BALLETTI, Manon (1740-1776) : Mon cher Casanova : lettres d'amour de Manon Ball
BALLETTI, Manon (1740-1776) : Mon cher Casanova : lettres d'amour de Manon Balletti.- Paris : Maximilien Vox, 1945. - 58 p. ; 17 cm. - (Brins de plume. 1ère série ; 6). Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Bibliothèque Municipale de Lisieux (16.X.1998) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Bibliothèque municipale, B.P. 7216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.66.50.- Minitel : 02.31.48.66.55. - Fax : 02.31.48.66.56. Mél : bmlisieux@mail.cpod.fr, [Olivier Bogros] bib_lisieux@compuserve.com http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographie et graphie conservée Mon cher Casanova lettres d'amour de Manon Balletti ~~~~ Ah ! que M. mon frère m'ennuie ! Il est excédant et l'on ne peut pas être plus gauche qu'il ne l'est, à sa garde ; mais ne parlons pas de lui, car il m'a cosi mis de mauvaise humeur, que je ne veux point du tout l'être avec vous. Je vais répondre exactement à votre dernière lettre. Vous commencez par m'exagérer beaucoup votre amour, je le crois sincère, il me flatte, et je ne désire autre chose que de le voir durer toujours. Durera-t-il ? Je sais bien que vous allez vous révolter contre mon doute ; mais enfin, mon cher ami, dépend-il de vous de cesser de m'aimer ? ou de m'aimer toujours ? Mais, passons, car je crois que ces craintes ne vous plaisent pas beaucoup. La crainte que vous me marquez sur l'incertitude et la réussite de vos projets me flatte, parce qu'elle me prouve votre amour, et l'envie que vous auriez de me rendre heureuse en tout point. Je vous assure que je me le trouverai si je puis être à vous et si vous me conservez toujours cette tendresse que vous me devez pour accompagner la mienne. Mais je ne veux point que vos craintes vous fassent me dire de tâcher de vous oublier. Moi, vous oublier ! moi, cesser de vous aimer, quand j'ai osé vous le dire ! Ah ! vous ne me connaissez pas ! Si vous saviez les efforts que j'ai faits pour vaincre le penchant que je me sentais pour vous quand j'ai commencé à l'apercevoir ! A présent je puis vous le dire, puisque heureusement ou malheureusement je n'y ai pas réussi. Mais cela m'a donné bien de la peine inutile. J'ai commencé par croire que la complaisance que je m'apercevais avoir pour vous, n'était qu'une simple amitié, mais des plus simples ; je m'amusais avec vous plus qu'avec qui que ce soit, mais je me disais : «Il est gai, il a de l'esprit, cela n'est pas étonnant» ; mais enfin je me trouvais inquiète ; quand vous passiez un jour sans venir au logis, j'étais triste, sérieuse, et je trouvais qu'en rêvant, je ne pensais qu'à vous. Ah ! j'ai frémi, je me suis aperçue du penchant que je prenais pour vous, et l'épouvante s'est emparée de moi. «Que fais-je ? me disais-je ; sur le point d'épouser un homme à qui l'on m'a promise, auquel je me suis aussi promise moi-même, je vais prendre de l'inclination pour un homme que je ne verrai peut-être bientôt plus, qui ne m'aime pas» ; car alors je croyais de bonne foi que vous ne m'aimiez pas ; «que deviendrais-je ? Que je suis imprudente, ridicule ! aimer quelqu'un qui n'a que de l'indifférence, c'est se rendre malheureuse». Mais quelquefois je me figurais que vous pourriez peut-être m'aimer aussi, que vous n'osiez me donner des marques de votre amour à cause des circonstances qui ne vous le permettaient pas. Les choses sont changées ; il y a eu un disgracié qui vous a fait tout à fait connaître ; je vous ai démasqué et cela ne vous a pas fait du tort dans mon coeur ! Puisse cette tendre amitié que nous avons l'un pour l'autre être heureuse ! Elle peut faire notre bonheur ou notre malheur ; quelle dure alternative ! Il est cosi fâcheux d'aimer ! Mais bonsoir, mon cher ami, je me meurs de sommeil ; ma plume tombe de mes mains, mes yeux se ferment ; mais comme ce n'est point tout cela qui vous écrit, je vais toujours ; mais il n'y a pas moyen, je dors tout de bon. Bonsoir, bonsoir, mon bon ami, aimez-moi toujours bien. Si vous vouliez me rendre bien contente, vous brûleriez mes lettres ! Je rêve que je vous dis que je vous aime ! avril 1757 Pendant que vous êtes là à jaser, mon cher ami, je vais vous écrire, moi. Je suis très aise que vous ne doutiez plus de mon amitié pour vous (vous auriez grand tort au moins si c'était autrement) ; mais je voudrais que cette persuasion-là ne vous servît qu'à m'aimer davantage et ne vous rendît si sûr de ma tendresse que vous négligiez de conserver mon coeur : mais je crois que vous n'avez pas besoin que je vous dise tout cela ; si vous m'aimez bien, vous tâcherez sans doute de faire que je vous aime aussi toujours. Je suis impatiente au moins en ce que M. Rodrigo ne s'en va pas ; à la fin, c'est horrible ! Il ne lui manque plus que la guitare. Dépêchez-vous donc, mon cher ami, si vous voulez me voir. Oh ! mon Dieu, vous ne m'aimez guère puisque vous ne vous pressez pas plus. Oh ! non, je ne sais ce que je dis ; vous m'aimez bien, mon cher ; mais je suis impatiente, parce que je prévois que si vous venez si tard, je vous verrai moins ; et je suis très aise de vous voir les soirs, parce que je vous vois un peu plus librement... Mais j'entends remuer ; eh ! bien... oh ! ce n'est encore rien... Je m'impatiente. Oh ! Sia lodato quel che diceva la signora zia ! Ils partent, ils partent ! Et j'en suis ravie, car je vais vous voir bientôt. Mais quoi ! Mme Jules ne s'en va pas ?... Ah ! si fait, la voilà partie ! Ah ! Dieu soit béni ! Je vous attends à présent, vous. Ah ! si vous lambinez, vous devez sentir, mon cher ami, autant d'impatience que moi ; si vous m'aimez, arrivez donc ! Je quitte la plume à chaque moment pour vous attendre !... Ah ! vous voilà ! commencement de mai 1757 Oh ! pour aujourd'hui, exactement un mot, car je meurs de sommeil, mais si je ne vous écrivais ce mot, je croirais n'avoir pas bien passé ma journée, et comme je l'ai trouvée fort satisfaisante et fort agréable, puisque je l'ai passée avec vous, je veux qu'il n'y manque rien. Mais comment l'avez-vous trouvée, vous ? Cela m'inquiète, et je crains que vous ne l'ayez trouvée longue. Pour moi, elle ne m'a duré qu'un moment. Je suis contente de votre lettre ; je vous exhorte, mon cher ami, à faire tout au monde pour hâter votre bonheur autant que vous le dites. Vous devez être aussi empressé que moi. Je suis très aise de ce que notre aimable maman vous a dit ce matin ; cela prouve qu'elle ne songe plus qu'à ce qui peut nous rendre contents l'un de l'autre ; je lui désire autant de santé que vous, et l'achèterais volontiers de la mienne si cela était possible. Bonsoir. Je m'endors, et vous voyez bien que j'écris encore plus mal qu'à mon ordinaire. Enfin, je serai contente si vous pouvez lire que vous êtes mon cher ami et que je serai toujours la même pour vous. Bonsoir. Demain vous serez mon compagnon. Si vous pouviez l'être toujours ! Bonsoir, bonne nuit, je dors. Ayez soin de mes lettres, je vous prie. Songez que cela est de la dernière conséquence. fin mai 1757, 1 heure passée Maman, à ce que j'ai pu voir, n'a pas parlé à la personne chez qui nous avons dîné de rien qui puisse nous chagriner l'un et l'autre ; l'occasion ne s'en est pas présentée... Ce n'est donc plus cela qui m'inquiète infiniment ; mais, vous le dirai-je ? il est vrai que je crois votre amour diminué. Je ne vous en fais point un crime, non ; j'ai mille défauts, je le sais, et plus l'on me connaît, et plus l'on m'en découvre ; mais comme la tendre amitié que j'ai pour vous n'est diminuée en aucune façon, je me trouve à plaindre de vous l'avoir fait connaître, et je crains même quelquefois que cet aveu n'ait servi qu'à vous détacher plutôt de moi, et cela me donne occasion d'avoir beaucoup de reproches à me faire. Mais vous me rassurez d'une façon trop tendre dans votre lettre, pour que je puisse douter de votre fidélité. Oui, vous m'aimez, et je veux le croire, pour votre honneur et pour ma satisfaction ; je souhaite même que vous ne doutiez pas non plus de mon attachement pour vous. Il ne faut pas parler encore à maman ; laissons aller les choses tant qu'elles vont calme, et uploads/Geographie/ manon-baletti-mon-cher-casanova-lettres-d-x27-amour 1 .pdf
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- Publié le Apv 24, 2021
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