anti-algérien, croît dans une France frappée par la crise écono- mique depuis 1972. Les violences racistes se mul- tiplient en 19737. En septembre 1973, le président algérien, Houari Boumédiène, invoque le racisme anti-algérien en France pour suspendre l’émigration algérienne de travail. Selon Sylvain Laurens8, Boumédiène prend cette décision pour des raisons diplomatiques, car il anticipe une “décision unilatérale que comptait prendre le ministère de l’Intérieur français à l’égard des ressortissants algériens entrés sur le territoire français sans certificat de résidence”. Pierrette et Gilbert Meynier9 retiennent quant à eux la version officielle ainsi qu’une seconde explication, selon laquelle ce coup d’arrêt à l’émigration s’inscrit dans le cadre de la politique d’arabisation et d’exaltation de l’identité arabe menée par Houari Boumédiène. En juillet 1974, le gouvernement français décrète la suspension provisoire de l’immigration de main- d’œuvre, notamment algérienne. Cette suppres- sion s’avère définitive. La politique du soupçon Avec la fin de la migration de travail, le gouver- nement français tente, sans succès, de mettre en 7. Yvan Gastaut, “La flambée raciste de 1973 en France”, in Revue européenne des migrations internationales, vol. 9, n° 2, 1993, pp. 61-75. 8. Sylvain Laurens, “L’immigration : une affaire uploads/Geographie/ hommesmigrations-2652.pdf
Documents similaires










-
22
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 26, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 0.4212MB