Développement durable et territoires Économie, géographie, politique, droit, so
Développement durable et territoires Économie, géographie, politique, droit, sociologie Lectures (2002-2010) Sylvie Brunel, 2004, Le développement durable, Paris, PUF, collection Que-sais-je? Bertrand Zuindeau Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/1231 ISSN : 1772-9971 Éditeur Association DD&T Référence électronique Bertrand Zuindeau, « Sylvie Brunel, 2004, Le développement durable, Paris, PUF, collection Que-sais- je? », Développement durable et territoires [En ligne], Lectures (2002-2010), Publications de 2004, mis en ligne le 28 janvier 2005, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/ developpementdurable/1231 Ce document a été généré automatiquement le 19 avril 2019. Développement Durable et Territoires est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International. Sylvie Brunel, 2004, Le développement durable, Paris, PUF, collection Que-sais-je? Bertrand Zuindeau Depuis de nombreuses années, la collection Que sais-je? a habitué ses lecteurs aux synthèses didactiques, aux précis, sur les sujets les plus divers. Il y avait quelque paradoxe à ce que le thème du développement durable, pourtant de plus en plus présent dans la littérature spécialisée et dans les ouvrages de vulgarisation, ne fût pas intégré au catalogue. Cette omission est désormais réparée avec le récent livre de Sylvie Brunel, sobrement intitulé Le développement durable. Sylvie Brunel, 2004, Le développement durable, Paris, PUF, collection Que-sai... Développement durable et territoires , Lectures (2002-2010) 1 1 Pourtant – disons-le d’emblée – le qualificatif de «précis» ne convient guère ici et ce nouvel ouvrage est plutôt à ranger dans la catégorie «études critiques», et prend même fréquemment des allures de pamphlet. Ce n’est pas un problème. Il y a dans l’esprit sous- jacent au développement durable, une invitation à la discussion – à «l’éthique de la discussion» pourrait-on dire en citant Habermas – à laquelle la contribution de Sylvie Brunel répond avec enthousiasme et vigueur. 2 Évidemment, et pour le moins, ce livre expose ce qu’est le développement durable et surtout insiste sur sa généalogie. La définition du rapport Brundtland est bien sûr rappelée. Les diverses étapes de la diffusion de la notion et de son appropriation institutionnelle sont, elles aussi, précisées. En revanche, un certain nombre de thèmes ou de principes, qui participent pourtant très directement de la problématique du développement durable, ne sont pas présentés. Rien sur la précaution (Pour être plus juste, reconnaissons une seule et unique petite mention p. 85…) ; rien sur le principe d’intégration ; rien sur le principe pollueur-payeur: on pourrait donner d’autres exemples… De même, il faut attendre la page 74 (sur 123 !), pour bénéficier d’un exposé sur les «principaux axes d’action du développement durable». Mais – une fois encore – précisons que l’ouvrage, loin d’apparaître comme une synthèse neutre des différentes conceptions sur le développement durable, constitue une contribution engagée – d’ailleurs pleinement assumée par l’auteur – prenant appui sur cette problématique. En l’occurrence, le livre traite du développement durable face au développement ; une formule qui, d’ailleurs, aurait apporté un titre plus fidèle à son contenu. Mais laissons l’auteur lui-même préciser, dans son introduction, le sens de son ouvrage (p. 7): «[Le livre] se donne pour but d’analyser l’origine [du] concept [de développement durable], d’expliquer les raisons de son apparition et de son succès dans les relations internationales, de tenter de définir ce qu’est le développement durable aujourd’hui. Pourquoi cette notion de développement durable est-elle apparue dans le jargon des agences d’aide au moment même où le concept de développement tout court paraissait soudain obsolète, voire pernicieux?». 3 Deux thèses principales, tout à fait complémentaires, sont en fait repérables: 4 • La première est positive: ainsi que le laisse entendre la dernière phrase de la citation, le développement durable aurait participé à la critique du développement et se serait progressivement substitué à ce dernier. 5 • La seconde thèse est davantage normative: selon l’auteur, le développement durable ne saurait se faire contre le développement. À la page 90 du livre, Sylvie Brunel enfonce ainsi le clou: «Pour que le développement soit durable, encore faut-il qu’il y ait développement». 6 La première thèse oblige l’auteur à revenir très en amont du développement durable et à traiter de l’émergence du développement lui-même. Sylvie Brunel en rappelle l’origine: les années d’après-guerre parallèlement à la mise en œuvre de la décolonisation. La nécessité d’une aide financière aux pays «sous-développés» est, pour la première fois, exprimée dans la Discours sur l’état de l’Union du président des Etats-Unis, Harry Truman, (janvier 1949). Au-delà des raisons morales, le souci américain est d’éviter un basculement des pays pauvres vers le communisme. «Le concept de développement est donc bien un produit de la guerre froide» (p. 27). Les formes successives de la conception du développement sont ensuite présentées: grands projets, approche fondée sur les «basic needs», ajustement structurel… Au seuil des années 1990, la chute du communisme va Sylvie Brunel, 2004, Le développement durable, Paris, PUF, collection Que-sai... Développement durable et territoires , Lectures (2002-2010) 2 priver l’aide au développement de son principal ressort. Le capitalisme régnant sans partage, la crainte n’existe plus de voir se tourner les pays pauvres vers un autre modèle. Conséquence patente: le montant de l’aide publique au développement, loin d’atteindre la référence de 0,7% du PIB, diminue drastiquement: de 0,33% du PIB à la fin de la guerre froide jusque 0,22% en 2002. Fait intriguant, comme le montre Sylvie Brunel: cette forte diminution de l’aide publique au développement coïncide aussi avec la montée d’analyses et de discours contestant, parfois de manière très radicale, le développement. Dans les rangs des critiques, on trouve bien placés, les mouvements écologistes et, bientôt, les adeptes du développement durable. 7 Sylvie Brunel s’emploie alors à démontrer que le développement durable, bien que fondé en théorie sur le triptyque économie – social – environnement, s’avère rapidement un «trépied déséquilibré» (p. 52). Notamment sous l’influence des ONG écologistes, le pilier environnemental s’imposerait, contribuant alors à mieux désavouer l’idéologie de la croissance économique. L’auteur fonde son propos sur la capacité à mettre au titre de priorités, des objectifs écologiques (préserver la biodiversité, veiller à la sécurité sanitaire des aliments, lutter contre la déforestation, réduire l’usage de ressources fossiles, etc.) ; «priorités légitimes, qui découlent de l’intérêt général de l’humanité, mais qui peuvent, dans certains cas, les empêcher de prendre en considération d’autres impératifs, tels que ceux du développement immédiat des pays émergents» (p. 54). On sera d’accord avec l’auteur pour dire qu’en effet, très fréquemment, les interprétations du développement durable sont de type «environnementaliste» ; que les entreprises, par exemple, lorsqu’elles mettent en avant une prétendue politique de développement durable, en restent encore, bien souvent, à la question d’une limitation de leurs effets négatifs de l’environnement, oubliant d’autres volets tels que l’équité dans l’entreprise ou la participation des salariés. 8 Nous sommes, en revanche, assez circonspect lorsque Sylvie Brunel développe la thèse, bien plus radicale, selon laquelle «la planète évince l’humanité» (chapitre IV). Elle se demande si «dans l’esprit [des] thuriféraires [du développement durable], le devenir de la planète n’est pas plus important que celui de l’humanité» (p. 68). Il est vrai, que de nombreux auteurs, et un courant entier, celui de «l’écologie profonde», accordent une primauté à la nature qui, dans leurs analyses et leurs propositions, s’accompagne fréquemment de prises de position, dont on peut craindre le penchant anti-humaniste (Ferry, 1992). En revanche, dans la conception dominante du développement durable, la défense de l’intégrité de l’environnement est toujours encadrée par l’intention première de mettre «Les êtres humains (…) au centre des préoccupations» (Principe 1er de la Déclaration de Rio). On comprend mal pourquoi cette attention privilégiée à l’environnement – cette conception environnementaliste dont on parlait à l’instant – desservirait forcément l’homme. D’ailleurs, les arguments manquent dans le livre pour fonder cette éventuelle causalité. On trouve bien rapportée une succession d’événements insistant sur la dimension écologique, mais une fois encore, on ne voit pas pourquoi ces derniers traduiraient un quelconque oubli de l’homme. En cherchant bien, il paraît n’y avoir que l’attribution du prix Nobel de la Paix à Wangari Maathai, défenseuse de la préservation de la forêt tropicale, pour servir d’argument au fait que «la communauté internationale privilégie désormais la planète à l’humanité» (p. 81). Un peu mince… De manière connexe, lorsque l’auteur s’emploie à atténuer l’acuité des préoccupations environnementales, on reste sur sa faim. Elle écrit, en effet: «Pourtant de nombreux experts relativisent l’ampleur des dégradations, montrant qu’elles sont rarement Sylvie Brunel, 2004, Le développement durable, Paris, PUF, collection Que-sai... Développement durable et territoires , Lectures (2002-2010) 3 irrémédiables et que la planète ne se porte pas aussi mal que l’énumération des seules menaces pourrait laisser à penser». De quels experts s’agit-il? De Lomborg, «l’écologiste sceptique» (2004), dont les analyses ont suscité des réactions vigoureuses, à la mesure de sa propre fougue critique? (1) Les précisions font défaut ici. Lorsqu’on voit, par ailleurs, s’accumuler les rapports les plus sérieux (2), pointant le renforcement de la plupart des problèmes environnementaux, il conviendrait de mobiliser plus de matériaux pour fonder la «thèse de la relativisation»… 9 La deuxième idée maîtresse du livre est que le développement durable doit se fonder nécessairement uploads/Litterature/ developpementdurable-1231.pdf
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- Publié le Jul 06, 2022
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