Tiré-à-part d’un article paru en 2008 dans le n° 25 de la Revue du Gévaudan, de
Tiré-à-part d’un article paru en 2008 dans le n° 25 de la Revue du Gévaudan, des Causses et des Cévennes, publiée par la Société des Lettres, Sciences et Arts de la Lozère, BP 58, 3 Rue de l’Épine, 48002 Mende Cédex. Volcans, charbon et éthique industrieuse : présence du Gévaudan, des Causses et des Cévennes dans l’œuvre de Chaptal par Victor Chaptal de Chanteloup Lors de la leçon inaugurale1 de son cours de Minéralogie et d’histoire naturelle2, prononcée en novembre 1780 devant « Messeigneurs les gens des trois états de la Province de Languedoc », Chaptal rappelle les atouts de la Province : Un commerce actif, des manufactures nombreuses, une terre qui, par le contraste le plus étonnant, offre à la fois des produits du midi et ceux du nord ; des mines riches dans les Cévennes, où la stérilité du sol rend leur exploitation nécessaire ; une abondance de vin qui en permet la distillation ; des salins que l’on peut multiplier à son gré, etc. Il ajoute : la plupart de ces objets sont l’ouvrage de la chimie, et tous en at- tendent leur perfection. Les mines des Cévennes, notamment, réclament les secours de cette science : L’exploitation des mines, qui forme une richesse presque incon- nue dans la Province, est un des objets dont nous devons nous oc- 1 Publié comme Discours préliminaire de ses Mémoires de chimie, dont le per- mis d’imprimer est daté du 19 novembre 1781. Dans ses Mémoires personnels (publiés par son arrière-petit-fils, avec ses Souvenirs sur Napoléon, Plon, Paris 1893, p. 28), Chaptal évoque avec modestie ce « petit volume de Mémoires, dans lequel je faisais connaître quelques faits nouveaux », qui retint l’attention de Buffon. 2 Tel était en effet le titre de la chaire créée pour le jeune chimiste par les États du Languedoc, en réponse au besoin de la Province. - 2 - cuper encore. Les Cévennes, ce pays naturellement stérile, où l’on admire et l’on plaint à la fois un Habitant industrieux et pénible, oc- cupé sans relâche à forcer un sol ingrat de pourvoir à sa subsistance, réclament depuis longtemps les secours de la chimie ; la nature y a jeté d’une main libérale toute sorte de minéraux ; ce sont des trésors enfouis dont on commence à peine à soupçonner l’existence : leur recherche a été longtemps combattue par le préjugé, arrêtée par les dépenses inséparables des premiers établissements, contrariée par la difficulté des travaux ; mais l’homme de génie passe par-dessus ces obstacles ; il voit le bien dans l’avenir plutôt que dans le moment présent ; il sait que les préjugés tombent sans jamais se relever, et qu’il ne faut que du courage et de la constance pour rompre des ha- bitudes et détruire des opinions. Les premiers établissements nous annoncent déjà une révolution totale : chaque entreprise a formé dans le voisinage une certaine sphère de bonheur, par la consomma- tion des denrées, la vente des bois, l’exportation des produits et l’ouverture des communications. Je me propose de dresser un ta- bleau analytique de la nature et de la richesse des productions, des moyens d’en tirer parti, des modifications dont les travaux sont sus- ceptibles dans chaque pays, afin que le particulier ne confie plus à des épreuves ruineuses sa fortune et son espoir. Pour illustrer la mise en œuvre de ce programme, j’ai retenu trois aspects intéressant la Lozère : la découverte d’un volcan éteint à Sau- veterre ; des prétendues mines de charbon, près de Mende ; l’esprit industrieux des Habitants des Cévennes. I. VOLCANS Le randonneur qui traverse le hameau de Sauveterre se doute-il que l’origine du pavement la mare de la place du village, signalée sur un site internet grand public comme le « le cône d’un ancien volcan, actif quand le Causse était recouvert par la mer Thétys » (sic) a été décou- verte par un natif de Nojaret. Sa description, publiée en novembre 1781 dans le tome XVIII du Journal de physique3, est la première publication de Chaptal dans un organe d’audience internationale4. 3 Ce périodique, dont le titre complet était initialement « Observations et mé- moires sur la physique, sur l’histoire naturelle et sur les arts et métiers », a été créé en 1771 par l’abbé Rozier (1734-1793), originaire de Bézier et ancien directeur de l’école vétérinaire de Lyon. Son neveu l’abbé Mongez (connu pour sa traduction de la minéralogie de Bergman), puis, après le départ de ce dernier avec La Pérouse, le minéralogiste de La Métherie, lui succéderont à tête de la rédaction de cette revue, - 3 - Les connaissances minéralogiques que suppose cette découverte la situent après les études de chimie de Chaptal et sa première année d’enseignement à Montpellier, donc très vraisemblablement au cours de l’été 1781. Contexte Un rappel sur l’émergence de la « géologie »5, à la convergence de trois axes, à savoir les progrès de la géographie physique et de la volcanologie, la révolution industrielle du XVIIIe siècle, la naissance de la cristallographie, aidera à faire parler ce texte. a/ Dates-clés en géographie physique et volcanologie. En 1752, Guettard6, accompagnant son ami Malesherbes7 qui se rendait aux eaux de Vichy, constate la ressemblance de pierres originaires de qui avait à l’époque une notoriété comparable à celle dont jouit aujourd’hui la Physical Review. Rozier est l’auteur du Cours d’agriculture, publié sous la forme d’un journal, dont le tome X contient la première version de l’Art de faire de vin de Chaptal, ainsi qu’un article Vigne, de la plume du rédacteur du dit Cours, exposant un plan pour déterminer les différentes espèces de raisin, que Chaptal, lorsqu’il sera ministre de l’intérieur, fera exécuter au Clos des Bernardins, qui jouxtait le Jardin du Luxembourg. 4 Les Mémoires de Chimie en donnent une version plus courte, dont la rédaction, certainement antérieure, a dû suivre l’exposé de Chaptal à la Société des sciences. Je n’ai pas réussi a en retrouver le manuscrit, mais celui du premier de ces mémoires, sur l’acide méphitique qui s’exhale des eaux du Boudilou, conservé aux archives départementales de l’Hérault, montre une première rédaction, très rapide et de sa main, complétée de nombreux ajouts et modifications. C’est également le cas d’autres manuscrits de Chaptal. Le texte du Journal de physique est donc certaine- ment une version amendée et complétée. 5 Ce mot désignait les sciences de la Terre, au sens large, avant de se restreindre, au début du XIXe siècle, au sens moderne, de « science qui a pour objet l’étude de la structure et de l’évolution du globe terrestre » (Petit Robert). Utilisé entre autres par Arduino, De Luc, De Saussure, Kirwan, le vocable géologie sera vraiment consacré par Dolomieu en 1793. 6 Après des études d’apothicaire, Jean-Étienne Guettard (1715-1786) est initié à la botanique par son grand-père. Il développe dans cette discipline ses talents d’observateur baconien, évitant la formulation de théories. Élève de Réaumur, admis en 1743 à l’Académie des sciences comme botaniste, il se spécialise rapidement en minéralogie. Le jeune Lavoisier l’aida dans son projet inachevé de cartographie minéralogique intégrale de la France. 7 Ministre et dernier conseil de Louis XVI, Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malsherbes (1721-1793) s’intéressait aux sciences naturelles. Il correspondit avec Rousseau sur la botanique. Premier président de la cours des aides et directeur de la librairie en 1750, il protège les philosophes et facilite la diffusion de l’Encyclopédie. Membre du gouvernement Turgot, il démissionne lors du départ de celui-ci. Promo- teur de réformes profondes, il appelait à l’application du droit naturel, fondé sur l’écoute de la nation. - 4 - Volvic avec celles du Vésuve. Il observe le premier que les montagnes d’Auvergne sont des volcans éteints, mais il écarte l’idée d’une ori- gine ignée des prismes de basalte. Sa découverte fait sensation en Europe. En 1763, Desmarest voit le basalte prismé d’une coulée à Pradelle et il affirme, en 1665, dans un mémoire à l’Académie des sciences, que le basalte est une lave. Dans la seconde partie de ce mémoire, publié en 1771, il précise que les « cantons volcanisés » qui nous offrent de nombreuses masses de basalte, se situent dans les provinces d’Auvergne et du Velay, dans le Vivarais, et dans le Lan- guedoc, aux environs de Pézenas et d’Adge8. En 1776, de Genssane, directeur des mines du Languedoc, présente à l’assemblée publique de la Société royale des sciences de Montpellier, un mémoire sur les cônes et coulées du Bas-Vivarais et les orgues du Puy-en-Velay9, où il mentionne les observations de l’abbé Mortesagne, qui a le premier reconnu les volcans des environs de Pradelles. En 1778, Faujas de Saint-Fond publie son volumineux ouvrage sur le Velay et le Viva- rais10. Il y confirme les observations de Desmarest, mais il tente, ce qui lui a été reproché, de contester la priorité de celui-ci et de Guet- tard. Dans le Languedoc, les découvertes de volcans éteints s’accélèrent. Chaptal écrira « La Province de Languedoc nous présente partout ces altérations du feu. MM. Guettard, de Malsherbes, Desmarets, Montet, Faujas, Genssane, de Joubert, Giraud uploads/Geographie/ volcans-charbon-et-ethique-industrieuse-presence-du-gevaudan-des-causses-et-des-cevennes-dans-l-x27-oeuvre-de-chaptal.pdf
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- Publié le Aoû 11, 2021
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