Méthodologie de la dissertation en droit Auteur : Boris Barraud (Université d’A
Méthodologie de la dissertation en droit Auteur : Boris Barraud (Université d’Aix-Marseille) La dissertation est, au sein des facultés de droit françaises, l’un des exercices les plus anciens et les plus classiques. À travers lui, l’enseignant cherche à évaluer non les connaissances de l’étudiant mais sa capacité à comprendre, à penser et à synthétiser le droit. Surtout, parce que, en droit, la forme compte autant que le fond, l’enseignant cherche à mesurer l’acceptation et la compréhension par l’étudiant de certains canons en vigueur parmi les facultés de droit françaises, canons qui ont pour seule justification le fait qu’ils sont des canons, i.e. des usages, loin de toute légitimité scientifique. L’objectif de la dissertation est, à partir d’un sujet donné, d’isoler une problématique (non la problématique qui n’existe pas) dans une introduction et d’y répondre dans un plan et dans des développements objectifs mais aussi personnels. Cet exercice fait appel à de nombreuses qualités qu’il faut cultiver : capacité d’analyser le sujet, esprit de synthèse, capacité de communication des connaissances, habileté de présentation et d’exposition de celles-ci. Les sujets des dissertations peuvent être de toutes sortes, des plus théoriques aux plus attachés au droit positif. Mais, quel que soit le sujet, l’étudiant ne doit en aucun cas se borner à présenter l’état du droit positif, à l’instar d’un manuel. La bonne dissertation est celle qui consiste en une réflexion ou, mieux, en une démonstration. Et son rédacteur doit, notamment à travers le plan et les intitulés, exprimer une position personnelle, sans toutefois verser par trop dans les jugements de valeur ou, pis, dans les considérations politiques. Tout d’abord, il convient de prendre connaissance du sujet et, sur papier libre, de noter la définition de ses termes ainsi que toutes les idées (ou pistes d’idées) venant à l’esprit en séparant celles qui pourraient constituer des parties ou des sous-parties et celles qui pourraient seulement servir le propos au sein des sous-parties. Même si le sujet est court concernant les dissertations, il convient de le lire à plusieurs reprises et de s’assurer de la bonne compréhension de ses termes afin d’éviter le hors-sujet, lequel emporte toujours des conséquences très dommageables. Parfois, la ponctuation ou certains mots de liaison sont décisifs en ce qu’ils influencent le sens du sujet et donc la problématique et les réponses qu’il est possible d’en tirer. Une fois un premier point autour du sujet effectué, il s’agit de rechercher, en consultant manuels, ouvrages et revues juridiques, mais aussi toute source offerte par le Web (à condition que sa fiabilité soit avérée et de pouvoir ensuite la citer en note de bas de page), d’autres idées et informations, toujours en notant au brouillon les parties et sous-parties potentielles et les autres données non-exploitables en termes de plan. Une fois qu’il apparaît que les recherches autour du sujet ne peuvent plus être productives (ou du moins seulement marginalement), reste à reprendre toutes les notes du brouillon et à les ordonner sur un nouveau papier libre en séparant cette fois ce qui sera l’introduction, ce que seront le plan et les intitulés et ce que sera le propos tenu en chaque sous-partie. Éventuellement, mais non-nécessairement, quelques éléments peuvent être conservés en vue de la rédaction d’une conclusion. Il s’agit à cet instant de regrouper par affinités les idées et informations qui se complètent, qui s’opposent, également celles qui doivent finalement être exclues de la démonstration, afin de concevoir progressivement ce qui sera le plan (sans alors chercher à affiner les intitulés, ce qui est un exercice d’abord formel et intervenant en dernier lieu). Il importe de ne surtout pas s’engager trop vite dans la rédaction et dans la conception du plan. Tout cela ne vient qu’à la fin, validant le travail en quelque sorte. Le plan, notamment, est le fruit naturel des recherches et des réflexions ; il serait désastreux de vouloir ab initio concevoir un plan pour ensuite rechercher quelques éléments susceptibles de la garnir substantiellement. Deux éléments sont centraux dans la dissertation : son introduction (1) et son plan (2). Il n’est pas davantage à dire du contenu de chaque sous-partie. Simplement faut-il préciser que, systématiquement, des annonces de sous-plans (des chapeaux introductifs) doivent précéder et annoncer les A et B et des phrases de transition doivent permettre le passage de I à II et de A à B. Tant les chapeaux que les transitions permettent de renforcer et de traduire la logique du raisonnement. Quant au contenu, simplement faut-il inviter l’étudiant à ne pas se borner à exposer de manière excessivement descriptive les données et, sans néanmoins bannir toute description, à adopter également une approche critique, si ce n’est polémique à propos des éléments en cause. Rapidement esquissée, la dissertation se présente sous la forme suivante : Introduction Annonce du plan I. Intitulé de la première partie Chapeau (annonce des sous-parties) A. Intitulé de la première sous-partie Transition entre les sous-parties B. Intitulé de la seconde sous-partie Transition entre les parties II. Intitulé de la seconde partie Chapeau (annonce des sous-parties) A. Intitulé de la première sous-partie Transition entre les sous-parties B. Intitulé de la seconde sous-partie [Conclusion éventuelle] Reste que l’étudiant est entièrement libre de traiter le sujet dans le sens qu’il juge le plus pertinent, à condition néanmoins de rester dans le cadre du droit, de la science du droit, de la théorie du droit et, éventuellement, de la philosophie du droit. Ce n’est que dans le cadre juridique qu’il est autorisé d’adopter une posture critique ou même polémique. Il est également impératif de toujours citer ses sources dès lors qu’une idée ou une information n’a pas été trouvée directement par l’auteur mais est empruntée à autrui. Une dissertation sans notes de bas de page est inimaginable car nul étudiant en droit ne possède a priori un savoir et une intelligence tels qu’il puisse rédiger une dissertation sans procéder à aucune recherche, simplement en se reposant sur ses acquis. I. — L’introduction de la dissertation L’introduction de la dissertation est à rédiger avec le plus grand soin. Généralement, un écrit (dissertation, mémoire, thèse…) étant une démonstration suivant une logique particulière, sa rédaction se fait dans l’ordre des parties, en commençant par l’introduction et en terminant par la conclusion. Procéder autrement risquerait de nuire à la cohérence du propos puisque le lecteur, lui, lit le texte de la première à la dernière page et non dans le désordre. L’introduction est centrale bien que située au début de l’œuvre. Elle occupe entre un tiers et un cinquième de la totalité du devoir et est longue d’au moins une page. Introduisant la dissertation, elle a pour fonction de présenter le sujet, la problématique, ainsi que la méthode et l’angle d’approche retenus par l’auteur. Surtout, elle doit inviter le lecteur à poursuivre la lecture plus avant et, partant, s’avérer stimulante et dynamique. C’est pourquoi, surtout au moment de rédiger l’introduction, il convient de s’attacher au style, au choix des mots etc. L’introduction est le moment d’expliquer de quoi on parle (quel est le sujet), pourquoi on en parle (quel est l’intérêt du sujet) et comment on en parle (quelles sont la méthode et la problématique retenues). Contrairement à celle du commentaire d’arrêt, l’introduction de la dissertation ne doit pas comporter un nombre déterminé d’éléments bien spécifiques et s’enchaînant en suivant un ordre rigoureux. Néanmoins, toute introduction de qualité comporte normalement un chapeau introductif comportant une citation, un mot d’esprit ou bien encore une référence à quelque évènement ou phénomène extrajuridique et résumant brièvement le contenu de la démonstration. Une citation ou allusion littéraire, parfois grandiloquente ou lyrique, d’essence juridique comme non-juridique, est souvent la bienvenue, à condition qu’elle possède un lien clair avec le sujet abordé. Les expressions « passe-partout », ici comme ailleurs, ne présentent guère d’intérêt. Une référence à un évènement d’actualité récent, une donnée statistique ou une considération sociologique sera très illustrative dès lors que bien choisie. Ces éléments permettent de raccrocher le droit à la société, ce qui n’est pas inutile tant les deux sont en pratique intimement liés. Ces premières lignes peuvent prendre l’aspect d’un « entonnoir », partant de considérations générales pour aboutir au sujet à traiter. Elles doivent notamment comporter la définition précise des termes du sujet, même lorsqu’ils peuvent sembler aller de soi (le sens de « loi » va-t-il vraiment de soi ?). Surtout, l’introduction comporte une problématique et une annonce du plan explicites. Encore, l’introduction resitue le sujet (nécessairement juridique) dans son contexte, le met en perspective avec ses dimensions et implications non-juridiques (historiques, géographiques, économiques, sociales…) ou juridiques (droit comparé, histoire du droit), étant entendu que le corps de la dissertation ne porte fatalement que sur les dimensions et implications juridiques du sujet — quoiqu’une approche interdisciplinaire n’est pas entièrement proscrite, mais elle implique, le cas échéant, de précisément l’expliquer au sein, justement, de l’introduction —. L’introduction permet au lecteur de situer juridiquement et factuellement le sujet traité. Il peut arriver que les considérations historiques soient si importantes qu’elles ne doivent plus être exposées au sein de l’introduction mais au uploads/Ingenierie_Lourd/ boris-barraud-methodologie-de-la-dissertation-en-droit-pdf.pdf
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- Publié le Aoû 16, 2022
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