Article Reference Un regard critique sur les concepts de médiatisation et média
Article Reference Un regard critique sur les concepts de médiatisation et médiation : nouvelles pratiques, nouvelle modélisation PERAYA, Daniel PERAYA, Daniel. Un regard critique sur les concepts de médiatisation et médiation : nouvelles pratiques, nouvelle modélisation. Les Enjeux de l'information et de la communication, 2008, Suppl. 2008 Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17665 Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. Un regard critique sur les concepts de mÉdiatisation et mÉdiation. Nouvelles pratiques, nouvelle modÉlisation Article inédit. Mise en ligne : 13 février 2009. Daniel Peraya Daniel Peraya est Professeur en Sciences de la Communication au TECFA, l'Unité des technologies éducatives de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l'éducation de l'Université de Genève. Il y enseigne depuis 1986 après avoir dirigé le Centre audiovisuel pédagogique de l'École normale supérieure de l'Université de Dakar (1975-1985). Ses recherches et ses enseignements portent sur la communication éducative médiatisée, plus particulièrement dans le cadre des systèmes de formation entièrement ou partiellement à distance aux niveaux supérieur et universitaire. Il a coordonné la participation de TECFA à de nombreux projets européens dans le domaine de la formation à distance. En guise d’introduction Notre réflexion comme notre démarche s’inscrivent dans une interdiscipline (Meunier, 1995) à la croisée des sciences de la communication (sémiopragmatique et sémiocognitive) et des sciences de l’éducation (technologie de l’éducation, pédagogie universitaire), mais aussi, notamment, de la psychologie cognitive, de l’informatique, etc. Notre ancrage institutionnel (école normale primaire, ENS, faculté de psychologie et des sciences de l’éducation) n’est pas sans effet sur notre orientation, nos centres d’intérêts et nos objets de recherche. Enfin nos terrains d’observation et de développement : ils apparaissent tous liés à la communication pédagogique médiatisée, aux pratiques éducatives médiatisées ou instrumentées, plus spécifiquement la formation à entièrement ou partiellement à distance. Les concepts de médiatisation et de médiation sont essentiels pour tout chercheur qui s’intéresse à la communication médiatique ou médiatisée par ordinateur (CMO, CMC selon la terminologie anglophone), à la médiation des savoirs (terme classique dans le champ des sciences de la communication ou Infocom) ou plus généralement à l’instrumentation de la communication humaine quelle qu’en soit le domaine ou l’activité (éducation, presse, vulgarisation scientifique, etc.). Nous aimerions dans cette courte intervention contribuer à clarifier ces concepts, à définir leur domaine de validation respectif et enfin, montrer à partir de quelques exemples concrets en quoi l’évolution des dispositifs médiatiques pour l’éducation a profondément complexifié les processus tant de médiatisation que de médiation. Cette contribution ne constitue pas une présentation originale. Il s’agit pour nous de retracer l’évolution de ces concepts et surtout la manière dont notre propre cadre théorique et méthodologique a évolué. Ce texte est donc le produit d’un montage, au sens cinématographique du terme, de publications antérieures (Peraya, 1995 ; 1998 ; 2006 ; Charlier, Deschryver et Peraya, 2006 ; Peraya et Campion, 2008). Quelques prémices indispensables Communiquer : contenu et relation Communiquer ne consiste pas seulement à transmettre un message, un contenu : communiquer constitue fondamentalement un acte social. Tout acte de communication s'inscrit en effet dans une interaction sociale, qui elle même prend place dans un système plus vaste de rapports sociaux. Système que nous définirons comme un lieu d'interaction sociale soit «une zone de coopération» dans laquelle se déroule l'activité humaine spécifique à laquelle s'articule l'activité langagière; il s'agit donc d'un concept très général, couvrant notamment "les différents types d'institutions et d'appareils idéologiques de la société, mais aussi d'autres zones d'exercice des pratiques quotidiennes." (Bronckart, 1985, p. 33). Plus profondément encore, "issue de la relation sociale, la communication forme, maintient ou transforme la relation" (Meunier et Peraya, 1993, p. 201). Tout acte de communication doit donc se décomposer en deux aspects distincts: l'un relatif au contenu et l'autre à la relation entre les interlocuteurs. La communication instrumentée : technologie intellectuelle, outil cognitif et registre sémiocogntif Il n’est aucune action, aucune conduite humaine qui échappe au processus d’instrumentation à travers la médiation d’artefacts techniques. Leroy Gourhan, argumente longuement sur le rôle de l’outil et de la technicité dont il démontre, sur la base d’analyses anatomiques et des données de l’anthropologie physique - notamment l’analyse des crânes et de l’évolution reconstituée du cortex - qu’elle est " un phénomène précoce chez les Anthropiens et qu’elle a un caractère unique dans toute la famille " (1964, p. 123). Mais en mettant à l’avant- plan l’importance de l’outil et de la médiation technique, l’auteur fonde l’une des caractéristiques propres des premiers hommes sur un critère dont la validité est empruntée à un domaine extérieur à celui de la biologie anatomique, là "où la sociologie prend le relais de la zoologie" (op. cit., p. 129) inaugurant ainsi un important changement de paradigme. L’outil, comme "exsudé" de la main de l’homme dira Leroy Gourhan, est donc une extension : il prolonge la main, augmentant de ce fait les capacités de l’homme. Plus proches de nous, les dispositifs informatiques procèdent de la même logique de "médiation" technologique. Douglas Engelbart ne déclarait-il pas, à propos de la souris qu’il inventa en 1968 alors qu’il travaillait au Standford Research Institute, vouloir doter la main de l’homme d’un prolongement qui, du même coup, augmente l’intelligence humaine ? Au-delà des rapports complexes entre l’objet, l’action et l’usager - le cœur du processus de genèse instrumentale -qui ont fait l’objet de nombreuses recherches (notamment Simondon, 1958/1989 ; Perriault, 1989 ; Rabardel, 1995), ce qui nous intéressera ici c’est le statut de l’artefact et de l’objet technique. Quel que soit le cadre théorique de référence — la théorie de l’action développée par les chercheurs soviétiques du début du 20e siècle, notamment Leontiev et Vygotsky, ou encore les courants plus récents de la psychologie cognitive —, il s’agit toujours d’un "outil cognitif", ou selon l’expression de Lévy d'une "technologie intellectuelle" (1987). En d’autres termes, ce sont donc des extensions qui sont vécues comme faisant partie intégrante du corps ou du système cognitif même si durant la phase d'appropriation et d'apprentissage, l’outil appartient au monde extérieur. Afin de contrôler et de transformer son environnement, l’homme effectue des actions qui s’avèreraient impossibles ou plus difficilement réalisables sans la médiation de l’artefact. Mais en revanche, ce dernier détermine et modèle les actions qu'il médiatise et instrumente. Deux remarques sont indispensables : au-delà des artefacts matériels, il existe des outils cognitifs symboliques dont le langage verbal paraît le meilleur exemple. Dès lors, tout média, tout dispositif médiatique, doit être considéré comme un outil cognitif dans sa double dimension et matérielle et symbolique. C’est en effet un artefact technologique qui produit des représentations matérielles, que la sémiotique désigne par des langages, des systèmes de signe ou, dans une perspective plus cognitiviste, des systèmes de représentations. Sans entrer dans le détail de l’argumentation, nous adoptons comme hypothèse de travail l’existence d’un effet réciproque entre les systèmes symboliqus/sémiotiques - des représentations matérielles - et les représentations cognitives. Nous n’entrerons pas sur la discussion relative à l’opposition entre représentations externes et internes à propos de laquelle Duval (1995 ; 1999) nous semble avoir pris une position pertinente et sans doute la plus fertile pour la recherche. Nous adopterons enfin le terme de registre de représentation ou registre sémiocognitif proposé par cet auteur pour désigner les différents langages ou formats de représentations utilisés respectivement par les sémiologues et les psychologues. Une relecture critique des concepts de médiatisation et médiation Le développement du concept de communication médiatisée est contemporain des premières analyses communicationnelles des médias – principalement la télévision, la presse écrite et la publicité –, mais aussi de leur utilisation en milieu scolaire (Meunier et Peraya, 1993 et 2004, voir Section 4). Il s’agissait d’une part d’analyser et d’autre part de produire des messages à vocation éducative, voire des contenus strictement didactiques "véhiculés" par des médias. Cette dénomination se comprend mieux dès lors que l’on rappelle la référence explicite aux médias, entendus au sens ordinaire de moyens de communication de masse. Mais cette référence en appelle immédiatement une autre : le médium, cet intermédiaire obligé qui rend la communication entre les interlocuteurs possible. Il s'agit toujours de documents imprimés ou électroniques, d'images et de textes, des pages écran ou de pages Web, de séquences télévisuelles ou filmiques, etc. donc, de représentations matérielles produites et affichées à travers des artefacts, des outils sémiocognitifs qui supposent un processus de médiation. Chacun de ces deux ancrages – les médias et le médium –, a déterminé la terminologie tout en entretenant un usage longtemps hésitant, voire ambigu, des concepts de référence. La référence aux médias s’est cristallisée principalement dans le domaine de l'analyse des médias éducatifs mais aussi de l'ingénierie : la médiatisation est alors entendue au sens de mise en forme propre à un média. On médiatise un contenu, on l’exprime dans le langage caractéristique d’un média donné. L'expression communication médiatisée désigne alors à la fois le domaine des médias éducatifs mais aussi les produits éducatifs résultant de cette opération de médiatisation, de ce processus de fabrication incluant les aspects tant conceptuels que technologiques. C'est à cette acception des médias éducatifs que se réfère encore Perriault lorsqu’il uploads/Management/ unige-17665-attachment01.pdf
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- Publié le Jan 21, 2021
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