Fiches détaillées Argiles 1 Michel Rautureau Maître de Conférences, Université

Fiches détaillées Argiles 1 Michel Rautureau Maître de Conférences, Université d'Orléans Le mot “argile” est si profondément ancré dans le langage courant, qu’il devient parfois imprécis. Il est nécessaire de le compléter par des connaissances minéralogiques confirmées permettant de définir les limites de ce terme. Les argiles appartiennent à la famille des silicates, et nous le verrons plus précisément des phyllosilicates. Nos connaissances minéralogiques et scientifiques des argiles sont récentes vis-à-vis de l’antériorité de leurs innombrables applications traditionnelles. On les rencontre en gisements de fortes puissances mais surtout disséminées par sédimentation, détritisme ou néoformation ; elles sont très présentes dans les sols. Leurs rôles auprès des organismes et molécules biologiques sont très importants ce qui conduit à une utilisation médicale qui prendra de l’importance. En l’absence de moyens suffisamment performants d’observation, les argiles ont d’abord été classées comme silicates ayant des dimensions inférieures à deux micromètres (définition qui subsiste encore aujourd’hui). Bien évidemment de nombreux minéraux pulvérulents répondent à ce critère et sont souvent mélangés aux argiles. On y a ajouté, pour mieux les définir, le comportement des argiles vis-à-vis de l’eau avec la possibilité de changer d’état depuis la roche dure jusqu’à une véritable suspension, en passant par les états pâteux ou visqueux. Ces caractères résultent de leurs propriétés physicochimiques, assez complexes à étudier. La structure des silicates résulte pour l’essentiel de l’affinité du silicium pour l’oxygène qui conduit à une unité structurale de type ionique ayant la forme d’un tétraèdre centrée sur le silicium ; le groupe [SiO4]4- porte quatre charges négatives. Cette entité ionique acquiert une neutralité électrique, soit par regroupement de plusieurs entités du même type, soit par association avec des ions positifs. La très grande stabilité des silicates résulte de cette entité structurale ionique [SiO4]4- tétraédrique. Cet ion composé est un des plus solides connus mais ne peut pas subsister durablement seul à l’état ionique. L’association de plusieurs unités tétraédriques [SiO4]4- conduit à la formation de silicates filiformes, annulaires, plans ou tridimensionnels ; ils sont traditionnellement classés selon des critères minéralogiques en : Inosilicates : tétraèdres associés en chaînes ou rubans. Exemples : pyroxènes, amphiboles… ; • Cyclosilicates : structure composée d’anneaux isolés avec 3, 4 ou 6 tétraèdres. Exemples : béryl, • cordiérite, dioptase, tourmaline… ; Sorosilicates : deux tétraèdres sur même un sommet formant un groupe [Si2O7]6-. Exemples : • épidotes… ; Nésosilicates (orthosilicates) : tétraèdres sans sommet commun, ils sont liés à d’autres entités • polyédriques ; les anions appartiennent aux tétraèdres. Exemples : grenats, zircon… ; Tectosilicates : tétraèdres ayant tous les sommets communs. Exemples : quartz, tridymite, cristobalite, • feldspaths, zéolites ; Phyllosilicates : trois sommets sur quatre sont en commun : on a un feuillet bidimensionnel en général • plan. Exemples : kaolinite, smectites, talc, chlorites, micas, pyrophyllite, serpentine, sont formés sur la base de cet enchainement plan de tétraèdres. Ce sont les phyllosilicates qui nous intéressent ici. Pour les argiles nous considérons les associations planes qui leur donnent naissance par combinaison d’une ou de deux couches tétraédriques avec une couche octaédrique. Cette couche est formée d’octaèdres centrés sur un cation divalent (Mg2+) ou trivalent (Al3+). D’autres cations peuvent être présents en substitution, il peuvent dans le cas de substitutions isomorphiques hétérovalentes (ions dont les charges sont différentes), créer des défauts de charge. Cette anomalie est compensée par la fixation sur la surface du feuillet “d’ions compensateurs” qui sont à l’origine de la capacité d’échange du minéral et des propriétés physicochimiques associées. Les argiles sont donc très réactives à la composition du milieu qui les contient. De nombreuses propriétés des argiles résultent de la recherche d’un état d’équilibre avec le milieu extérieur aux microcristallites, état que nous avons caractérisés d’“équilibre dynamique”. On décrit ainsi les phyllosilicates hydratés. En général dans les gisements, les différentes espèces sont mélangées avec d’autres minéraux très divisés plus ou moins compacts. On leur donne alors le nom d’argiles, assimilables à une roche. Toutefois ce sont les “minéraux argileux” qui nous intéressent. Ce groupe des phyllosilicates comporte les argiles mais aussi les micas que la tradition minéralogique sépare des argiles mais dont les structures cristallines de base sont très similaires. Construits sur les mêmes éléments structuraux et très proches des phyllosilicates stricto sensu, il existe des minéraux à pseudo-feuillets tridimensionnels (la sépiolite et la palygorskite) et à feuillets enroulés (l’halloysite et le chrysotile). En fonction des rayons ioniques, les substitutions les plus fréquentes pour les phyllosilicates sont : Si4+ par Al3+ en position tétraédrique, le rayon de Al3+ permet également l’occupation octaédriques ; • Si4+ peut aussi être remplacé par Fe3+, Ti4+ ; • Mg2+, Fe2+ et Mn2+ peuvent se substituer. • 1 Rédaction 2011 Le terme “argiles” ne reflète pas totalement la nature cristallochimique très particulière de ces minéraux. Dans les conditions normales de température et de pression les argiles contiennent de l’eau dans leurs structures ou entre les feuillets. Pour mieux les décrire, les minéralogistes ont développé le terme de “phyllosilicates hydratés” et ils ont ajouté “microcristallisés” ; qui représente beaucoup mieux la nature de ces minéraux. Toutefois, il convient de remarquer qu’il subsiste encore une ambiguïté si on ne considère que cette description sans faire appel aux caractères provenant de la genèse de ces minéraux. En effet, les micas ont des caractéristiques structurales très voisines pourtant ils ont des comportements et des applications fort différents. Il est donc nécessaire de préciser ce point. La structure cristalline des phyllosilicates résulte de l’empilement plan de couches composées de tétraèdres silicatés (parfois aluminium ou fer). Ces couches peuvent être représentées séparément, mais seul leur assemblage avec une ou deux couches d’octaèdres assure leur stabilité. Les couches d’octaèdres formées à partir d’aluminium (Al3+) ou de magnésium (Mg2+) permettent la stabilisation d’une ou de deux couches tétraédriques. Cette couche comporte des ions hydroxyles. Dans certains cas elles peuvent également trouver seules leur équilibre (cas de la couche brucitique interfoliaire des chlorites). Ces représentations montrent que ces structures en feuillet décrivent argiles et micas. C’est donc sur un autre critère qu’il convient de les distinguer. Pour y parvenir, on prend en considération la nature et la charge des ions de substitutions dont l’origine provient de la genèse des minéraux. En effet, les conditions de formation des argiles sont souvent issues de la dégradation des roches silicatés ce qui justifie de nombreux défauts de la structure cristalline. Les substitutions non isomorphiques sont compensées par des ions qui viennent se placer en positions interfoliaires. Il s’ensuit des forces d’attraction entre ces ions et les feuillets qui correspondent à des énergies faibles (argiles). Pour les micas, on les rencontre préférentiellement dans les roches métamorphiques et éruptives. Ils ont des charges plus fortes ce qui conduit à des énergies de liaison des feuillets plus fortes et à une plus grande résistance à l’élévation de température, ce qui justifie la distinction dont ils font l’objet. L’espace interfoliaire des argiles est plus accessible et permet des phénomènes de natures physicochimiques qui donnent lieu à tous les phénomènes de gonflement et d’échanges qui sont typiques des argiles (parfois de certains micas). On a l’habitude de nommer “argiles” des matériaux qui en ont le comportement (gonflement, sorption de l’eau, passage à l’état de boue et de suspension). En réalité de nombreux gisements sont constitués Silicium Oxygène Oxygène Silicium a c b Tétraèdre [SiO4] Regroupement de six tétraèdres SiO4 formant l’hexagone de base. La cavité hexagonale est représentée avec des hachures grises. Regroupement des groupes de six hexagones pour former la couche plane silicatée, à symétrie hexagonale. Vue dans la direction perpendiculaire au plan de croissance. Al ou Mg Oxygène ou OH Octaèdre [Rn+O6] Oxygène Hydroxyle R3+ ou R2+ Silicium Oxygène Al ou Mg Hydroxyle Tétraèdres Octaèdres Espace interfoliaire c Espace interfoliaire Silicium Al ou Mg Oxygène Hydroxyle Tétraèdres Octaèdres Tétraèdres c Feuillet de kaolinite (minéral argileux présent dans le kaolin, roche), formé par la réunion d’une couche tétraédrique et d’une couche octaédrique alumineuse Minéral à 3 couches TeOcTe, de type talc lorsque la couche octaédrique est magné-sienne Regroupement des octaèdres formant une couche plane (pour faciliter la représentation, seuls deux octaèdres sont représentés ici mais l’extension est plane) par des mélanges de minéraux et parmi ceux-ci les véritables argiles que les spécialistes ont pris l’habitude de nommer “minéraux argileux” pour les distinguer de la roche (c’est par exemple la distinction entre kaolin et kaolinite). En conclusion, si le terme argile peut continuer d’être employé pour la quasi-totalité des usages de type industriels, il est tout de même préférable d’employer celui de “phyllosilicates hydratés microcristallisés” qui permet une meilleure approche des applications physicochimiques. Au sein de cette famille minérale, de nombreux “minéraux argileux” existent, leur description est traitée dans les ouvrages spécialisés. Nous en donnons uniquement un aperçu dans les deux tableaux suivant issus des ouvrages La minéralogie des argiles et de Les argiles référencés ci-dessous : Bibliographie sommaire Nous donnons ici des références géologiques et minéralogiques de base qui présentent les principales informations sur les argiles et donnent l’accès à une très large bibliographie. CAILLERE S., HENIN S. et RAUTUREAU M., 1982. Minéralogie des argiles, 2 uploads/Ingenierie_Lourd/ argiles.pdf

  • 18
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager