Ports du Maroc La leçon de stratégie Par Najib Cherfaoui, ingénieur des Ponts e
Ports du Maroc La leçon de stratégie Par Najib Cherfaoui, ingénieur des Ponts et Chaussées Mars 2012 Ports du Maroc : La leçon de stratégie La leçon de stratégie La leçon de stratégie La leçon de stratégie Par Najib Cherfaoui, ingénieur des Ponts et Chaussées Résumé : De 1960 à 1980, la planification portuaire est inexistante car noyée dans la lourde mouvance des programmes nationaux pluriannuels. À l’origine, il n’est pas question de politique portuaire d’ensemble, mais seulement de l’entretien des quais et des digues, ainsi le plan biennal (1958-1959), le premier plan quinquennal (1960-1964) et le premier plan triennal (1965-1967). Par contre, le plan quinquennal (1968-1972) souligne la distinction entre la planification nationale et la planification régionale, sous-entendu sectorielle : il faut y voir là l’acte de naissance de ce qui sera appelé plus tard le « Plan Directeur Portuaire National » (PDPN). Le plan quinquennal (1973-1977) tranche pour la construction des ports de Nador et de Jorf Lasfar. Enfin, le plan triennal (1978-1980) de Développement Économique et Social insiste, à nouveau, sur la problématique de la planification, et propose l’établissement d’un plan national portuaire. Donc, la première stratégie portuaire nationale remonte à 1981 : elle s’en tient d’ailleurs au commerce et à la pêche. C’est évidemment un échec, d’où le remaniement de 1991 (commerce, pêche et plaisance), l’ajustement de 1998, le réaménagement de 2001 (commerce, pêche, plaisance, croisières et réparation navale) étalé sur quinze ans ; ce qui nous conduit directement à l’actualisation amorcée en 2008 et présentée officiellement en 2012. Ainsi, depuis près d’un demi siècle, on se demande quelle est la meilleure façon d’organiser, de piloter et d’anticiper l’évolution des ports, la plus libre, la plus juste et la plus rentable. On a cru le savoir. D’aucuns soutiennent que les systèmes portuaires évoluent au rythme d’un progrès irréversible, du régime communautaire au régime libéral. D’autres affirment que l’évolution et la concurrence vont exactement en sens contraire. D’autres enfin, les plus nombreux, s’engouffrent dans le tourbillon des tendances, s’égarent dans le labyrinthe des prévisions et engloutissent les budgets. Il nous a semblé découvrir qu’il y a, derrière chacun de ces comportements qui se sont succédés et entrechoqués, comme un signal toujours présent, comme un handicap incontournable que nous résumerons ainsi : par delà l’ignorance des choses de la mer ou l’absence totale de culture portuaire, il y a fixation sur les chiffres, avec acharnement, jusqu’à l’abrutissement. Ports du Maroc : La leçon de stratégie 3 Lagouira Dakhla Boujdour Laâyoune Tarfaya Sidi Ifni Agadir Essaouira Safi El Jadida Jorf Lasfar Mohammedia-Casablanca Ksar Seghir Tanger Med (Oued R’mel) Nador Smara Marrakech Figuig Oujda Tan Tan Fès Ouarzazate Rabat-Salé Saïdia M’diq, Kabila, Restinga Al Hoceima Système portuaire du Maroc carte de situation des ports Asilah Larache Skhirat Mé d i te r r a n é e O c é a n a t l a n t i q u e Longueur des côtes : 2 934 km 512 km en Méditerranée et 2 422 km en Atlantique Saïdia-Sebta : 430 km ; Sebta-Cap Spartel : 82 km Cap Spartel-Agadir : 842 km ; Agadir-Tarfaya : 466 km Tarfaya-Dakhla : 622 km ; Dakhla-Lagouira : 492 km Kénitra Tanger Imessouane Souira Kdima Sables d’Or Jebha Chmaala Cala Iris Sidi Hsaïne Ras Kebdana figure 1 : Système portuaire du Maroc (60 km de digues ; 50 km de quais ; 1 800 ha de bassins ;1 500 ha de terre-pleins). Notre périple, dans le temps et dans l’espace, fait apparaître un socle d’infrastructures et de techniques, certes délaissées, mais toujours vivantes. Il révèle aussi une multitude d’énergies individuelles et associatives, certes inexploitées ou négligées, mais résolument engagées dans le défi du rétablissement après le traumatisme de 1960. Ports du Maroc : La leçon de stratégie La leçon de stratégie La leçon de stratégie La leçon de stratégie Par Najib Cherfaoui, Ingénieur des Ponts et Chaussées 1. Quel est le problème ? Voici le problème : À partir de 1960, en raison de l’absence totale de culture portuaire, ceux qui président aux destinées des ports du Maroc commettent une série d’erreurs à répétitions, non seulement scientifiques et techniques mais aussi de gestion. Ils engloutissent, en pure perte, des sommes colossales avec évaporation d’un savoir faire millénaire.1 Mais il y a plus préoccupant : à force de produire des erreurs, ils ont fini par s’y habituer jusqu’à l’abrutissement et à la dépendance, c'est-à-dire au point d’en faire un critère de normalité et même d’excellence. 2. Générique du problème De 1960 à 2011, le système portuaire plonge dans un profond traumatisme. Tel un rouleau compresseur, l’ignorance écrase le fabuleux héritage accumulé par le pays. Il y a d’abord, de 1962 à 1972, le démantèlement sauvage du régime des concessions, pourtant en vigueur depuis le milieu du XVIIIème siècle. Ensuite, par incompétence, des ouvrages d’une valeur inestimable tombent en ruines ou disparaissent ; ainsi le radiophare de Casablanca (1984), le téléphérique de Sidi Ifni (1973) ou bien encore la plate-forme Nord du wharf de Laâyoune (1976). Les premiers tétrapodes fabriqués au monde, pièces uniques, ayant une immense valeur scientifique, sont abandonnés dans l’indifférence générale depuis 1989. L’absence de qualification fait des ravages dans la conception des ports. Les dysfonctionnements sont multiples, répétitifs et de nature très variée : tâtonnement autour du zéro hydrographique (Port de Tanger Med), zone de mouillage non définie (Port de Safi), entrée bloquée par les rochers (port de Chmaala et port de Sables d’Or), ouverture du port placée dans la mauvaise direction (Port de Jorf Lasfar), postes rouliers mal orientés face aux vents dominants (Port de Nador), hangars avec des portes trop basses pour les élévateurs à fourche (Port de Tanger), portique MGM acheté, réceptionné et presque jamais utilisé (Port de Casablanca), terminal à conteneurs revêtu de façon inappropriée (Port d’Agadir), appontement non conforme au profil d’une tranche importante de tankers (Port de Mohammedia), cercle d’évitage dangereux (Port d’Al Hoceima), ensablement du plan d’eau abrité (Port de Tan Tan), chenal d’accès mouvant (baie de Dakhla), grues de quai inadaptées et absence de portiques d’entreposage (Terminal Est au port de Casablanca). L’analphabétisme portuaire engendre d’innombrables fautes «prévisibles», notamment de 1980 à 2011. La plus stupéfiante est commise au port d’Asilah, la plus incroyable au port de Sables d’Or (Rabat), la plus tragique au port de Martil (Tétouan), la plus médicale au port de Larache et la plus 1 Pour ceux qui ne trouvent leur repère qu’à travers les budgets, disons qu’en termes d’investissements, l’État injecte dans le secteur portuaire, de 1983 à 2000, près de treize milliards de dirhams ; soit en moyenne 700 millions par an, avec un pic de 977 millions en 1999 et un creux de 535 millions en 1993. De 2001 à 20011, je vous laisse deviner le gouffre financier creusé par les erreurs du complexe Tanger Med. Ports du Maroc : La leçon de stratégie 5 stupide au port Chmaala (2007). En 2011, l’abri de pêche de Fnideq est non utilisable à la fin des travaux à cause de l’accumulation des galets dans le bassin. Le port de Sidi Hsaïne est une véritable baignoire (2004). En raison de l’ensablement, plusieurs ports connaissent de graves difficultés d’exploitation, ainsi Laâyoune (1987), Tan Tan (1986), Sidi Ifni (1996), Boujdour (1982) puis (2011), le port d’Asilah jamais inauguré (1988), Tarfaya (1984), le nouveau port de Dakhla (2001), l’extension du port de Dakhla (2011) ou bien encore Saïdia (2002) puis 2010, pour ne citer que ceux là car la liste est longue. Les pertes sont saisissantes et considérables ; si, tout de même, on cherche à évaluer le préjudice social et le coût humain, on trouve en dollars un chiffre qui donne le vertige, avec plus de neuf zéros à droite. Dans le sillage de cette spirale d’erreurs, la mise en œuvre du port de oued R’mel (2008), composante du projet «Tanger Méditerranée», n’échappe pas à cette règle et se caractérise, à son tour, par une série d’improvisations, d’hésitations et d’erreurs tout à fait inquiétantes. 3. Quelle stratégie ? Voici la stratégie : Devant l’étendue du désastre, l’urgence est triple : identifier les fautes, modifier le comportement et rattraper le retard. Cela exige de prendre la peine de penser l’avenir, de savoir d’où il vient pour pouvoir l’améliorer. C’est concevable, car l’Histoire obéit à des lois : leur lecture permet de prédire la forme future, de cadrer les enjeux, d’anticiper les tendances et d’indiquer les pistes à suivre. Le temps est donc arrivé de réfléchir autrement à la destinée de nos ports, au-delà du contexte politique, de l’ordre social ou bien encore de l’État. 4. Quel chemin suivre ? Voici la démarche : Pour nous guider dans cette entreprise, la lumière du grand philosophe Ibnou Rochd (Averroès) s’avère décisive. Au XIIème siècle, ce Marocain - que le monde entier nous envie - expliquait qu'une théorie ne mérite qu'on s'y intéresse que dans la mesure où elle peut tout à la fois s'exprimer en quelques mots, se décrire en quelques lignes et se démontrer en plusieurs paragraphes. Le premier des trois textes uploads/Ingenierie_Lourd/ ports-du-maroc-la-lecon-de-strategie.pdf
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- Publié le Mai 21, 2021
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