Rev Orthop Dento Faciale 2017;51:115-134. Canines incluses – Revue de littératu

Rev Orthop Dento Faciale 2017;51:115-134. Canines incluses – Revue de littérature D. Brézulier, O. Sorel 126 Notre revue, dès 1968, proposait une analyse bibliographique sur le sujet des canines incluses. Le nombre important de travaux sur ce sujet, ainsi que de numéros de la revue consacrés à ce thème, témoigne que le diagnostic, le choix thérapeutique et enfin la mise en place de cette dent reste un problème délicat. Nous proposons ici, si tant est que cela soit possible, une comparaison des techniques de 1968 avec celles usitées actuellement. DÉFINITION Alain Benauwt et Claude Duchâteau retiennent quatre qualificatifs pour les canines n’ayant pas fait leur éruption : dents incluses, enclavées, en désinclu- sion et dent ectopique. Une canine incluse se définit comme « une dent retenue dans l’arcade maxillaire ou mandibulaire au-delà de la date d’éruption, entourée de son sac péricoronaire et sans communication avec la cavité buccale »15. La canine retenue est immature, non présente sur l’arcade à l’âge où elle aurait dû faire son éruption. Elle deviendra une dent incluse si elle reste dans sa crypte osseuse et achève son édification apicale. La fréquence d’inclusion des canines maxil- laires oscille entre 0,8 % et 2,8 % avec une prévalence plus importante chez les femmes8,18,29. Canines incluses – Revue de littérature D. Brézulier1, O. Sorel2 1 Spécialiste Qualifié, Assistant Hospitalo-Universitaire, Université de Rennes 1 2 Spécialiste Qualifié, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier, Université de Rennes 1 Adresse de correspondance : Damien Brézulier – 2, Place Pasteur – 35000 Rennes damien.brezulier@me.com Article reçu : 08-11-2016. Accepté pour publication : 08-11-2016. HISTORIQUE Sept références sont citées par Benauwt et Duchâteau. Constatons que le principe basique du dégagement de l’os recouvrant la dent était déjà acquis en 1539 ! Les auteurs suivant (Talbot, Angle, Dunn, Tucail, Monteil) mettent en place un dispositif de traction. Ce qu’il faut analyser sont les moyens de rétention de ce dispositif à l’émail : ils sont soit scellés, ou reposent sur le scellement d’une bague. Certaines techniques nécessitent une perforation de la canine. Ces dispo- sitifs, qui pourraient être aujourd’hui qualifiés de désuètes voir iatrogènes, nous rappellent les progrès des techniques de collage en dentisterie dans la seconde moitié du XXe siècle. ÉTIO‐PATHOGÉNIE Nos auteurs distinguent les causes locales des causes générales. Elles sont toujours d’actualité, mais ont été appuyées ou précisées depuis par la littérature. Causes locales Au-delà des facteurs évoqués par les auteurs, il faut mentionner l’aspect déterminant de l’espace 10_RODF51_N1_160053.indd 126 10_RODF51_N1_160053.indd 126 12/01/2017 15:54:26 12/01/2017 15:54:26 Rev Orthop Dento Faciale 2017;51:115-134. Canines incluses – Revue de littérature D. Brézulier, O. Sorel 127 disponible pour la canine sur l’arcade et également la morphologie du maxillaire22,25,41. En effet, une endo- gnathie maxillaire conduit souvent à la rétention des canines qui, au mieux, font leur éruption en situation ectopique, au pire reste incluse. De plus, la mésia- lisation des secteurs postérieurs peut amener à un manque de place pour l’évolution des canines. Bien entendu, toutes les situations d’obstacles pour la canine définitive, peuvent mener à son inclusion : kyste, tumeur, dent surnuméraire, persistance de la dent temporaire, infection3. Notons également l’ori- gine iatrogène de l’inclusion par extraction précoce des canines temporaires. Des auteurs expliquent que l’absence de guidage dû à l’absence des incisives latérales, par perte ou agénésie, ou à une anomalie de forme ou encore de position de ces dents, conduit à un défaut de mise en place des canines6,33. Cette théorie du guidage est mise à mal par le fait que de nombreux cas d’inclusion de canines présentent des incisives latérales tout à fait normales en forme, volume et position32,35. Causes régionales, générales et systémique Elles sont aujourd’hui mieux appréhendées. Des maladies telles que l’hypothyroïdie, les dysostoses cléido-crâniennes, les amélogenèses imparfaites, la trisomie 21, l’ostéoporose, peuvent se retrouver asso- ciées à l’inclusion des canines. Le facteur génétique est actuellement étudié pour les cas d’inclusion34. SYMPTOMATOLOGIE La découverte de l’anomalie d’évolution de la canine se fait le plus souvent lors de l’examen clinique. Comme décrit par Benauwt et Duchateau, la persis- tance de la dent temporaire ou d’un diastème après son exfoliation doivent attirer notre attention. C’est la palpation qui permettra bien souvent d’évaluer la position de la canine. De plus, le signe de Quintero doit nous faire suspecter un problème d’évolution des canines. RECHERCHE RADIOLOGIQUE En 1968, trois types de clichés sont employés pour préciser la position de la canine incluse : la radiogra- phie rétro-alvéolaire, le film occlusal et le cliché de profil ou de trois quarts. De nos jours, l’orthopanto- mogramme, cliché basique du bilan dentaire, permet de mettre en évidence de nombreux cas d’inclusion de canines (fig. 1). Différents paramètres peuvent y Figure 1 : Chez cette jeune patiente de 9 ans, l’analyse du panoramique montre le risque d’inclusion des canines. Trois mesures sont prises en considération pour établir le risque d’inclusion de la dent : angle entre son axe et la ligne inter-incisive (a), distance au plan d’occlusion (h) et enfi n projection de la pointe canine sur l’incisive latérale (p). Les tableaux de Ericson, Kurol et Baccetti estiment les pourcentage d’inclusion en rapport avec ces données. 10_RODF51_N1_160053.indd 127 10_RODF51_N1_160053.indd 127 12/01/2017 15:54:26 12/01/2017 15:54:26 Rev Orthop Dento Faciale 2017;51:115-134. Canines incluses – Revue de littérature D. Brézulier, O. Sorel 128 être mesurés pour établir le risque d’inclusion des dents1,16. Il faut cependant noter que le panoramique est une coupe tomodensitométrique. Par conséquent, une dent qui serait à distance du plan de coupe (canine palatine ou symphysaire) pourrait ne pas être visible sur les clichés (fig. 2). Dans ce contexte, la précision des informations issues de ces clichés ne sont plus suffisantes dans les situations complexes. Le recours au CBCT aura donc plusieurs objectifs : au-delà de la simple évalua- tion du risque d’inclusion (indice KPG)13,14,23,24,36, il permettra d’objectiver les rapports avec les dents adjacentes (racines des incisives latérales, apex des prémolaires)17 En fonction de la complexité du traite- ment, la décision du chemin de traction le plus appro- prié et le moins risqué pour mettre en place la canine pourra se faire en toute objectivité19 (fig. 3). Figure 2 : L’orthopantomogramme est une coupe tomographique. Par conséquent, une dent qui est hors de ce plan de coupe n’est pas visible sur le cliché. Sur le panoramique ici, la canine incluse mandibulaire peut passer inaperçue. L’apport du CBCT confi rme la présence sans appel d’une canine ectopique. En outre, les rapports avec les incisives mandibulaires et les corticales peuvent être précisés38. Figure 3 : Le CBCT permet au praticien de se représenter dans l’espace la position de la canine. Cette dernière est située par rapport aux autres dents. Sur la coupe de gauche, la canine apparait à l’aplomb de la racine palatine de la prémolaire. 10_RODF51_N1_160053.indd 128 10_RODF51_N1_160053.indd 128 12/01/2017 15:54:26 12/01/2017 15:54:26 Rev Orthop Dento Faciale 2017;51:115-134. Canines incluses – Revue de littérature D. Brézulier, O. Sorel 129 INDICATION DE TRAITEMENT Il semble aujourd’hui illusoire de vouloir déterminer un âge limite pour tenter la mise en place des canines. Notons cependant que passés 20 ans, le taux d’échec des tractions augmente de façon drastique5. Traitement, étape opothérapique Il nous semble toujours d’actualité d’adresser un enfant qui paraît souffrir d’un trouble de croissance à son médecin traitant ou à l’endocrinologue. Il est clairement montré que plusieurs dérèglements endo- criniens ou encore des traitements par hormone modifient la maturation dentaire. La vision holistique du patient est nécessaire : elle permet de cerner des étiologies parfois bien éloignées de nos préoccupa- tions odonto-centrées. Traitement, étape chirurgicale Phase chirurgicale associée à l’orthodontie L’abord chirurgical de la dent incluse se fera en fonction de sa situation : palatine, vestibulaire ou mixte. Dans un premier temps nous détaillerons les techniques retenues pour les dents palatines. Deux techniques de dégagement s’opposent : les tech- niques ouvertes et les techniques fermées qui ne se distinguent pas, selon la littérature, quant aux résultats prodigués. La technique « ouverte » consiste à exposer chirur- gicalement la dent puis à placer un pansement de couverture pendant une dizaine de jours. La dent peut alors réaliser son éruption. Dès que celle-ci est suffisante, un attachement est fixé sur la couronne pour permettre le positionnement de la dent sur l’arcade26. Bien entendu, plus la canine est profon- dément enfouie, plus le recouvrant est important et fait obstacle à une traction ouverte. L’avantage principal de cette technique, réside dans l’évolution palatine de la couronne, tendant ainsi à isoler l’apex de la canine des dents adjacentes28. Il est aussi beau- coup plus facile de suivre l’évolution du déplacement coronaire quand celle-ci est visible. La seconde technique, dite « fermée » consiste en un abord chirurgical de la dent, la mise en place d’un dispositif de traction, puis le repositionnement du lambeau palatin. Cette technique requière une plani- fication du chemin de traction de la dent pour mini- miser le risque de collision avec les dents adjacentes4. Ce procédé présente l’avantage de réduire la morbi- dité par rapport à la technique ouverte. Toutefois, les inconvénients sont nombreux : difficulté de collage peropératoire, décollement, rupture uploads/Litterature/ canines-incluses-no-51.pdf

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