12/5/2014 Speak White http://www.ph-ludwigsburg.de/html/2b-frnz-s-01/overmann/b
12/5/2014 Speak White http://www.ph-ludwigsburg.de/html/2b-frnz-s-01/overmann/baf4/quebec/poemes/SpeakWhite.html 1/20 Michèle Lalonde Speak white Speak white il est si beau de vous entendre parler de Paradise Lost ou du profil gracieux et anonyme qui tremble dans les sonnets de Shakespeare nous sommes un peuple inculte et bègue mais ne sommes pas sourds au génie d'une langue parlez avec l'accent de Milton et Byron et Shelley et Keats speak white et pardonnez-nous de n'avoir pour réponse que les chants rauques de nos ancêtres et le chagrin de Nelligan speak white parlez de choses et d'autres parlez-nous de la Grande Charte ou du monument à Lincoln du charme gris de la Tamise de l'eau rose du Potomac parlez-nous de vos traditions nous sommes un peuple peu brillant mais fort capable d'apprécier toute l'importance des crumpets ou du Boston Tea Party mais quand vous really speak white quand vous get down to brass tacks pour parler du gracious living et parler du standard de vie et de la Grande Société un peu plus fort alors speak white haussez vos voix de contremaîtres nous sommes un peu durs d'oreille nous vivons trop près des machines et n'entendons que notre souffle au-dessus des outils 12/5/2014 Speak White http://www.ph-ludwigsburg.de/html/2b-frnz-s-01/overmann/baf4/quebec/poemes/SpeakWhite.html 2/20 speak white and loud qu'on vous entende de Saint-Henri à Saint-Domingue oui quelle admirable langue pour embaucher donner des ordres fixer l'heure de la mort à l'ouvrage et de la pause qui rafraîchit et ravigote le dollar speak white tell us that God is a great big shot and that we're paid to trust him speak white parlez-nous production profits et pourcentages speak white c'est une langue riche pour acheter mais pour se vendre mais pour se vendre à perte d'âme mais pour se vendre ah ! speak white big deal mais pour vous dire l'éternité d'un jour de grève pour raconter une vie de peuple-concierge mais pour rentrer chez nous le soir à l'heure où le soleil s'en vient crever au-dessus des ruelles mais pour vous dire oui que le soleil se couche oui chaque jour de nos vies à l'est de vos empires rien ne vaut une langue à jurons notre parlure pas très propre tachée de cambouis et d'huile speak white soyez à l'aise dans vos mots nous sommes un peuple rancunier mais ne reprochons à personne d'avoir le monopole de la correction de langage 12/5/2014 Speak White http://www.ph-ludwigsburg.de/html/2b-frnz-s-01/overmann/baf4/quebec/poemes/SpeakWhite.html 3/20 dans la langue douce de Shakespeare avec l'accent de Longfellow parlez un français pur et atrocement blanc comme au Viêt-Nam au Congo parlez un allemand impeccable une étoile jaune entre les dents parlez russe parlez rappel à l'ordre parlez répression speak white c'est une langue universelle nous sommes nés pour la comprendre avec ses mots lacrymogènes avec ses mots matraques speak white tell us again about Freedom and Democracy nous savons que liberté est un mot noir comme la misère est nègre et comme le sang se mêle à la poussière des rues d'Alger ou de Little Rock speak white de Westminster à Washington relayez-vous speak white comme à Wall Street white comme à Watts be civilized et comprenez notre parler de circonstance quand vous nous demandez poliment how do you do et nous entendez vous répondre we're doing all right we're doing fine we are not alone nous savons que nous ne sommes pas seuls. Gaëtan DOSTIE Tribune libre de Vigile jeudi 28 février 2008 http://www.vigile.net/Celebration-du-40e-anniversaire-de 12/5/2014 Speak White http://www.ph-ludwigsburg.de/html/2b-frnz-s-01/overmann/baf4/quebec/poemes/SpeakWhite.html 4/20 Le 15 mars prochain, inaugurant « La Quinzaine de la poésie », à la Maison de la culture Ahuntsic, en présence de Michèle Lalonde et avec sa participation, sera souligné le 40e anniversaire de « Speak White ». Cet automne, la « Fondation Octobre 70 » va souligner le 40e anniversaire du premier « Chansons et poèmes de la Résistance », devenu, après Octobre 70, « Chants et poèmes de la Résistance ». ORIGINE DE « SPEAK WHITE » Lors de l’emprisonnement de Pierre Vallières et de Charles Gagnon, un « Comité d’aide » fut créé en 1968, pour la défense des deux intimés. À l’instigation de Pauline Julien et de Gaston Miron notamment, fut organisé le fameux spectacle « Chansons et poèmes de la Résistance » un certain lundi d’octobre 1968. C’est la comédienne Michèle Rossignol qui demanda à Michèle Lalonde un texte qu’elle a récité à la première du spectacle. Lors de la courte tournée qui s’ensuivit, au spectacle que j’ai organisé, avec le poète Gaston Gouin, à Sherbrooke, leur premier arrêt, Michèle Rossignol n’étant pas disponible, Michèle Lalonde monta sur scène pour la première fois. Sa lecture à la « Nuit de la poésie » le 27 mars 1970, pour les besoin du film de l’ONF, c’était que, devant l’impossibilité de filmer un spectacle politique alors, les cinéastes Jean-Claude Labrecque et Jean-Pierre Masse ont concocté ce subterfuge. Ainsi est né l’un des textes fondateurs de la poésie du pays : « Speak White », tout comme « La Nuit de la poésie » est l’événement fondateur de la poésie québécoise vivante. Texte fondateur, revendicateur, révolutionnaire, qui situe à la fois le combat des Français d’Amérique, dans la noblesse de revendiquer la justice, l’équité, le respect, le droit de vivre et de nous épanouir en français, et la liberté des peuples de disposer de leur pays. Ce texte, tout en restant, hélas, plutôt d’actualité, est aussi et surtout une ouverture sur le monde, une solidarité avec tous les opprimés de la terre. Il voit le Québec dans le concert des nations. C’est en cela qu’il fut décrié et conspué par tous les opposants à notre volonté d’indépendance et chéri par le Québec en émergence. Oui, ce texte est un geste hautement politique ! Comprenez que le Viet-Nam d’hier et le Pakistan d’aujourd’hui sont si totalement absurdes, que le poème, tout situé historiquement qu’il soit, a gardé sa totale vérité. Quarante ans et si peu de rides ! « Speak White », c’est aussi un écho, un appui tacite au livre révolutionnaire de Pierre Vallières « Nègres Blancs d’Amérique » publié à Parti Pris cette année-là et qui vient d’être saisi par la police en vue du procès qu’on veut lui intenter. DU « CRÉTINISME » SELON MICONE Quand j’ai entendu le palimpseste de Marco Micone : « Speak What », à la « Nuit de la poésie » de 1980, j’en ai ressenti toute l’horreur, le sabordage, la réduction, l’humiliation. Un texte fondateur et révolutionnaire devenait un « n’importe quoi ! ». D’une injure que des marchands arrogants nous lançaient, surtout dans l’ouest de Montréal, quand nous nous adressions à eux en français : « speak white », d’où est né le « nègre blanc », d’un « white » qui a un sens colonial même, arrivait ce non sens, cette négation de sens, une anecdote locale, ce rien : « what » ! Les anciens prisonniers politiques d’Octobre 70, dont je suis, l’ont ressenti tel un crachat au visage. D’un texte qui est un appel à la liberté, le voilà réduit à un texte « d’intégration ». Un réalité, sans 12/5/2014 Speak White http://www.ph-ludwigsburg.de/html/2b-frnz-s-01/overmann/baf4/quebec/poemes/SpeakWhite.html 5/20 doute, qui reste tellement d’actualité que les « accommodements raisonnables » nous le jettent au visage. L’intégration sera toujours difficile sinon impossible tant que, non seulement une majorité anglophone nord-américaine sera pour le moins un grand pouvoir d’attraction, mais qui plus est, qu’elle contrôlera l’immigration et ne favorisera surtout pas une intégration au Québec français. D’une solidarité universelle qu’appelle le texte de Michèle Lalonde, Marco Micone ramène ça à un problème de coloniaux qui sont ridiculement encore pris avec un problème de « White ». Si nos « White »s de service ont tôt fait de s’attaquer au texte de Michèle Lalonde, allant jusqu’à le dénigrer dans des chapitres entiers de livres, voilà qu’un nouvel arrivant le banalisait, le ridiculisait avec ce tour de passe-passe tout à fait humoristique. Quelle aubaine ! Ce « what » fit l’affaire de bien du monde : deux affiches, écrit Micone, des tonnes de publications sûrement... Ce texte n’existe qu’en référence à l’autre et il est une exploitation de la célébrité du poème de Lalonde, en le mortifiant, le réduisant, le niant. C’est ainsi que Michèle Lalonde refuse de laisser paraître son poème chaque fois qu’on fait de Micone un poète de palimpseste. Elle a rompu avec son éditeur quand il est devenu celui de Micone. Si la récente réédition de l’anthologie de Mailhot et Nepveu a dû retrancher le poème de Lalonde, c’est qu’ils introduisaient le brûlot de Micone, et si Pierre Graveline a pu le reproduire, c’est qu’on ne pouvait imaginer qu’un tel palimpseste puisse être autre chose qu’une pirouette idéologique intégrationniste et en rien un des cent « grands » poèmes du Québec. Et Lise Gauvin, dans son insupportable monographie, n’a pu reproduire le texte de Lalonde ! Que je sois pour Micone atteint de « crétinisme » (vigile.net, 22 février 2008), c’est que dans ce pays, ni Lalonde, ni Miron, ni Ferron, ni Vallières, encore moins Victor-Lévy Beaulieu, aucun militant pour l’indépendance quoi, ne sont « prophètes » uploads/Litterature/ aula-4-speak-white.pdf
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- Publié le Oct 24, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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