Guy Némoz Le textile, un matériau multifonctionnel Le textile, un matériau mult

Guy Némoz Le textile, un matériau multifonctionnel Le textile, un matériau multifonctionnel Ingénieur de l’École Supérieure de Chimie Industrielle de Lyon et Docteur ès Sciences en rhéologie des polyesters, Guy Némoz est expert, consultant en textiles à usages techniques. Présents depuis toujours dans l’habitat et plus récemment dans les ouvrages d’art, les textiles s’introduisent dans le bâtiment et la construction comme des matériaux tech- niques ; seuls ou en compo- sites (les composites sont abordés par le Chapitre d’après la conférence de P. Hamelin), ils peuvent rivaliser avec les matériaux traditionnels (bois, béton, acier) par leurs perfor- mances, leur légèreté et leur durabilité. La durabilité peut parfois être utilisée dans ses deux acceptions, à savoir la te- nue dans le temps et la compa- tibilité environnementale (par exemple la recyclabilité). Dans le domaine de l’habitat, le textile peut intervenir à dif- férents niveaux de fonctions techniques : il peut jouer un rôle mécanique, notamment en renforcement de matériaux, un rôle thermique, acoustique ou d’étanchéité, un rôle de pro- tection contre le rayonnement solaire ou électromagnétique, contre le feu, ou encore l’élec- tricité statique. N’oublions pas qu’il intervient aussi large- ment dans la décoration et le confort de la maison. Quels sont ces textiles et com- ment l’habitat les utilise-t-il en tant que matériaux multi- fonctionnels ? 1 Les textiles : produits et traitements 1.1. Des fi bres de toute nature pour les textiles Depuis que l’art du filage existe, qui consiste à former des fi ls par assemblage et tor- sion de fi bres, l’homme a très vite développé des techniques 208 La chimie et l’habitat de tissage pour confectionner des textiles pour son usage quotidien, en particulier pour se vêtir et se protéger du froid. Il a commencé par utiliser des fibres d’origine animale (laine de mouton, de lapin Angora…) ou végétale (lin, coton…) (Figure 1). Au fi l des siècles, la quenouille, le rouet et le fuseau ont laissé place au métier à fi ler, puis au XVIIIe siècle sont apparues les premières fi latures indus- trielles (Figure 2). Peu à peu, les chimistes ont complété la palette des fi bres naturelles avec des fi bres ar- tifi cielles, fabriquées à partir de matières premières natu- relles, avant d’inventer et de développer après la Seconde Guerre mondiale les fibres synthétiques, à base de poly- mères obtenus par réactions chimiques généralement à partir d’hydrocarbures issus du pétrole (voir la Figure 1). Depuis quelques années, on s’intéresse aux matières premières issues de sources renouvelables pour obtenir des matériaux bio-sourcés, qui présentent de nombreux avantages environnementaux (voir le Chapitre de D. Gronier) : un exemple est la fi bre d’acide polylactique, polymère biodé- gradable synthétisé à partir de l’amidon de maïs, et qui peut, entre autres, rempla- cer le polyéthylène pour les Figure 1 Les fi bres constitutives des textiles sont de natures chimiques très variées. Figure 2 Du rouet à la fi lature industrielle : l’art du fi lage a traversé les siècles et se renouvelle chaque fois avec de nouvelles techniques. A) Minerve utilisant un rouet, par Diego Vélasquez (Les Fileuses, La légende d’Arachné, huile sur toile, 222 × 293 cm, 1644-1648, musée du Prado, Madrid) ; B) image photochrome d’une Irlandaise fi lant au rouet. Photo 1890-1900. Library of Congress ; C) fi lature de coton. A A A A A 209 Le textile, un matériau multifonctionnel sacs plastiques. Ces fibres appartiennent à la catégorie des fi bres organiques ; il faut leur ajouter les fi bres inor- ganiques d’origine minérale comme la fibre de verre, à base de silice et d’alumine essentiellement, ou consti- tuées de métaux, céramiques ou carbone. Ces fi bres à très hautes performances sont uti- lisées principalement pour le renforcement des matériaux composites, comme nous le verrons par la suite. Nous utilisons aujourd’hui quotidiennement des textiles synthétiques, aussi bien pour les vêtements1 que pour les tissus de décoration ou d’usage intérieur (rideaux, matelas, serviettes, tapisseries…), en passant par des matériaux de construction de plus en plus élaborés, à la fois résistants et légers, avec des applica- tions techniques très diverses : tissus ignifugés, tissus d’iso- lation, géotextiles, etc. (voir aussi le Chapitre d’après la conférence de P. Hamelin). 1.2. Des fi bres aux textiles : la structuration Qu’ils soient confectionnés par la nature (ver à soie, arai- gnée…), par l’artisan ou par le chimiste (Figure 3), les fi ls peuvent être structurés entre 1. Au sujet des textiles pour vête- ments, en particulier pour le sport, voir l’ouvrage La chimie et le sport. Chapitre de F. Roland. Coordonné par Minh-Thu Dinh-Audouin, Rose Agnès Jacquesy, Danièle Olivier et Paul Rigny, EDP Sciences, 2011. Voir aussi : Némoz G. (1999). Chimie pour le textile. Habillement. Des molécules et macromolécules pour le confort et la protection de l’homme. L’Act. Chim., 225 : 56. Figure 3 Le tissage : des fi bres naturelles aux fi bres artifi cielles puis synthétiques, de l’artisan au chimiste : le métier est le même ! 210 La chimie et l’habitat eux par différentes techniques, afi n de former des surfaces ou même des volumes. 1.2.1. En deux dimensions L’entrecroisement de ces fi ls dans un même plan2 conduit à une armure, et les possibilités sont multiples : orthogona- lement, en diagonale (tissus, tresses, tricots) ou aléatoi- rement (non tissé)3 (Figure 4 et Encart : « Des fibres aux armures : l’art du tissage, des fibres naturelles aux fibres synthétiques »). De la même manière que l’on fabrique des tissus et étoffes pour l’habillement, on peut réaliser des textiles techniques à partir de fi bres synthétiques ; elles sont ob- tenues à partir de chaînes de polymères par une technique de fi lage qui consiste, après extrusion à l’état fondu et refroidissement partiel de la résine, à étirer les chaînes dans un sens privilégié, de sorte que les forces des in- teractions moléculaires puis- sent être exploitées pour la résistance thermique et/ou mécanique. Citons l’exemple des ara- mides (contraction de aroma- tique polyamide) : ces fi bres sont résistantes à la chaleur et présentent de bonnes pro- 2. En artisanat, les fi ls à tisser s’entrecroisent perpendiculaire- ment, les uns dans le sens de la chaîne, c’est-à-dire tendus entre les ensouples du métier à tisser, et les autres perpendiculairement, c’est-à-dire dans le sens de la trame. 3. Voir aussi l’ouvrage La chimie et le sport. Chapitre d’Y. Rémond et de J.-F. Caron. Coordonné par Minh- Thu Dinh-Audouin, Rose Agnès Jacquesy, Danièle Olivier et Paul Rigny, EDP Sciences, 2011. priétés mécaniques qui en font de bons composants de renfort pour des matériaux composites (voir le Chapitre d’après la conférence de P. Hamelin). On peut citer le cé- lèbre Kevlar® (Figure 6) fa- briqué pour la première fois en 1973 par la société Du- Pont de Nemours, ainsi que son concurrent Twaron®, de structure chimique identique, fabriqué par Akzo en 1978. 1.2.2. En trois dimensions Il existe également des tech- nologies qui permettent de confectionner des textiles en trois dimensions. C’est ce qu’illustre le parabeam®, qui ressemble à un matériau stra- tifi é de type nid d’abeilles (voir le Chapitre de J.-P. Viguier, Encart : « Des nids d’abeilles, solides et légers ») ; sa rigidité est obtenue par le durcisse- ment en température de la résine qui imprègne les fi bres de verre. Une autre possibilité : en- duit de résine et possédant une double paroi, le tissu de la Figure 7, fabriqué par la société Tissavel, est gonflé et fait preuve d’une rigidité remarquable qui lui permet de supporter des charges très importantes ; il sert par exemple à fabriquer des planchers, par exemple pour des bateaux gonfl ables, réa- lisés par la société Zodiac, ou encore dans de domaine de l’habitat. Il existe un autre type de tex- tile double paroi, qui possède deux couches tissées, reliées par un fi lament perpendiculai- rement aux deux plans (voir la Figure 26). Il possède la parti- cularité de laisser passer les gaz, ce qui en fait un matériau Figure 4 Différentes manières de faire des surfaces avec des fi ls pour confectionner des textiles. 211 Le textile, un matériau multifonctionnel Figure 6 Structure chimique des chaînes (A) et représentation en trois dimensions (B) du Kevlar® (ou poly(p-phénylènetéréphtalamide), première fi bre aramide industrialisée. DES FIBRES AUX ARMURES : L ’ART DU TISSAGE, DES FIBRES NATURELLES AUX FIBRES SYNTHÉTIQUES Dans la confection des textiles, selon la manière dont les fi ls s’entrecroiseront, on obtiendra une armure différente : toile, sergé ou satin (Figure 5). L’armure toile est obtenue en soulevant alternativement les fi ls pairs et les fi ls impairs de la chaîne, pour laisser passage au fi l de trame. Les tissus obtenus n’ont ni envers ni endroit. Citons les batistes, les calicots, les fl anelles, les organdis, les cretonnes, le vichy ou encore le zéphyr. Le sergé se caractérise par la présence de côtes obliques sur l’endroit et est uni sur l’envers. Il peut être à effet chaîne ou trame. Parmi les sergés, on trouve les amazones, les cheviottes, les gabardines, les pieds-de-poule, uploads/Ingenierie_Lourd/ chimie-habitat-207-pdf.pdf

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