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HAL Id: halshs-02047370 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02047370 Submitted on 24 Feb 2019 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Des nids pour le phénix : L’Afrique et les zones économiques spéciales “ chinoises ” Thierry Pairault To cite this version: Thierry Pairault. Des nids pour le phénix : L’Afrique et les zones économiques spéciales “ chinoises ”. 2nd Workshop en économie du développement : “ Politiques publiques de développement dans les pays d’Afrique subsaharienne ”, Université du Luxembourg, Association Tiers-Monde, Université Alasasane Ouattara, Mar 2019, Abidjan, Côte d’Ivoire. ￿halshs-02047370￿ DES NIDS POUR LE PHÉNIX : L’AFRIQUE ET LES ZONES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES « CHINOISES » Thierry Pairault Directeur de recherche émérite, Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine (CNRS/EHESS – UMR 8173). pairault@ehess.fr RÉSUMÉ : De nombreux articles et études proclament que les zones économiques spéciales (ZES) seraient la solution pour stimuler le développement de l'Afrique. Cette réflexion ne traite pas de l'exactitude de cette vision. Elle se concentrera uniquement sur la question de savoir si le modèle des zones de coopération économique et commerciale outre-mer (ZCECE) que la Chine propose aux pays africains – ainsi qu'aux pays situés le long des nouvelles routes de la soie – correspond à la définition d'une ZES telle que la comprennent les chercheurs et observateurs chinois eux-mêmes. À ce stade de la recherche, la réponse la plus précise semble être fournie par Lin Yifu, qui a déclaré que la création d'une ZCECE est avant tout « construire un nid pour accueillir le Phénix » zhu chao yin feng – c'est-à-dire la Chine – sans grande considération pour les besoins développementaux des pays hôtes. TABLE DES MATIÈRES 1. Introduction ....................................................................................................................................................... 1 2. État de la littérature .......................................................................................................................................... 2 3. Lin Yifu et l’émergence de l’Afrique .................................................................................................................. 5 4. Les objectifs des ZCECE...................................................................................................................................... 7 5. Les ZCECE comme stratégie d’internationalisation ........................................................................................... 9 6. Les défaillances actuelles des ZCECE ............................................................................................................... 11 7. ZCECE homologuées et ZCECE non homologuées ........................................................................................... 13 8. Deux ZCECE pour Djibouti ............................................................................................................................... 16 9. Deux ZCECE en Éthiopie .................................................................................................................................. 19 10. ZES et ZCECE au Maroc .................................................................................................................................... 21 11. ZES vs « ZES chinoises » ................................................................................................................................... 23 12. Références ....................................................................................................................................................... 24 Des nids pour le phénix : L’Afrique et les zones économiques spéciales « chinoises » [1] 1. INTRODUCTION La crise de 2008 a rendu évident que les économies des pays développés ne suffisaient plus à elles seules pour assurer la croissance de l’économie mondiale. Pour les pays en développement, cela signifiait une concurrence plus intense pour promouvoir leurs stratégies de développement. C’est l’époque où la Banque mondiale fait paraître deux travaux significatifs. L’un, publié en 2007, est un rapport dirigé par Harry Broadman (alors Continent-Wide Finance Advisor on Bank Operation : Africa à la Banque mondiale) et intitulé Africa’s Silk Road: China and India’s New Economic Frontier. L’autre, publié en février 2008, est une réflexion de David Dollar (alors directeur du Bureau de la Banque mondiale à Pékin) titrée Lessons from China for Africa. Le premier document a une portée programmatique immédiate limitée, il observe en détail l’intensification des relations économiques du continent africain avec la Chine et l’Inde et conclut que des institutions comme la Banque mondiale doivent jouer un rôle attentif afin de soutenir l’Afrique dans son effort pour améliorer ses institutions, sa gouvernance et ses structures économiques, partant de mieux affronter la concurrence croissante de la Chine et l’Inde. Le deuxième document franchît un pas en ce sens qu’il pose déjà la Chine en modèle dont il exprime l’esprit avec le mot d’ordre chinois « réforme et ouverture » (gaige kaifang) qui impliquerait, d’une part, la réforme de la structure des droits de propriété et une privatisation et, d’autre part, la libéralisation du commerce et l’ouverture à l’investissement étranger. À dire vrai, cette approche reste très convenue – dans la logique néo-libérale dominante. C’est aussi l’époque où est lancée une réflexion sur les zones économiques spéciales ou ZES (Akinci et Crittle, 2008) qu’illustre en 2011 pour l’Afrique une étude de Thomas Farole (Special Economic Zones in Africa Comparing Performance and Learning from Global Experiences) et que complète une autre étude sur le rôle de l’investissement chinois dans les ZES africaines que Farole avait menée en 2010 en collaboration avec Deborah Bräutigam et Tang Xiaoyang (China’s Investment in African Special Economic Zones: Prospects, Challenges, and Opportunities). Robert Zoellick, le directeur en charge de la Banque mondiale de juillet 2007 à fin juin 2012, donne une éclatante confirmation de la priorité accordée à l’Afrique et du rôle de parangon du développement attribué à la Chine, en sollicitant la nomination de l’économiste Lin Yifu aux postes d’économiste en chef et de vice-président senior de la Banque mondiale (de juin 2008 à juin 2012) – nomination que Pékin aurait acceptée sans l’avoir expressément demandée contrairement à celle de Zhu Min nommé fin 2009 directeur général adjoint du FMI1. En juin 2008, le premier voyage de Lin Yifu à peine nommé fut donc pour l’Éthiopie, le Rwanda et l’Afrique du Sud (Lin, 2012). Ce patronage de la Banque mondiale se poursuit toujours ; ainsi elle a coorganisé – avec le gouvernement éthiopien, la Banque chinoise de développement, le Fonds de 1 Zhu Min, né en 1952, mais à Shanghai, a obtenu son doctorat à Johns Hopkins ; il est entré à la Banque populaire de Chine en 1996 dont il est, en 2009, l’un des directeurs adjoints. Sa nomination au FMI avait pour but que la Chine participe directement à la nouvelle mission de surveillance des monnaies. Des nids pour le phénix : L’Afrique et les zones économiques spéciales « chinoises » [2] développement Chine-Afrique et l’ONUDI – le forum Investir en Afrique qui s’est tenu à Addis-Abeba les 30 juin et 1er juillet 2015 dont l’objectif central était la valorisation de l’expérience chinoise des ZES2. L’enthousiasme des pays africains pour cette solution ne s’est pas démenti jusqu’à aujourd’hui, ni leur volonté d’émuler à travers elle le « miracle chinois ». Nous essayerons dans cette note d’éclairer le projet chinois pour l'Afrique. 2. ÉTAT DE LA LITTÉRATURE Nous ne referons pas ici un état de la littérature après celui – très complet – que nous propose Claude Baissac (2011) dont l’effort s’est toutefois essentiellement tourné vers la littérature occidentale pour ne pas dire états-unienne. Elle nous rappelle que la première ZES historiquement connue serait celle du port de Délos créée au milieu du deuxième siècle avant notre ère selon Polybe (Baissac, 2011, p. 31). À dire vrai, ce que nous rapporte Polybe reste très elliptique comme le montre la traduction de Félix Bouchot (1847, XXXI, 10-12) ; c’est beaucoup plus l’explicitation du contexte politique et économique qui permet d’inférer une stratégie commerciale fondée sur la création d’une telle zone (Homolle, 1884, p. 83, 91- 100). Ce point d’histoire nous montre que la problématique de ces zones économiques spéciales est de tous les temps et que l’histoire de celles-ci ne débute ni en Chine ni avec la Chine. En revanche, Claude Baissac manque à rappeler la première contribution théorique due à l’un des fondateurs de l’école néo-classique, Alfred Marshall, qui développa dans le dixième chapitre du quatrième tome de ses Principles of Economics, publiés en 1890 (Marshall, 2013 [1890], p. 222-231) l’idée de « district industriel » dont les ZES ne sont que l'une des déclinaisons. Cette expression, district industriel, se traduit en chinois par chanye qu, c’est-à-dire de la même façon que l’expression parc industriel. Toutes les publications chinoises récentes que j’ai pu consulter distinguent très clairement les districts ou parcs industriels des zones économiques spéciales qui, elles, sont considérées comme des avatars chinois des premières. L’usage des expressions jingti tequ [c’est-à-dire zones économiques spéciales], voire women ‘tequ’ [littéralement, nos ‘zones spéciales’], est donc le plus souvent réservé pour désigner des parcs industriels établis en Chine par les autorités chinoises à l’exclusion de toute autre zone industrielle. Malgré cette filiation, les auteurs chinois n’évoquent nullement une influence d’Alfred Marshall dans la gestation de leur stratégie économique aboutissant à l’édification de ZES, or les Principles of Economics ont été traduits en chinois dès 1964 (Marshall, 1964 [1890]). L’intérêt des économistes chinois pour les districts marshalliens semble n’avoir été qu’assez tardif et résulter de l’essor dans les années 1990 des études du développement territorial en 2 The Investing in Africa Forum: Partnering to Accelerate Investment, Industrialization, and Results in Africa http://www.worldbank.org/en/events/2015/06/30/investing-in-africa-forum-partnering-to-accelerate-inve stment-industrialization-and-results-in-africa. Des nids pour le phénix : L’Afrique et les zones économiques spéciales « chinoises » [3] Occident (Miao, 2004)3, idées qui ne peuvent de ce fait avoir pesé sur le lancement des premières ZES. Ce sont les travaux d’un autre économiste qu’ils évoquent uploads/Geographie/ pairault-abidjan.pdf

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