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LA VOCATION DE L’ARBRE D’OR est de partager ses intérêts avec les lecteurs, son admiration pour les grands textes nourrissants du passé et celle aussi pour l’œuvre de contemporains majeurs qui seront probablement davantage appré­ ciés demain qu’aujourd’hui. La belle littérature, les outils de développement personnel, d’iden­ tité et de progrès, on les trouvera donc au catalogue de l’Arbre d’Or à des prix résolument bas pour la qualité offerte. LES DROITS DES AUTEURS Cet e-book est sous la protection de la loi fédérale suisse sur le droit d’auteur et les droits voisins (art. 2, al. 2 tit. a, lda). Il est également protégé par les traités internationaux sur la propriété industrielle. Comme un livre papier, le présent fichier et son image de couver­ ture sont sous copyright, vous ne devez en aucune façon les modifier, les utiliser ou les diffuser sans l’accord des ayant-droits. Obtenir ce fichier autrement que suite à un téléchargement après paiement sur le site est un délit. 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L’âme humaine ne connaît la pensée divine que par le moyen de symboles : la lumière d’en haut ne lui arrive que réfléchie par des intermédiaires, toujours affaiblie, souvent dénaturée par l’inertie ou l’activité propre des milieux qu’elle traverse. Aux erreurs qui peuvent résulter de l’imperfection des instruments dont se ser­ vent les dieux s’ajoutent les méprises de l’intelligence mal éclairée par une lueur douteuse et obligée de discerner, en présence des phénomènes conformes aux lois naturelles, la part de l’intention surnaturelle qui s’y ajoute. Les prodiges qui accusent nettement cette intention ne sont pas le langage ordinaire des dieux ; le plus souvent, la pensée divine se cache dans des incidents vulgaires qui peuvent s’expliquer sans elle et le devin a besoin, pour l’y découvrir, de l’analyse la plus pénétrante. Il arrive ainsi que l’on est exposé non seulement à se tromper dans le travail si compliqué de l’interprétation, mais à méconnaître la nature des phé­ nomènes observés, à prendre pour signe ce qui n’en est pas et, réciproquement, à considérer comme un fait sans valeur un signe véritable. En résumé, les inconvénients de la méthode inductive sont, d’une part, la difficulté de constater l’existence des signes, toutes les fois que ces signes ne sont pas des prodiges, et d’autre part, la difficulté non moins grande d’en dégager le sens caché sous une forme symbolique 1. On pouvait facilement concevoir des modes de révélation dans lesquels l’une de ces chances d’erreur, ou même l’une et l’autre, seraient supprimées. Pour ob­ vier aux méprises et aux incertitudes provenant de la confusion entre les signes et les phénomènes naturels, ainsi que de l’altération des signes par des instruments imparfaits, il fallait mettre l’âme directement en rapport avec les dieux, et, pour prévenir les erreurs d’interprétation, il fallait substituer au langage symbolique le langage humain. Tel fut le rôle de la divination intuitive ou subjective. Considérée dans son rôle historique, cette branche de l’art mantique est plus récente que l’autre ; mais la possibilité d’un contact direct entre l’intelligence humaine et l’intelligence divine a été acceptée de tout temps par les religions, qui reposent elles-mêmes sur une révélation première. La religion des Grecs ne fait pas exception à la règle. Les dieux d’Homère déterminent parfois, non seulement 1 Les difficultés d’interprétation encouragent déjà au scepticisme les héros d’Homère. 5 Introduction les actes extérieurs, mais les pensées et les volitions des héros. De même ceux-ci, soit par l’effet d’un don spécial, soit par l’influence mystérieuse qu’exerce sur l’âme l’approche de la mort, peuvent lire, sans le secours des signes, dans la pen­ sée divine. Ainsi, Calchas explique les motifs du courroux d’Apollon sans faire ou, ce qui revient au même, sans invoquer d’observations préalables 2 ; Hélénos « comprend dans son cœur » la conversation que tiennent à distance Apollon et Athênè 3 ; Télémos, chez les Cyclopes 4, Tirésias, dans l’Hadès 5, prophétisent par inspiration ; Théoclymène se sent tout à coup saisi par l’instinct prophétique 6 en dehors de toute interprétation symbolique, et Pénélope paraît bien avoir eu recours à un « confident des dieux » différent des devins ordinaires 7. Hélène elle- même, qui n’a jamais étudié la mantique et n’a eu jusque-là d’autre faculté spé­ ciale que celle de plaire, prend tout à coup la parole pour expliquer un prodige, « selon ce que les dieux lui suggèrent au cœur 8. » De même, Patrocle mourant découvre que le coup mortel lui vient d’Apollon 9, et, avant d’expirer, Hector prédit, avec des détails circonstanciés, le trépas de son meurtrier 10. Il n’y a plus qu’un pas à faire, à éliminer la part de coopération que l’intelligence person­ nelle du prophète apporte à la révélation intérieure, pour obtenir l’enthousiasme mantique, la « fureur ou folie divine, » qui fait vibrer, sous l’impulsion directe des êtres surnaturels, l’instrument le plus parfait dont ils puissent se servir, l’âme et le corps de l’homme, l’une recevant, l’autre traduisant au dehors, en langage hu­ main, la pensée d’en haut. Ce sera l’œuvre de ces siècles mal connus qui couvrent de leur ombre le berceau des oracles apolliniens et lèguent à l’âge historique les pythies déjà installées sur leur trépied, en face des « chresmologues, » ou prophè­ tes libres, dont les prédictions versifiées volent déjà de bouche en bouche. Mais la divination intuitive n’avait pas attendu, pour prendre possession du monde hellénique, ce progrès décisif qui la porta du premier coup à sa perfec­ tion. Elle existait déjà, à l’état d’ébauche et associée à la divination conjecturale, dès la plus haute antiquité, sous la forme d’oniromancie ou interprétation des songes. L’oniromancie ne supprime pas le langage symbolique, qu’elle interprète et commente par la méthode conjecturale, mais les signes dont elle tient compte 2 Hom. Iliad., I, 94-100. 3 Hom. Iliad., VII, 44. 4 Hom. Odyss., IX, 508. 5 Hom. Odyss., XI, 90-151. 6 Hom. Odyss., XX, 351-337. 7 Hom. Odyss., I, 415. 8 Hom. Odyss., XV, 172. 9 Hom. Iliad., XVI, 843 sqq. 10 Hom. Iliad., XXII, 358 sq. Cf. Alberti, De aegrolorum vaticiniis. Halle, 1724. 6 Introduction sont produits dans l’âme même que le sommeil livre, assouplie et docile, à l’ac­ tion des dieux 11. Le sommeil est déjà l’image de l’enthousiasme ou possession divine ; il produit les mêmes effets ; il enlève à l’âme son initiative, la direction d’elle-même, et ne lui laisse que ses facultés passives. Elle contemple alors, sans pouvoir les distin­ guer de la réalité, les images symboliques qu’une puissance supérieure fait défiler sous son regard, et son inertie même répond de la fidélité de ses perceptions. L’oniromancie, qui doit à l’intuition, et non plus à l’observation extérieure, les données sur lesquelles elle établit ses conjectures, a été classée pour cette rai­ son, dans l’antiquité, parmi les procédés de la divination naturelle ou intuitive. En réalité, elle tient le milieu entre les deux grandes méthodes mantiques, car elle participe de l’une et de l’autre et les résume toutes les deux 12. 11 Cic. Divin., I, 2. 12 Cic. Divin., II, 71. 7 Chapitre premier : Divination par les songes ou Oniromancie S’il est un mode de divination en faveur duquel on puisse invoquer le témoi­ gnage du consentement universel, c’est, à coup sûr, l’interprétation des songes ou oniromancie 13. Il n’est point de peuple et, dans l’antiquité, presque point d’individus qui n’aient cru à une révélation divine par les songes. Les Hébreux même ont accepté pour leur compte la foi générale : l’un des fils de Jacob fait fortune en Égypte pour avoir expliqué un songe du Pharaon, et l’Écriture est remplie d’apparitions et de songes prophétiques. Il est donc superflu de se demander d’où vint aux Hellènes la croyance aux songes. L’oniromancie est aussi vieille que le monde, et, s’il n’est pas sûr qu’elle doive finir, il est certain qu’elle n’a pas eu de commencement que puisse signaler l’histoire. C’est qu’elle repose sur un fait psychologique et physiologique dont une science avancée peut seule rendre raison, et que l’on expliquait commo­ dément par une cause surnaturelle. L’invincible illusion produite par le rêve, l’impuissance de la volonté, en face des images bizarres et incohérentes qui tra­ versent le champ de l’imagination, semblaient prouver avec la dernière évidence que l’homme n’est pas lui-même l’artisan de cette fantasmagorie qui, cent fois démentie par les constatations du réveil, retrouvent toujours le spectateur aussi crédule dès uploads/Litterature/ auguste-bouche-leclercq-la-science-des-reves-dans-l-x27-antiquite.pdf

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