L’industrie du futur à travers le monde Les Synthèses de La Fabrique Numéro 4 -

L’industrie du futur à travers le monde Les Synthèses de La Fabrique Numéro 4 - Mars 2016 Comment divers pays soutiennent la transformation de leur industrie Une course mondiale s’est engagée pour accélérer la transition du secteur industriel vers le modèle de l’usine connectée. L’Allemagne en a donné le coup d’envoi dès 2011 ; elle a rapidement été rejointe par les principales puissances économiques, soucieuses de préparer l’avenir de leur industrie. Les enjeux diffèrent selon les pays mais, qu’il s’agisse de renforcer leur leadership dans la production de biens d’équipement ou de soutenir la compétitivité globale du secteur manufacturier, rares sont ceux qui restent indifférents aux opportunités offertes par la quatrième révolution industrielle. Thibaut Bidet-Mayer Sommaire 2 4 6 Une vision commune, des réalités différentes L’Allemagne pionnière… mais soucieuse de préserver son avance Les outsiders : la Corée du Sud et la Chine 9 France, États-Unis, Royaume-Uni : l’industrie du futur comme levier du renouveau industriel ? 12 L’Italie mise sur ses clusters - 2 - Développé par l’Allemagne au milieu des années 2000, le concept d’Industrie 4.0 s’est peu à peu diffusé à travers le monde. « Smart manufacturing », « Industrie du futur » : il connaît aujourd’hui de nombreuses variantes et déclinaisons, mais ses promoteurs partagent la vision d’usines flexibles, intégrées, connectées, grâce notamment à une utilisation intensive des outils numériques1. La plupart des grandes puissances économiques mettent en place des politiques pour accompagner leurs entreprises dans cette évolution radicale. Toutefois leurs approches diffèrent en fonction de leurs traditions politiques, de leur champ d’intervention (formation, recherche, soutien à l’investissement), de leur niveau de centralisation, des technologies qu’elles privilégient. Cette synthèse s’appuie sur l’étude de la littérature disponible sur un échantillon de pays (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, États-Unis, Corée du sud, Chine)2. Chaque pays fait l’objet d’une fiche descriptive consultable sur le site web de La Fabrique. Ces fiches s’enrichissent des témoignages et commentaires que nous envoient leurs lecteurs. Résumé Les actions mises en place pour accompagner les entreprises vers l’industrie du futur se déclinent autour de trois thèmes : le développement de l’offre de technologies liées à l’industrie du futur, le soutien à la modernisation de l’appareil de production et le développement des compétences pour faire face à ces transformations (cf. Figure 1). Bien que la plupart des acteurs aient des visions proches sur les évolutions que devrait connaitre le secteur industriel, les politiques déployées varient significativement selon les pays. Tout du moins, ces dernières ne mettent pas l’accent sur les mêmes aspects. La première raison à cette variété est que les enjeux diffèrent largement suivant les économies. Il faut d’abord distinguer les pays dont le secteur industriel est en perte de vitesse des quelques exceptions où l’industrie connaît au contraire une progression plus ou moins forte (cf. Graphique 1). On retrouve par ailleurs un groupe de pays producteurs, c’est-à-dire dotés d’offreurs de solutions liées à l’industrie du futur, quand les autres sont principalement acheteurs-utilisateurs. Enfin, soulignons les différences notables en termes de robotisation et d’intégration numérique des entreprises selon les pays. Ces différences exigent évidemment des réponses adaptées de la part des pouvoirs publics. Cela ne signifie pas pour autant que les politiques nationales soient focalisées sur des sujets uniques et négligent les autres. Tous les Une vision commune, des réalités différentes Bien que la plupart des acteurs aient des visions proches sur les évolutions que devrait connaitre le secteur industriel, les politiques déployées varient significativement selon les pays. 1 - Voir notre synthèse n°3 sur le concept d’industrie du futur et sur le programme français. 2 - Nous remercions Noé Ciet qui a réalisé la plupart de ces études lors de son stage à La Fabrique. - 3 - pays partagent l’objectif d’allier ces multiples dimensions, dans des proportions diverses. L’Allemagne, qui mise principalement sur le développement d’une offre technologique, ne néglige pas pour autant la modernisation de son appareil productif (et inversement en France). Ensuite, rappelons que les modèles de politique industrielle peuvent être incommensurables, en raison notamment de traditions d’interventionnisme et de centralisation très différentes. Par exemple, de nombreux gouvernements, notamment dans les pays anglo-saxons, se sont saisis de sujets liés à l’industrie du futur sans pour autant y faire exclusivement ni même explicitement référence. Le plan américain « National network for manufacturing innovation » touche ainsi à la fois à la fabrication additive, aux matériaux composites, aux énergies durables et à la digitalisation des relations avec la chaîne d’approvisionnement. Les comparaisons entre pays doivent dès lors être considérées avec prudence, et cet exercice de benchmark se veut moins un travail exhaustif de comparaison qu’une manière de donner à voir les différences d’approches et les grands axes mis en avant par un certain nombre de pays pour le développement d’une industrie du futur. Les pays étudiés (Allemagne, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Italie, Royaume-Uni) illustrent la diversité de ces approches. GRAPHIQUE 1. Part de l’industrie dans le produit intérieur brut (niveau et variation) Données 2012, variations entre 1990 et 2012 (en points de pourcentage) Sources : National Accounts Main Aggregates Database, UNIDO FIGURE 1. Principales thématiques des politiques « Industrie du futur » Source : La Fabrique de l’industrie Tous les pays partagent l’objectif d’allier ces multiples dimensions, dans des proportions diverses. - 4 - L’Allemagne pionnière… mais soucieuse de préserver son avance L’Allemagne s’est très tôt lancée dans la course vers l’industrie du futur. Elle en a officiellement donné le coup d’envoi en 2011 avec le lancement du programme « Industrie 4.0 », première initiative nationale à réunir l’ensemble des parties prenantes autour d’un objectif : la sauvegarde du leadership allemand dans la production de biens d’équipement industriels haut de gamme. Au cours des dernières années, l’Allemagne a en effet pris conscience de la menace qui pesait sur son industrie, prise en étau entre des concurrents coréens ou chinois toujours plus sérieux et les géants américains du numérique s’insinuant progressivement dans le jeu industriel. Le gouvernement allemand se devait donc de réagir. Il a pris soin de mûrir la réflexion, en veillant à y associer les acteurs du monde économique et de la recherche. Dans leur approche, ces acteurs ont d’abord identifié les principales tendances de société, les évolutions des modes de consommation, etc. avant d’imaginer leur impact sur les modes de production. C’est ainsi qu’a émergé le concept d’Industrie 4.0 dont nous pouvons aujourd’hui mesurer la portée et le succès. L’objectif affiché du programme « Industrie 4.0 » est de développer au sein des industries allemandes des « systèmes de production cyber-physiques », fondés sur une modélisation numérique de l’ensemble des processus de production ainsi que des échanges de données, en cours de fabrication, entre produits et machines d’une part et entre différents acteurs de la chaîne de production d’autre part. Concrètement, ce programme consiste majoritairement à organiser et financer la recherche dans le domaine de la robotique industrielle, de l’automatisation, de la mise en réseau, etc., avec le souci de garantir l’avance de l’Allemagne dans ces technologies. On remarque, dans le choix des thématiques, que l’Allemagne joue sur ses atouts, à savoir les machines. Certes, les décideurs y sont conscients de l’importance du numérique dans cette révolution et des enjeux de cybersécurité que cela suppose mais les efforts sont concentrés sur les segments où le pays dispose déjà d’un avantage concurrentiel certain. La deuxième étape du programme est de promouvoir ces technologies auprès de l’ensemble du tissu industriel allemand. Un soutien à la création de démonstrateurs vise ainsi à sensibiliser les entreprises. Dans ce cadre, l’État allemand se place dès le départ dans un rôle de facilitateur plutôt que de stratège. Sur les recommandations d’un rapport publié en 2013, et afin de faciliter la mise en réseau des acteurs, il crée la « Plattform Industrie 4.0 ». En dépit d’une réorganisation de sa gouvernance en 2015 qui a vu le gouvernement fédéral s’impliquer davantage, les représentants du monde académique et économique – notamment les constructeurs de machines ainsi que les fournisseurs d’automatismes – restent largement à la manœuvre. Ce programme consiste majoritairement à organiser et financer la recherche dans le domaine de la robotique industrielle, de l’automatisation, de la mise en réseau, etc., avec le souci de garantir l’avance de l’Allemagne dans ces technologies. - 5 - Par ailleurs, le projet « Industrie 4.0 » étant résolument orienté vers le développement d’une offre de solutions, l’Allemagne montre un vif intérêt pour la normalisation et la standardisation des procédés, au point d’en avoir fait un des cinq grands thèmes de réflexion identifiés par le gouvernement, avec la recherche et l’innovation, la sécurité des systèmes et des réseaux, le cadre réglementaire et juridique, et la formation professionnelle3. 3 - Pour une description approfondie du programme « Industrie 4.0 », voir : Kohler D., Weisz J-D., 2016, « Industrie 4.0. Les défis de la transformation du modèle industriel allemand », La Documentation française, mars. - 6 - Les programmes mis en place par des pays tels que la Corée du Sud, la Chine ou le Japon représentent des initiatives isolées en Asie. Ils uploads/Industriel/ s4-lindustriedufuturtraverslemonde-160812145818.pdf

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