LA MÉTROLOGIE DU pH AU LNE : ÉTAT DE L’ART ET PERSPECTIVES 13 La métrologie du
LA MÉTROLOGIE DU pH AU LNE : ÉTAT DE L’ART ET PERSPECTIVES 13 La métrologie du pH au LNE : état de l’art et perspectives Metrology of pH at LNE: state of the art and perspectives Rachel CHAMPION et Cédric RIVIER Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE), 1 rue Gaston Boissier, 75724 Paris Cedex 15, France, rachel.champion@lne.fr. Résumé Le pH étant l’un des paramètres les plus fréquemment mesurés par les laboratoires d’analyse chimique, les besoins en terme de raccordement sont considérables. Pour répondre à la demande industrielle, le LNE a décidé de développer, en 2002, un banc de référence primaire pour les mesures de pH. Ce banc, à l’origine de la chaîne de traçabilité nationale pour les mesures de pH, repose sur l’utilisation d’une cellule sans jonction, d’une électrode à hydrogène et d’une électrode de référence Ag/AgCl. Il a fait l’objet d’une validation au cours de deux comparaisons internationales et le LNE dispose désormais de Calibration and Measurements Capabilities (CMCs) pour des valeurs de pH comprises entre 4 et 10. Outre l’extension de cette gamme, les perspectives de développement concernent le transfert de nos compétences vers les industriels et les laboratoires d’analyse, notamment à travers : – la formation des utilisateurs de pH-mètres ; – l’évaluation des appareils de mesure du pH in situ ; – la vérification des étalons secondaires de pH à l’échelle européenne. MOTS CLÉS : pH, MÉTROLOGIE CHIMIQUE, CELLULE SANS JONCTION, ÉLECTROCHIMIE. Abstract Considering the growing demand of industrials and laboratories for a better traceability of pH measurements, LNE decided in 2002 to develop a primary bench for pH. This bench is based on a Harned cell, a Hydrogen electrode and a Ag/AgCl reference electrode. LNE participated in two international comparisons and Calibration and Measurements Capabilities (CMCs) were submitted and accepted for a range between 4 and 10. Future developments will concern: – the extension of the pH range ; – the training of pH-meters users ; – the evaluation of on site pH-meters ; – the verification of secondary standards at a European level. KEY WORDS: pH, CHEMICAL METROLOGY, HARNED CELL, ELECTROCHEMISTRY. 1. Introduction La mesure du pH est certainement une des mesures électrochimiques les plus répandues. On la retrouve dans un nombre considérable de secteurs. Simplement à titre d’exemple, il est possible de citer : – le domaine de la microbiologie où la valeur du pH gouverne les réactions enzymatiques et la croissance des bactéries ; – le secteur médical où des variations du pH du sang de 0,01 sont synonymes de troubles métaboliques graves ; – le secteur de l’environnement où des variations du pH de l’eau de mer de quelques millièmes permettent de détecter une pollution d’origine atmosphérique (CO2 de l’air). Le regain d’intérêt porté au pH ces dernières années, est très probablement dû au fort et récent développement de la métrologie chimique. Le pH étant un paramètre mesuré par 97 % des laboratoires d’analyse chimique, il apparaît logique que les laboratoires nationaux de 14 REVUE FRANÇAISE DE MÉTROLOGIE n° 5, Volume 2006-1 métrologie s’y intéressent et, bien que ce paramètre ait été étudié dès le début du 20e siècle, il reste de nombreux développements à effectuer. Pour preuve, l’extrait suivant d’un rapport de l’Académie des Sciences sur la chimie analytique [1], publié en 2000, souligne toute l’importance de cette mesure : « Rappelons simplement que la mesure d’un pH dans des eaux profondes […] est un défi analytique qui ne vient de commencer à trouver des solutions que très récemment. Ce pH étant la variable clé des interactions eau/roche, et de leur prédiction, il est inutile d’insister sur les enjeux associés à cette mesure. » Devant l’importance de l’information donnée par les mesures de pH, notamment lors du contrôle des procédés industriels, la fiabilité des mesures apparaît être un élément d’extrême importance. Il est donc nécessaire de bâtir en France une structure métrologique pour les mesures de pH permettant le raccordement des mesures effectuées par les laboratoires, mais aussi pour le raccordement des appareils de mesure de pH in situ. La mise en place du banc primaire de pH-métrie, 1re étape pour bâtir cette structure métrologique, s’est effectuée en 2002, avec la collaboration d’un chercheur du laboratoire national de métrologie russe (VNIIFTRI), M. Maksimov. 2. Principe des mesures primaires du pH 2.1. Définitions Le pH représente l’activité des ions H+ contenus dans une solution et est défini par [2] : ° − = − = m m a pH H H H γ log log , (1) où aH est l’activité des ions H+ ; γH est le coefficient d’activité des ions H+ ; mH est la molalité en mol·kg-1 des ions H+ ; m° est la molalité à l’état standard. L’équation (1) traduit le fait que l’on mesure des changements d’activités des ions plutôt que des changements de concentrations [3]. Cette définition montre que le concept du pH est unique parmi les quantités physico-chimiques car elle implique l’activité d’une seule espèce d’ions. Or de façon thermodynamique classique il est impossible de mesurer l’activité d’une seule espèce ionique [3] [4] [5]. Le pH ne peut, par conséquent, pas se mesurer en tant que tel. Il est défini de façon plus « pratique » en terme de méthode ou d’opération utilisées pour le mesurer. On parle alors de définition instrumentale du pH. La mesure potentiométrique du pH est la plus répandue et la plus exacte ; elle consiste à mesurer une force électromotrice (f.é.m.) entre une électrode de référence et une électrode de mesure. Une mesure potentiométrique détermine une différence de potentiel (ddp) dans des conditions de courant nul entre une électrode de mesure et une électrode de référence qui plongent dans la solution de l'échantillon. Cette différence de potentiel est reliée à l'espèce ionique à analyser par l'équation de type Nernst : ) log( . . 03 , 2 i a zF RT E E − ° = , (2) où ai est l'activité de l'espèce ionique i ; z la charge de l'ion ; R la constante des gaz parfaits ; F la constante de Faraday ; T la température en K ; E° le potentiel standard de la chaîne de mesure utilisée. Dans le cas de la mesure primaire du pH, la f.é.m. est mesurée entre une électrode d’Ag/AgCl (électrode de référence) et une électrode à hydrogène (électrode de mesure) dans une cellule sans jonction. Cette cellule ne comporte pas de séparation physique entre les deux compartiments d’électrodes, ainsi il n’y a pas de potentiel de jonction liquide pouvant perturber la mesure. La cellule sans jonction utilisée au LNE est appelée cellule de Harned ou « Harned Cell ». Fig. 1. – Cellule de Harned. La représentation électrochimique de la cellule, pour la mesure de solution tampon primaire est : Pt | H2 | Solution tampon S + Cl– | AgCl | Ag (cellule 1) Dans la cellule 1, « | » représente la barrière entre deux phases. Les ions Cl– ajoutés à la solution tampon S sont nécessaires pour le fonctionnement de l’électrode de référence. 2.2. Mise en œuvre de la mesure primaire du pH La mesure primaire du pH se décompose en quatre étapes essentielles [4] : – fabrication des électrodes de référence d’Ag/AgCl ; – détermination du potentiel standard des électrodes de référence ; – mesure de la fonction d’acidité de la solution tampon considérée ; – calcul du pH en appliquant la convention de Bates- Guggenheim. LA MÉTROLOGIE DU pH AU LNE : ÉTAT DE L’ART ET PERSPECTIVES 15 2.2.1. Fabrication des électrodes de référence Les électrodes d'Ag/AgCl ne sont pas des électrodes classiques du commerce dont le potentiel est donné au millivolt près ; Pour les mesures primaires, ces électrodes doivent avoir une stabilité de quelques microvolts [6]. Synthèse de Ag2O 2NaOH + 2AgNO3→Ag2O↓ + 2NaNO3 + H2O Vieillissement de la pâte de Ag2O 1 mois pour obtenir les cristaux de dimension nécessaire Dépôt de Ag2O sur les spirales de Pt Calcination à 450 ° C 2Ag2O → 4Ag + O2↑ Electrolyse en HCl (1M) Ag + Cl– → AgCl + e– Conditionnement des électrodes 1 mois pour stabiliser les potentiels Sélection des électrodes Mesures de E0 Fig. 2. – Processus de fabrication des électrodes d’Ag/AgCl. Une pâte d’oxyde d’argent est préparée puis vieillie pendant 1 mois pour obtenir des cristaux de taille adéquate. Cette pâte est déposée sur les spires des électrodes en platine puis calcinée à 450 °C pour réduire l’oxyde d’argent en argent. Lorsque la masse de dépôt d’argent est suffisante, une électrolyse dans une solution de HCl (1M) est effectuée pour transformer une partie de l’argent déposé en AgCl. Les électrodes d’Ag/AgCl obtenues sont mises au repos pendant un mois afin de permettre la stabilisation de leur potentiel. Après ce délai, on mesure la différence de potentiel entre chaque électrode et une électrode choisie comme point de référence dans une solution de chlorure de sodium à 0,01 mol·L-1. La valeur moyenne des potentiels mesurés est calculée. Toutes les électrodes qui ont un potentiel différent de la valeur moyenne de uploads/Ingenierie_Lourd/ metrologie-ph-lne.pdf
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