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HAL Id: hal-00973978 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00973978 Submitted on 4 Apr 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. PETITES ENTREPRISES INDUSTRIELLES ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE L’EUROPE OCCIDENTALE (1780-1930) Jean-Marc Olivier To cite this version: Jean-Marc Olivier. PETITES ENTREPRISES INDUSTRIELLES ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE L’EUROPE OCCIDENTALE (1780-1930). Le grand livre de l’économie PME, Gualino Lextenso éditions, pp.37-60, 2010. hal-00973978 1 PETITES ENTREPRISES INDUSTRIELLES ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE L’EUROPE OCCIDENTALE (1780-1930) Jean-Marc OLIVIER Université de Toulouse Directeur du laboratoire CNRS Framespa Introduction Depuis la fin du XVIIIe siècle, le rôle des petites industries suscite des débats enflammés, plus particulièrement en France où elles sont alternativement portées aux nues comme seules véritables créatrices d'emplois, ou dénoncées comme responsables du retard français. Ces temps de désindustrialisation contemporaine se révèlent donc très demandeurs d'épaisseur historique. Plusieurs chercheurs ont renouvelé récemment notre connaissance de la petite entreprise, urbaine ou rurale, depuis la fabrique parisienne ou londonienne1 jusqu'aux fermes- ateliers du haut Doubs2, sans oublier la proto-industrie enracinée dans le XVIIIe siècle3, les petites villes manufacturières du XIXe siècle4, ou les PME des années 19205. Leurs travaux proposent des approches beaucoup plus nuancées qui nous invitent à reconsidérer la linéarité reconstituée du récit historique classique, tenu par les économistes, sur le développement industriel jusqu'aux années 1970. Depuis cette date, le contexte a beaucoup changé, facilitant une prise de recul. Nous analyserons dans un premier temps cette réécriture de l’histoire des révolutions industrielles qui s’émancipe du factory system anglais, allemand ou américain. Puis nous constaterons le rôle primordial joué par les nébuleuses de petites industries dans trois espaces différents : la France, la Suisse et la Scandinavie. 1 Verley (Patrick), Entreprises et entrepreneurs du XVIIIe siècle au début du XXe siècle, Paris, Hachette, « Carré Histoire », 1994, 255 p. 2 Brelot (Claude-Isabelle), Mayaud (Jean-Luc), L'industrie en sabots. Les conquêtes d'une ferme-atelier aux XIXe et XXe siècles. La taillanderie de Nans-sous-Sainte-Anne, Paris, J.-J. Pauvert chez Garnier, 1982, 292 p. + XVI p. hors-texte. 3 Mendels (Franklin), Industrialization and population pressure in XVIIIth century Flanders, thèse soutenue devant l'université du Wisconsin en 1969. Terrier (Didier), Les deux âges de la proto-industrie. Les tisserands du Cambrésis et du Saint-Quentinois, 1730- 1880, Paris, EHESS, 1996, 311 p. 4 Cazals (Rémy), Les révolutions industrielles à Mazamet, 1750-1900, Paris/Toulouse, La Découverte- Maspero/Privat, 1983, 298 p. 5 Lescure (Michel), PME et croissance économique. L'expérience française des années 1920, Paris, Économica, 1996, 350 p. 2 I - BOULEVERSEMENTS HISTORIOGRAPHIQUES ET NOUVELLES MÉTHODE POUR APPROCHER LES PME INDUSTRIELLES L'écroulement du mythe de la grande usine Les échecs cuisants subis par les très grandes usines en Europe occidentale, aux États-Unis, ou dans l'ancien bloc soviétique, depuis les années 1970, remettent en cause l'idée d'une supériorité absolue de la concentration industrielle pour produire plus, mieux et moins cher. La liste des désillusions s'allonge depuis la crise des complexes sidérurgiques du Sud Nigéria ou d'Algérie jusqu'à la fermeture des grandes usines de RDA et d'URSS, en passant par les difficultés rencontrées par Peugeot à Sochaux, Volkswagen à Wolfsburg et Fiat à Turin. Tous ces grands sites n'ont cessé de perdre des emplois depuis trente ans et leurs propriétaires ont frôlé la faillite. Aujourd’hui, General Motors et Ford sont menacés, malgré les économies d’échelle, le taylorisme et le management. Or, le cadre de réflexion solidement installé par les économistes pour rendre compte de la révolution industrielle mettait en avant le schéma du factory system, dont l’apothéose était l’usine géante. Une brèche est donc ouverte, dans laquelle beaucoup de chercheurs appartenant à toutes les sciences sociales se sont engouffrés pour redécouvrir les vertus des petites unités de production. Toutefois, les historiens n'avaient pas exclu celles-ci de leurs études des cheminements complexes de l'industrialisation. Les grandes synthèses dirigées par Fernand Braudel, Ernest Labrousse6 et Pierre Léon7 les prennent en compte. Mais l'historien se heurte à un problème de définition, où commence et où s'arrête la petite industrie du XIXe siècle ? Entre artisanat et système usinier : identification des multiples formes dispersées de la production industrielle Selon Denis Woronoff, à la main habile et à l'intelligence de l'artisan, l'industrie ajoute la production efficace, en grande quantité, destinée en partie à des marchés éloignés8. Michel Lescure, quant à lui, propose comme plafond supérieur pour les PME françaises des années 1920, celui des cent salariés9, le seuil des 500 employés adopté par l'INSEE n'étant pas à ses yeux vraiment opératoire rétroactivement. Mais l'entreprise n'est pas l'industrie, car parmi les petites entreprises figurent les commerces, en particulier ceux d'alimentation. Enfin, l'entreprise est une unité juridique à ne pas confondre avec les sites de production, les usines, les ateliers, voire les foyers. Cette limite supérieure des cent employés présente le mérite de la simplicité si on l'adapte en considérant comme appartenant à l'univers de la petite industrie les unités de production 6 Braudel (Fernand) et Labrousse (Ernest) (dir.), Histoire économique et sociale de la France, Paris, PUF, 1977- 1982, 7 volumes. 7 Léon (Pierre) (dir.), Histoire économique et sociale du monde, Paris, Armand Colin, 1978, 6 volumes. 8 Conclusion du colloque "Histoire de l'industrie en Midi-Pyrénées de la préhistoire à nos jours", Sorèze (Tarn), 24 juin 2006, 57ème Congrès de la Fédération historique de Midi-Pyrénées. 9 Lescure (Michel), PME et croissance…, ouv. cité, pp. 21-22. 3 rassemblant en un lieu moins de cent personnes à temps plein. Le seuil inférieur des dix ouvriers peut alors désigner le commencement de la petite industrie, il n'est pas retenu pour cette étude car il serait trop contraignant. En effet, un atelier qui réussit dépasse rapidement les dix employés et ce serait contre-productif de s'interdire d'étudier l'entité qui franchit cette limite très théorique. Le cœur du corpus initial doit donc insister sur les très petits éléments d'où tout émerge, en particulier quand ils s'avèrent capables de se structurer en réseau pour augmenter leur compétitivité. La distinction entre artisanat et début de la petite industrie serait donc davantage fondée sur des critères qualitatifs. La petite industrie commence là où apparaît une production importante, destinée à des marchés éloignés et reposant sur une division du travail s’accompagnant d’une mécanisation partielle, l’ensemble générant des gains de productivité. Cette définition rassemblerait des formes variées comme la proto-industrie selon Mendels10, déjà bien connue pour le textile et plutôt déclinante au XIXe siècle, ou des phénomènes d'industrialisation rurale douce, comme la nébuleuse morézienne dans laquelle aucune usine indigène ne dépasse les cent employés internes avant 191411. À ceci s'ajoutent les fermes-ateliers, les petites forges rurales et l'immense ensemble constitué par les fabriques dispersées urbaines comme celles de Paris ou de Lyon. Toutefois, certaines places industrielles, comme Mazamet12, constituées d'un groupe de petites usines rassemblant souvent moins de cent ouvriers au XIXe siècle, s'inscrivent à la lisière du sujet. Par leur dynamique interne, elles peuvent être considérées comme appartement à la frange supérieure du monde de la petite industrie. Pour mieux saisir l'esprit de cette recherche il faut aussi en définir le cadre spatial et temporel. Esquisse géographique et chronologique d'un âge d'or et d'un espace privilégié de la petite industrie La géographie des petites industries demeure très difficile à établir, il existe des exemples phares comme la fabrique parisienne, ou l'horlogerie de la montagne jurassienne franco-suisse, auxquels on pourrait ajouter la petite métallurgie dispersée suédoise. Cependant, des recherches récentes suggèrent la présence de nouveaux cas non répertoriés. Ainsi, il existe d'autres industries rurales dispersées qui s'épanouissent plus longtemps que le putting out system textile traditionnel, en particulier la chapellerie du Sud de la France13. D'autre part, la "fabrique" ne semble pas l'apanage des capitales, une ville comme Toulouse connaît plusieurs phases brillantes d'industrialisation diffuse aboutissant à la production massive de carrosses, de chapeaux, de chaussures, de meubles ou de chemises14. La France, terre de "dualisme industriel" selon l'expression de Louis Bergeron, n'a donc pas fini de livrer tous les secrets de son industrialisation discrète, mais bien réelle, au fil du XIXe siècle. Ainsi, les succès économiques de la Suède, de la Suisse15 et de la France, s'enracineraient, au moins 10 Mendels (Franklin), « Des industries rurales à la proto-industrialisation : historique d’un changement de perspective », dans Annales ESC, tome 39, n° 5, septembre-octobre 1984, pp. 977-1008. 11 Olivier (Jean-Marc), Des clous, des horloges et des lunettes. Les campagnards moréziens en industrie (1780- 1914), Paris, CTHS, 2004, 608 p. 12 Cazals (Rémy), Les révolutions…, ouv. cité. 13 Olivier (Jean-Marc), « Chapeaux, casquettes et bérets : quand les industries dispersées du Sud coiffaient le monde », dans Annales du Midi, n° 251, juillet-septembre 2005, pp. 407-426. 14 Olivier (Jean-Marc), « Un "grand village" industrieux », dans Taillefer (Michel) (dir.), Nouvelle histoire de Toulouse, Toulouse, Privat, 2002, uploads/Industriel/ petites-entreprises-industrielles-jean-marc-olivier.pdf
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- Publié le Fev 26, 2021
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