Le traitement et la décontamination des structures, des sols et des effluents L

Le traitement et la décontamination des structures, des sols et des effluents Les opérations dʼassainissement-démantèlement produisent une grande variété de déchets*, selon que lʼon a affaire à des installations du cycle, des réacteurs ou une installation en situa- tion post-accidentelle. Les radionucléides* présents dans ces déchets peuvent ainsi être soit des produits de fission et des actinides (cycle et post-accidentel), soit des produits d’acti- vation* (réacteurs), et les volumes associés peuvent varier dans des proportions importantes. La nature de lʼactivité* radiologique associée est également différente ; de très faible à moyenne ou faible pour les installations de cycle et les réac- teurs, elle peut varier plus fortement en situation post-acciden- telle. Ainsi, les problèmes posés par ces opérations sont diffé- rents et nécessitent que les opérations de décontamination*, qui concernent les structures, sols ou effluents liquides, sʼins- crivent dans une vision systémique de lʼassainissement- démantèlement. On ne peut décontaminer sans avoir préala- blement caractérisé (voir supra, p. 13, « Évaluation de lʼétat radiologique, physique, chimique de lʼinstallation à assainir ou à démanteler. Techniques de caractérisation »), défini le scé- nario dʼintervention (voir supra, p. 57, « Opérations en milieu hostile ») et sans savoir comment gérer par la suite les déchets secondaires produits par ces opérations (voir infra, p. 107, « Le traitement des déchets dʼassainissement-démantèlement »). Dans ce contexte, les enjeux associés à la décontamination sont principalement dʼabaisser la dosimétrie des chantiers dʼas- sainissement démantèlement, de décatégoriser* les déchets produits par ces chantiers et de réduire les volumes des déchets « ultimes ». Les problèmes scientifiques et techniques qui en découlent concernent le développement de procédés capables dʻextraire efficacement les radionucléides de lʼobjet traité (surfaces, sols, effluents) et de les concentrer dans un déchet compatible avec une filière existante. Pour le traitement dʼune contamination fixée dans les struc- tures, deux familles de procédés ont été développées ; lʼAspilaser® pour le décapage des bétons peints, les Aspigels® pour la décontamination de surfaces essentiellement métal- liques. Pour des objets de forme complexe, des solutions à base de mousses ou de gels particuliers sont privilégiées. Dans le cas de sols contaminés plus ou moins irréversible- ment, deux procédés, lʼun basé sur lʼextraction par CO2 super- critique, lʼautre sur la flottation par mousse sont en cours de développement. Par ailleurs, les Stations de Traitement des Effluents Liquides (STEL) contaminés par des radionucléides sous forme ionique ont été historiquement basées sur des procédés de coprécipitation, du fait de leur robustesse vis-à-vis de com- positions complexes. Cependant, ces procédés produisent des quantités importantes de boues, même si des optimisa- tions de conception permettent de les diminuer. Pour pallier ce désavantage, et également faciliter la gestion ultérieure des déchets induits, des procédés basés sur des adsorbants innovants sont conçus. Enfin, des procédés de filtration et dʼoxydation photochimique avancée sont développés pour la décontamination dʼeffluents liquides contenant des radionu- cléides sous forme particulaire ou complexifiée par des molé- cules organiques. 89 L’assainissement-démantèlement des installations nucléaires 90 Le traitement et la décontamination des structures, des sols et des effluents Le niveau de maturité industrielle de ces différents procédés est fortement variable ; à titre dʼillustration, il peut être très élevé pour des applications ciblées des Aspigels® ou de lʼAspilaser® et encore bas, pour ces mêmes techniques, dans le cas du traitement en profondeur des bétons poreux. Dans ce qui suit, on sʼefforcera dʼillustrer lʼétat dʼavancement de la R&D en décontamination conduite au CEA et, dʼautre part, de souligner la cohérence des approches en mettant en lumière les performances potentielles des procédés étudiés, non seu- lement en termes dʼefficacité de décontamination, mais éga- lement en termes de volume de déchet produit et de facilité de mise en œuvre. Vincent BLET et Luc PARADIS Département d’études du traitement et du conditionnement des déchets 91 L’assainissement-démantèlement des installations nucléaires Le traitement de surfaces solides contaminées Les gels de décontamination minéraux Le principe des gels de décontamination* est dʼappliquer sur la surface à décontaminer un film de gel contenant des col- loïdes capables de sorber* les radionucléides* présents sur la surface. Ces films se fracturent au cours de leur séchage en quelques heures pour former des paillettes millimétriques contenant la contamination* et facilement récupérables par brossage ou aspiration (fig. 99). Le grand intérêt de ces gels pour la décontamination vient de lʼabsence dʼeffluents liquides et de la petite quantité de déchets solides produits par le pro- cédé. Des gels minéraux de décontamination ont été brevetés conjointement par le CEA et AREVA et sont désormais utili- sés à lʼéchelle industrielle par les opérateurs du démantèle- ment pour traiter essentiellement la contamination fixée dans des couches dʼoxydes métalliques [1]. Ils sont dits « aspi- rables » et commercialisés sous lʼappellation ASPIGELS® par la société FEVDI. Ils sont fabriqués à base de suspensions colloïdales concentrées de silice ou dʼalumine et sont appli- qués sur la surface à décontaminer au pinceau ou par pulvé- risation, afin de former des films dʼépaisseur variant entre 0,5 et 2 mm. Des formulations différentes de ces gels ont été développées et commercialisées selon la nature de la surface à traiter en utilisant un réactif de décontamination acide, basique et/ou oxydant. Lʼajout, en faibles quantités, dʼadditifs tensio-actifs* a permis de contrôler les propriétés viscoélastiques dans le cœur du gel, mais aussi celles aux deux interfaces du film de gel avec le substrat et avec lʼair. Ainsi, lʼaptitude de ces gels à la pulvérisation et à lʼadhésion sur les parois a été optimisée. Ces tensio-actifs permettent également de contrôler le séchage et la fracturation. La cinétique globale de réaction substrat/gel, qui fait intervenir les mécanismes de mouillage et de corrosion/complexation de surface, est ainsi pilotée par la formulation. Du fait de leurs propriétés rhéologiques parti- culières, ces gels peuvent être aussi utilisés comme bains de décontamination ou en nappage. Des questions restent néan- moins encore en suspens comme, par exemple, sur la possi- bilité de décontaminer des bétons plus en profondeur par un film de gel pulvérisé. Des travaux récents ont montré lʼintérêt de lʼajout dʼun super-absorbant (PAANa*) sur lʼefficacité dʼun gel [5]. Le mécanisme proposé met, en particulier, en évidence le rôle joué par les ions présents en surface du substrat à trai- ter qui diffusent au sein du gel, provoquant ainsi le relargage, par effet de pression osmotique, de la solution décontami- nante contenue au sein des billes de PAANa (fig. 100). Ce phé- nomène, à lʼorigine de lʼamélioration de lʼattaque du substrat et donc de sa décontamination, provoque également un abais- sement local de la viscosité du gel qui contribue à un meilleur mouillage par imprégnation de la surface à décontaminer. Fig. 99. Film de gel à la fin de la fracturation, observation des paillettes millimétriques. Fig. 100. Mouillage accru par effet de relargage dʼeau. Solution de décontamination Substrat Gel décontaminant H2O H+ / OH- Ion +/- Le traitement et la décontamination des structures, des sols et des effluents 92 Le traitement de surfaces solides contaminées Lʼinfluence de la viscosité et de la tension interfaciale sur ce mouillage reste néanmoins à éclaircir. Par ailleurs, lʼextension de la stabilité chimique de certains gels à des durées large- ment supérieures à quelques mois est un autre thème dʼétude important pour la valorisation de ces produits. Les gels de nappage Lʼutilisation de techniques avancées de rhéologie couplées à des mesures de potentiel zêta*, des particules dʼalumine a permis de révéler lʼexistence de plusieurs transitions sol/gel suivant la quantité de sels présents dans la solution colloïdale dʼalumine [2]. Ainsi, un simple ajout de quantités croissantes de chlorure de sodium, [NaCl], permet de faire passer la sus- pension dʼalumine dʼun état de « gel », qui adhère à une paroi verticale, puis à un état de « sol », qui sʼécoule sur la paroi, puis de nouveau à un état « gel» (fig. 101). De manière similaire, la compréhension des transitions sol/gel a également permis de breveter des gels à base de silice addi- tivés dʼun polymère thermosensible [3, 4]. Par exemple, lorsque le bain de gel contenant du carraghénane est porté à environ 55 °C, ce polymère se déstructure, ce qui diminue la viscosité du bain qui devient alors liquide. La pièce à décon- taminer (acier noir, aluminium) est alors trempée dans le bain chaud une à deux secondes puis est retirée : le film de gel se fige en refroi- dissant et adhère sur la pièce sans cou- lure, grâce à lʼaugmentation rapide de la viscosité du carraghénane dès 50 °C. Lʼutilisation de bains de gel acides, plus corrosifs, nécessite lʼem- ploi dʼun autre polymère thermosen- sible plus stable chimiquement, tel que, par exemple, le PNIPAAM*. Dans cette application, la pièce métallique à décontaminer est préalablement chauf- fée vers 45 °C, plongée quelques secondes dans le bain de gel maintenu à température ambiante puis retirée. Au contact de la pièce chaude, la visco- sité du bain de gel augmente brutalement et fige instantané- ment le réseau du gel autour de la pièce pour former un film de nappage qui ne sʼécoule pas (fig. 102). Ces types de gel permettent ainsi la décontamination* uploads/Industriel/ monographie-assainissement-demantelement-installations-nucleaires.pdf

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