1/14 LA GRAMMAIRE GÉNÉRATIVE ET TRANSFORMATIONNELLE : BREF HISTORIQUE Introduct

1/14 LA GRAMMAIRE GÉNÉRATIVE ET TRANSFORMATIONNELLE : BREF HISTORIQUE Introduction La grammaire générative et transformationnelle a profondément marqué la linguistique dans le monde entier dans la deuxième moitié du 20e siècle. Elle reste indissolublement associée à son fondateur, Noam CHOMSKY, aujourd’hui professeur émérite au Massachussets Institute of Technology. (Pour sa bibliographie complète visitez : http://web.mit.edu/linguistics/people/faculty/chomsky/index.html) Elle est apparue à la fin des années 50 aux États-unis alors que la discipline est dominée par le structuralisme. Une des grandes nouveautés de cette conception a été de remettre en cause les théories behavioristes sur l’acquisition du langage et la méthodologie empiriste en linguistique. Cette théorie n’a cessé d’évoluer depuis ses débuts. Il est tout à fait impossible, de rendre compte, en quelques pages, du formidable foisonnement linguistique que représente un demi-siècle de grammaire générative. Nous avons ici beaucoup simplifié et omis de nombreuses choses, cherchant seulement à donner une idée de ce que ce courant proposait et a apporté. Nous distinguerons ici trois époques : - la naissance, avec Structures syntaxiques, 1957 ; - la théorie standard, avec Aspects de la théorie syntaxique, 1965 ; - les développements ultérieurs. Nous parlerons surtout des deux premières, un quart de siècle de grammaire générative et transformationnelle. Les développements ultérieurs seront seulement mentionnés : chacun d’eux, à lui seul, demanderait un long exposé approfondi. Le contexte de la parution de Structures syntaxiques en 1955-57 Au début des années 50, la linguistique américaine est optimiste et elle est structuraliste. Dans « Directions in Modern Linguistics », 1951, Haugen écrit « La linguistique aux États-unis est aujourd’hui plus florissante qu’à un quelconque moment depuis la création de la République ». Gleason, 1955, parle de « résultats définitifs obtenus par la linguistique structurale, qui, par sa méthode, peut se comparer à la physique, la mécanique quantique, les mathématiques ». Carroll, 1953, écrit : « La linguistique est la plus avancée des sciences sociales, elle peut se comparer de très près à la physique et à la chimie ». En somme, beaucoup de linguistes américains pensaient que les problèmes fondamentaux d’analyse linguistique avaient été résolus, et qu’il ne restait plus qu’à peaufiner les détails, ce qui pourrait d’ailleurs sans doute être confié aux ordinateurs : en gros, tout ce qu’il restait à faire serait d’entrer les données dans un ordinateur et en pressant sur un bouton on obtiendrait une grammaire. On parlait de traduction automatique, le spectrogramme récemment inventé allait permettre de résoudre définitivement les questions de phonologie. Quelques principes du structuralisme américain triomphant L’empirisme Il peut se définir ainsi : toute connaissance non analytique provient de l’expérience, et seulement d’elle. Tout apprentissage se fait par des généralisations inductives à partir de l’expérience fournie par nos sens. Au départ, l’enfant est une ardoise vierge, sans prédisposition particulière structurant l’acquisition du savoir. Les maîtres mots en linguistique sont donc données, observation des données, règles inférées des données. « Les seules généralisations utiles sur le langage sont les généralisations inductives. » (Bloomfield, 1933). Il faut que la relation entre le corpus et la description théorique soit directe, il n’est pas question de parler d’autre chose que de ce qu’il y a dans les données, pas question d’expliquer quoi que ce soit en faisant appel à des principes externes, par exemple des universaux. Seule est scientifique la description, les « explications » sont suspectes. « Children want explanations, and there is a child in each of us; descriptivism makes a virtue of not pampering that child. » (Joos, 1958) 2/14 Une description linguistique est donc constituée uniquement des observables et des règles ou affirmations qu’on peut extraire directement des observables par l’application de procédures mécaniques. Le but de la linguistique structurale est de découvrir, d’établir une grammaire (la description complète de la langue et de son fonctionnement) en exécutant un certain nombre d’opérations sur un corpus. Chaque opération successive s’applique sur la précédente, pour aller ainsi du corpus à la grammaire. Le point de départ est une base considérée comme objective parce que concrète, l’enregistrement physique des sons, et l’analyse se fera par niveau, dans cet ordre : phonématique, morphématique, syntaxe, discours. Ainsi, les sons constituent les phonèmes, qui constitueront les données pour l’étude des morphèmes, les morphèmes constitueront les données pour la syntaxe. La méthode structuraliste consiste donc à partir d’un corpus sur lequel on travaille par segmentation (découper en unités) et classification des unités. Les plus petites unités repérées constituent les sous-unités d’unités plus grandes, qui, ainsi repérées, sont classées et ainsi de suite. Exemple : Pour repérer les groupements de phonèmes en morphèmes dans la séquence /hizklevə/= (he’s clever), on se basera sur le nombre de phonèmes possibles après chaque segmentation envisagée : - Si on coupe après /hi/, le corpus montre que 29 phonèmes peuvent suivre ce segment (comme dans he likes, he thinks, he arrived) ; - si on coupe après /hiz/, on trouve 29 phonèmes possibles après ce segment (comme dans he’s speaking, he’s here, he’s late) ; - si on segmente après /hizklevə/, 28 phonèmes sont possibles (n’importe quelle suite après he’s clever). - Tandis que si on isole /hizkle/, alors il n’y a plus que 8 suites possibles ; si on isole /hizklev/, il n’y en a plus qu’une. On conclura donc que /hi/ constitue un morphème, que /hiz/ et / hizklevə/ sont des suites de morphèmes, tandis que /hizkle/ n’en est pas une, ni /hizklev/. Toute référence au niveau plus élevé est interdite (ce serait circulaire), en particulier toute référence au sens est interdite (ce ne serait pas objectif). La psychologie est dominée par Skinner. Le langage, comme toute forme de comportement, s’apprend par stimulus/réponse. Sous l’optimisme, il y avait quand même des fissures, parce que les principes méthodologiques très stricts ne pouvaient pas être suivis jusqu’au bout. Ainsi Bloch (1947) faisait remarquer qu’il trouvait dans le corpus quatre prononciations de have dans I have seen it /hæv/, /v/, həv/, /əv/, lesquelles n’étaient pas en distribution complémentaire ni en variation libre, et donc qu’il faudrait, pour obéir aux principes, considérer qu’il y a quatre morphèmes différents, ce qui frappait comme faux si on considère la grammaire, et donc n’était pas retenu. Tout ceci culmine avec l’ouvrage de référence du structuralisme, Methods in Structural Linguistics, 1951, de Z. Harris, dont Chomsky sera l’élève, en continuité avec lui. Là dessus, paraît le petit livre de Chomsky, Structures syntaxiques, en 1957. Un compte rendu très élogieux en est fait immédiatement par Lees dans la très influente revue Language. Lees estime que ce livre va changer la linguistique, Voegelin parle de révolution de Copernic, Bazell dit que « la linguistique ne sera plus jamais la même après ce livre ». C’est le début de la révolution chomskyenne, qui durera environ 15 ans : à partir de 1970-72, la théorie monolithique se divise en multiples courants et théories alternatives, mais le formidable élan que Chomsky a donné à la linguistique américaine est acquis. Entre 1957 et 1971, le nombre des membres de la LSA (Linguistic Society of America) est multiplié par quatre. Entre 1963 et 1972, le nombre des départements de linguistique dans les universités américaines est multiplié par quatre. En 1957, le pourcentage des doctorats en linguistique par rapport à tous les doctorats soutenus dans les universités américaines est de 0,18% ; six ans plus tard, ce pourcentage a triplé. Et en Europe, gros impact aussi, avec un décalage. L’Europe aussi est essentiellement structuraliste jusqu’en 1965-66, puis on a l’arrivée de la GGT, les traductions, le livre de N. Ruwet, les écrits de J. Dubois, ceux de M. Gross, ce qui a le même effet qu’aux États-unis : énorme expansion de la linguistique, création de départements de linguistique, inscription de 3/14 la linguistique dans les départements de langues vivantes, création d’une option linguistique dans certaines agrégations de langues vivantes. 1. La naissance, Structures syntaxiques, 1957 Remarque Ce livre n’est pas du tout l’aboutissement d’une longue réflexion chez un linguiste chevronné : Chomsky a 27 ans quand il écrit la première version de Syntactic structures. Il était entré à l’université avec un autre sujet d’étude, la politique au Moyen-Orient. Son père est un philologue hébreu renommé. Ses parents, qui ne souhaitent pas le voir partir dans un kibboutz, lui présentent Zelig Harris, qui lui suggère d’écrire une grammaire de l’hébreu, ce qu’il fait en 1949-51 (il a 21 ans). Il se rend compte peu à peu que les procédures structuralistes ne lui permettent pas de travailler de manière satisfaisante. En 1955, il écrit un pavé de 900 pages, La structure logique de la théorie linguistique, qui n’intéresse absolument personne : le manuscrit lui est renvoyé par retour du courrier. Au département de langues du MIT, il est chargé de cours divers (français et allemand scientifiques), dont une introduction à la linguistique. Il rédige ses notes en un cours d’introduction, que Halle l’encourage à envoyer à un éditeur. Publication immédiate, succès immédiat : dès 1958, Chomsky apparaît comme une figure de proue de la linguistique. Ce petit livre d’une centaine de pages est divisé en huit chapitres, dont les uploads/Litterature/ grammairegenerative-pdf.pdf

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