Traductions 251  LAPHÉNOMENOLOGIECOMMETHÉORIE TRANSCENDANTALEDEL’HISTO

Traductions 251  LAPHÉNOMENOLOGIECOMMETHÉORIE TRANSCENDANTALEDEL’HISTOIRE1 LudwigLandgrebe Le titre de cet exposé énonce la thèse que nous allons tâcher de justifier: Si la phénoménologie doit être une philosophie transcen dantale,elleestalors,penséejusqu’àsondernierterme,unethéorie transcendantaledel’histoire.Cettethèselaisseraensuspens–entre parenthèses,pourraitondire–laquestiondesavoirsilaphénomé nologie doit nécessairement être une théorie transcendantale. On le sait,cettequestionaétédébattueparmilesélèvesdeHusserldèsla parution des Ideen et ce qu’il est convenu d’appeler le «tournant transcendantal»accompliparcetouvrage.Vidercettequerelleimpli queraitcependantdeclarifieraupréalablelasignificationduterme «transcendantal» chez Husserl, et cela à partir de son œuvre elle même. On ne peut se borner à lui attribuer la signification que la philosophie lui accordait avant Husserl. Ainsi, si notre propos se réfèrebienévidemmentàHusserl,ilnepourraêtreconsidérécomme unecontributionàl’exégèsehusserliennequesouscetteréserve.Les interprétationssontinnombrables,entrelesquellesrègnelepluscom pletdésaccord.Onapresquelesentimentqueleurdifférencerepose surlespassagesetcitationsdestextesdeHusserl,euxmêmesconsti tuésdestratesmultiples,[18]qu’ellesconvoquentàleurappui.Cette querelle met en jeu quasiment tous les concepts opératoires fonda mentaux de Husserl, dont aucun n’a pu démontrer son univocité. Néanmoins, la plupart des recherches récentes sur la phénoméno  1Conférence inaugurale des Internationale phänomenologische Studientage [Journées internationales d’étudesphénoménologiques],Berlin,2327mai1974.TexteoriginalparudanslesPhänomenologische Forschungen,vol.3(«PhänomenologieundPraxis»),1976,p.1747.Nousremercionsleséditions FelixMeinerpourleuraimableautorisationdepublierunetraductionfrançaisedecetexte. L’histoire 252 logiehusserlienneontunpointcommun,celuidepartirdel’œuvre tardiveetdesmanuscritsdeladernièrepériode,pourcomprendreles travauxantérieurscommeautantd’étapesconduisantàcesdernières vues. Pour autant, elles ne se soumettent pas par là à une idée en vogue selon laquelle seule l’œuvre tardive d’un penseur énoncerait sesidéesdécisivesetultimes,àlalumièredesquellestouslestravaux antérieursnedevraientdèslorsêtreenvisagésquecommeprépara toires.Bienplutôt,untelprincipeméthodiqueajustementdémontré icisaféconditéenpermettantdemontrerqueledéveloppementdela penséehusserlienneneconnaîtaucunerupture,maiscorrespondau contraire à une intention directrice présente dès le commencement, intentionquidevaittoutefoissedéployerprogressivementpourclari fier ce qu’elle visait initialement. Une telle situation correspond du reste entièrement à la conception husserlienne de l’intentionnalité et du rapport entre intention et remplissement comme passage de l’obscuritéàlaclarté.Ainsi,ladémarcheconsistantàpartirdu«der nier»Husserlpourargumentercontrelepremier,démarchequiaété celle de toutes les recherches récentes un tant soit peu fécondes, a prouvé sa légitimité par les succès dont elle a été couronnée. C’est pourquoitouteconfrontationavecleprojethusserliendephilosophie transcendantalequi,demanièreprécipitée,entreprendraitd’évaluer celuiciàpartird’objectifsliésàd’autresperspectivesphilosophiques, est nécessairement vouée à l’échec. Il faut au contraire commencer parpensersapropreposition,avectouteslespossibilitésdontelleest grosse,jusqu’àsonterme;aprèsquoiseulementildevientpossible de discerner [19] où se situent éventuellement les limites d’une ré flexionphilosophicotranscendantaleetoùilestnécessairededépas sercellescienempruntantuneautredémarche. S’ildevaits’avérerquelesréflexionstardivesdeHusserlcontien nentellesmêmesl’indicationdeceslimites,saphilosophiepourrait alorslégitimementprétendreautitrede«philosophietranscendan tale»: «transcendantal» au sens d’un mode et d’une voie de con naissancequirendentpossibledefixersoimêmesespropreslimites demanièrecritique.Ceconceptde«transcendantal»correspondrait également aux explications données dans un manuscrit manifeste mentrédigéaprèslaKrisis,etquijetteunregardrétrospectifsurcette œuvre, notamment sur le paragraphe sur Galilée. Husserl y évo quecertainesdifficultéssensiblesdel’œuvre,enl’occurrencelefait qu’«auseind’unteldéveloppementhistorique,unnouveaustylede questionnementphilosophiqueetunenouvelleméthodephilosophi quesefontprogressivementjour».Sonsensgénéralimplique«l’en trelacementdelarecherchehistoriqueetdelarecherchesystématique Traductions 253 motivée par cette dernière, entrelacement d’emblée mis en œuvre dans la réflexivité particulière dans laquelle seule peut se mouvoir l’autoréflexionduphilosophe,entantqueceluicisetrouvedansune situation où il ne peut présupposer aucune philosophie donnée, qu’ellesoitounonlasienne»2. Formellement, l’acception husserlienne du terme «transcendan tal» partage donc avec son acception kantienne le sens de «criti que»:critiquedurecoursàdesconceptsreçus,questionduquidjuris deleurusageentantquemoyensd’expliciternotreexpérience.Ence sens,«transcendantal»nesignifieriend’autrequel’oppositionabsolue à toute forme de [20] dogmatisme: non seulement opposition au dogmatisme de la métaphysique que Kant a pris pour cible, mais égalementcritiquedesimplicationsmétaphysiquescachéesdansles positions antimétaphysiques modernes; en termes généraux, donc, critiquedel’usageincontrôlédetouslesconceptsphilosophiquesreçusau moyen desquels on entend produire une compréhension de notre monde et in fine une explication globale du monde. En ce sens, la philosophietranscendantaleesttoutàlafoisunecritiquedel’usage linguistiqueet–danslamesureoùellesedéploiecommeunecon frontation avec des théories métaphysiques et antimétaphysiques – ellemême une théorie. Cependant, dans la mesure où les tentatives d’explicationdumondeonttoujoursété,enleursensoriginel,davan tage que de «simples» théories, dans la mesure où elles ont aussi tentédecomprendrelemondepourytrouverunjustecheminpour lavie,ellesonttoujourseupourcorollairesdesprincipespratiques de l’action. Pour cette raison, la critique transcendantale de ces théoriesesttoujoursenmêmetempscritiquedesprincipesd’action qui en découlent. Une telle articulation se donne à voir dès l’éla boration originelle du concept de theôria chez Aristote, et Husserl luimême a finalement compris sa phénoménologie transcendantale commeune«critiquedelavie». Cela devrait suffire pour une compréhension provisoire du concept de «transcendantal» et du sens de la phénoménologie commethéorietranscendantale.Parlà,nousn’avonsencoreriendit surl’histoirecommethèmedecettethéorietranscendantale.Onsait que le terme «histoire» a au moins deux significations: on peut y entendre aussi bien la res gestae que l’historia rerum gestarum, la science de l’histoire. Or, avec la thèse avancée plus haut, nous  2Cf. E. Husserl, Die Krisis der europäischen Wissenschaften und die transzendentale Phänomenologie, Hua VI, W. Biemel (éd.), La Haye, Martinus Nijhoff, 1976, p.363364 [La crise des sciences européennesetlaphénoménologietranscendantale,trad.G.Granel,Paris,Gallimard,1976,p.401402]. L’histoire 254 n’entendons pas soutenir que la phénoménologie transcendantale [21]doiveêtreexaminéeicidanslamesureseulementoùelleestune théoriedelaconnaissancehistorique,oumêmequ’elleseréduiseen généralàunetellethéorie,c’estàdireunethéoriedecequ’onapu appeler les «sciences de l’esprit». En effet, lorsqu’on envisage une telle théorie comme une tâche philosophique, on désigne par là un degréderéflexionsubordonnéàlaréflexionphilosophicotranscen dantale, devant d’abord être fondé par elle. La phénoménologie transcendantaleaaffaireaupremierchefàlaquestion«qu’estceque l’histoire?», c’estàdire à la question des conditions transcendan tales de la possibilité de quelque chose comme l’histoire, laquelle peut ensuite devenir objet d’investigation scientifique. C’est en ce sensqueHusserlainterrogél’«aprioridel’histoire».Mais,comme nousleverrons,cetapriorirevêtuneformetoutàfaitsingulière. Une considération relevant de la philosophie transcendantale ne peutdoncpasellemêmeadmettrepurementetsimplementcomme quelquechosededonnélesdivisionsdedomainesentrelesdiverses sciencesparticulières.Cesdivisionssonteneffetnéesprincipalement desnécessitéspratiquespropresàcesconnaissancesetsontaujour d’huilargementmisesencause.C’estpourquoinousnepouvonspas nonplusnousfondersurleprojetd’ontologiesrégionalesexposépar Husserl dans les Ideen II qui servit encore de point de référence à Heidegger dans Sein und Zeit. Ce projet se contentait en effet lui même d’adopter comme quelque chose de donné les divisions de domainesalorsadmisesentrelessciences.Ilestissud’uneconsidé ration statique. Or c’est seulement en tant que phénoménologie génétique que la phénoménologie transcendantale a atteint son con cept pleinement développé – ce qui n’a pas besoin d’autre justi ficationici3.Laphénoménologieentantquethéorietranscendantale del’histoire[22]nepeutdoncêtrequelaphénoménologiegénétique. Nousverronsque,silesrésultatsdecettedernièreontévidemment aussiunesignificationpourlathéoriedelaconnaissancescientifique, letermed’«histoire»recouvrecependantdavantagequelanotionde resgestae.Lesensenlequelilestquestiond’histoiredansnotrethèse doitdoncd’abordêtrelaisséensuspens. Une théorie transcendantale de l’histoire présuppose également une théorie satisfaisante de l’intersubjectivité. Celleci ne peut elle même être pleinement développée que sous la forme d’une théorie  3Cf.A.Aguirre,GenetischePhänomenologieundReduktion.ZurLetztbegründungderWissenschaft ausderradikalenSkepsisimDenkenE.Husserls,Phaenomenologica38,LaHaye,MartinusNijhoff, 1970,p.153sq. Traductions 255 génétique. Il a toutefois été montré que la théorie husserlienne de l’intersubjectivitéexposéedanslacinquièmeMéditationCartésiennea échouéprécisémentdufaitqueHusserltentedeladéveloppersous une forme statique4. Même les tentatives plus tardives de Husserl, aujourd’huipubliéesdanslevolumeXVdesHusserliana, neluiont pas permis de parvenir à bon port. Certaines de ces contributions contiennenttoutefoisl’indicationdelamanièredontunetellelacune peutêtrecomblée.Ilnousfaudrarevenirsurcepoint. Aprèscesremarquesintroductives,nousabordonslajustification denotrethèsequi,demanièreunpeupluscomplète,peuts’énoncer dorénavantainsi:laphénoménologietranscendantalegénétiqueestentant quetelleunethéorietranscendantaledel’histoire.Nousnousrattacherons ici à deux pensées de Husserl, qui au premier abord pourraient sembler incompatibles entre elles. La première concerne la caracté risation de l’«ego» dont les effectuations constitutives du monde forment le thème de la phénoménologie. La réduction phénoméno logiquereconduitàlacertitudeapodictiquequeceJeadeluimême. Danscetteréflexion,leJeestimmédiatementprésentàluimême.Il est, dans cette présence à soi, apodictiquement certain de ses fonc tionsconstitutives[23]etpeut,dansunevariationeidétique,recon naître ces fonctions comme appartenant nécessairement à tout Je pensableengénéral.Depuisledébut,Husserlacertestoujourssou ligné qu’une telle réflexion était accomplie par un Je existant facti cement;mais,conformémentàlathéoriedel’essencedéveloppéedès lesIdeen,unfaitsingulierestcontingentauregarddesonessence.À partir de 1931, cependant, dans des manuscrits pour partie encore inédits, cette thèse se voit inversée: «L’eidos Je transcendantal est impensablesansunJetranscendantalcommefactice»5.Eneffet:  «moi» qui modifie en pensée, moi qui me libère de l’effectivité factice,jesuisapodictiquementleJedel’effectivitéfactice,etjesuis, enparticulierentantqueJepensantetvoyanteidétiquement,leJede capacitésquej’aiacquisesfacticement.Lespossibilitésimaginairesen tantquevariantesdel’eidosneflottentpaslibrementenl’air,mais ellessontconstitutivementrapportéesàmoimêmedansmonfactum, avecmonprésentvivantqueje«vis»facticement6.  4K.Held,«DasProblemderIntersubjektivitätunddieIdeeeinerphänomenologischenTrans zendentalphilosophie», in Perspektiven transzendentalphänomenologischer Forschung (für Ludwig Landgrebe zum 70. Geburtstag), U. Claesges et K. Held (éd.), Phaenomenologica 49, La Haye, MartinusNijhoff,1927,p.360. 5E.Husserl,ZurPhänomenologiederIntersubjektivität.TexteausdemNachlass.DritterTeil:1929 1935,HuaXV,I.Kern(éd.),LaHaye,MartinusNijhoff,1973,Nr.22,p.385. 6Ms.KIII12,p.34sq.[VoiràprésentE.Husserl,DieKrisisdereuropäischenWissenschaftenunddie transzendentalePhänomenologie.Ergänzungsband.TexteausdemNachlass19341937,HuaXXIX,R.N. L’histoire 256 Par conséquent: «La structure apodictique de l’effectivité trans cendantalen’estpas,envertudecepouvoirdemodifierenpensée, unestructurequiseraitcontingente–unfaitcontingentquiauraitun cadre d’essence contenant d’autres possibilités qui “auraient tout aussi bien pu exister”»7. De sorte que ce Je que je suis moimême doiveêtredésignécommeunfactumabsolu:  Jesuislefactumoriginairedanscettedémarchedequestionnementà rebours[…]l’absoluquiaenluimêmesonfondementet,dansson êtresansfondement,sanécessitéabsolueentantquela«substance absolue» une. Sa nécessité n’est pas une nécessité d’essence qui laisseraitouvertquelquechosedecontingent.Touteslesnécessités d’essencesontbienplutôtdesmoments[24]desonfactum[…]ses manièresdesecomprendreoudepouvoirsecomprendreluimême8.  «L’absoluquenousdévoilonsestun“fait”absolu»9. Ces thèses rendent au premier abord un son étrange. Ne trans gressentelles pas les limites d’une philosophie transcendantale en passantàunemétaphysiquedel’absoluquineseraitpassansrap peler la «philosophie positive» de Schelling? Une telle interpré tation fut déjà récusée en son temps par Eugen Fink10. Celuici eut connaissance de ces pensées dès l’époque de leur apparition (en 1931), époque à laquelle Husserl travaillait au projet, finalement abandonné,derévisiondutexteallemanddesMéditationscartésiennes. Selon Fink, il ne s’agirait pas ici d’un passage à une métaphysique spéculative, mais bien plutôt de «concepts dus à l’embarras de situations philosophiques limites» qui se présentent dans l’effort inlassablede«prendresurlefait»,pourainsidire,dansuneanalyse réflexive, l’«effectuation de la vie de la conscience transcendan tale»11.Sitelestlecas,celavientalorsconfirmerlalégitimitédela prétentiondelaphénoménologieautitrede«transcendantal».Par là, la phénoménologie aurait démontré qu’elle est en mesure de se rendreàellemêmeévidentessespropreslimitesdemanièrecritique. Pourparveniriciàlaclarté,nousallonsconfrontercettethèsesur l’absoluitédel’egoavecunesecondethèse,relativeàl’histoire,quise   Smid(éd.),Dordrecht/Boston/Londres,Kluwer,1993,Nr.8,p.85;«Variationetontologie»,trad. C.Lobo,Annalesdephénoménologie,n°5,2006,p.225.] 7Idem. 8HuaXV,Nr.22,p.386. 9HuaXV,BeilageXXIII,p.403. 10Cf.E.Fink,«DieSpätphilosophieE.HusserlsinderFreiburgerZeit»,inEdmundHusserl1858 1959. Recueil commémoratif, Phaenomenologica, n°4, La Haye, Martinus Nijhoff, 1959, p.99115 [«LaphilosophietardivedeHusserldanslapériodedeFribourg»,inE.Fink,Proximitéetdistance. Essaisetconférencesphénoménologiques,trad.Kessler,Grenoble,JérômeMillon,1994,p.169187]. 11Ibid.,p.114[trad.p.185]. Traductions 257 trouveformuléedansleparagraphefinald’unmanuscritderecher che intitulé: «Réduction phénoménologique et justification abso lue». Cette thèse s’énonce ainsi: «L’histoire est le fait majeur de l’êtreabsolu»12.DanslemanuscritdeHusserl,ceparagraphefinala reçu [25] pour soustitre: «Monadologie». À cet égard, nous pou vonscommencerparformulerdeuxremarques: 1o)Lemanuscritdatedudébutdesannéesvingt.Ilestdoncfaux de considérer que Husserl n’aurait découvert l’importance de l’his toire pour la phénoménologie que dans la dernière phase de sa pensée. Cela nous contraint bien plutôt à comprendre cette décou verte, non comme une rupture dans sa pensée, mais au contraire commeuneconséquencedesapremièrepercéedanslaphilosophie transcendantale. 2o)Ce manuscrit donne une indication sur le contexte dont est issue la thèse husserlienne sur l’histoire, à savoir celui de la mona dologie.Lesinterprètesontaccordéjusqu’icitroppeud’attentionàcet intitulé,etontpourcetteraisonmanquéleproblèmequerecelaitcette réceptiond’untermeleibnizien.Ils’agiteneffetd’uneréceptiondans laquelle le sens de ce terme se voit transformé. Si les monades leibniziennes n’ont pas de fenêtres, c’est en revanche le cas des «monades» dont parle la phénoménologie transcendantale pour désignerlesegotranscendantaux.C’estencesensqueHusserlparle égalementdel’intersubjectivitétranscendantalecommedu«toutdes monades». Àcelaserattachentdeuxquestions: 1o)Dequeldroitappliquetonàl’«egotranscendantal»,quidans sa présence apodictiquement certaine pour luimême est un «fait absolu»,letitrede«monade»? 2o)Dequellemanièrelesdeuxthèsessurl’«absolu»sontelles[26] compatibles entre elles, c’estàdire de quelle manière s’entreappar tiennentelles en se complétant mutuellement, et qu’estce qui en ré sultepourlacompréhensiondelaconceptionhusserliennedel’absolu etpourleconceptphénoménologicotranscendantald’histoire? Manifestement,cesdeuxquestionsnepeuventêtretraitéesséparé ment. Leur entreappartenance constitue précisément le problème  12E.Husserl,ErstePhilosophie(1923/24).ZweiterTeil:TheoriederphänomenologischenReduktion,Hua VIII,R.Boehm(éd.),LaHaye,MartinusNijhoff,1959,BeilageXXXII,p.506.Pouruneinterpré tationdétailléedecettethèse,voirL.Landgrebe,«MeditationüberHusserlsWort„DieGeschichte ist das große Faktum des absoluten Seins“», Tijdschrift voor Filosofie, n°36, 1974, p.107126 [«Méditation sur le mot de Husserl: “L’histoire est le fait majeur de l’être absolu”», trad. G. Fagniez,Philosophie,n°110,2011,p.3145].Lesdéveloppementsquisuiventpeuventêtreconsi déréscommeunevariation,enpartiecomplémentaireetenpartieaméliorée,surcethème. L’histoire 258 phénoménologicotranscendantal de l’histoire qu’il s’agit à présent de déployer, du moins dans ses grandes lignes. À titre de préambule, nousindiqueronsd’abordlesensquerevêtl’introductionduconceptde monadepourlathéoriedelasciencehistorique. Àcetégard,ilconvientderappelerquel’idéecentraledelaphilo sophiedel’histoiredeHerderfutmanifestementellemêmeinspirée par la monadologie leibnizienne. Cette idée est celle de l’absolue individualitéetunicitédetoutcequiesthistorique.Cequiesthisto rique possède sa signification absolue en luimême et non par les seulseffetsquiendécoulent.Aveccetteidée,Herderentendaitcriti querl’idéedeprogrèsdesLumières,enparticuliercelledeVoltaire.Il préparaainsileterrainpourlasciencemodernedel’histoire,guidée parl’intérêtpourl’êtreindividuel.Danssesconférencesprononcées devant le roi Maximilien de Bavière sur les époques de l’histoire moderne, Leopold von Ranke reprit presque à la lettre la thèse de Herder.Ilenfitlecredodelasciencehistorique,àl’auneduquelseul lesensdel’objectivitéexigéeparcettesciencedevraitêtreentendu. CetteexigencedeRankefutcombattueparl’«histoirepolitique»,en particulier par Gervinus. Selon celuici, la science historique aurait pourtâchedeservirlesintérêtsdujour,etaupremiercheflesintérêts définisparl’autoaffirmationdelanation.Rankes’opposafermement àcettethèse,[27]dontilvoyaitlesconséquencesrelativistesetavec elleslafindel’histoireentantquescience.Cedébatmontrequece n’estpasl’idéed’individualité,maisaucontrairesaviolation,quiconduitau relativismeetquidèslorscomprometl’accèsàunevéritédel’histoire. Cette indication devrait suffire à montrer que cette querelle entre Ranke et Gervinus n’a pas simplement un intérêt historique, mais qu’aucontraireunproblèmefondamentaldelaconnaissancehisto riqueyestenjeu,problèmequiestencoredébattuaujourd’hui.Au débutdesannéescinquante,laHistorischeZeitschriftafaitétatd’une discussionentrehistoriensaméricainsautourdesprincipesméthodi quesselonlesquelsilconvenaitderendrecomptedel’attaquejapo naisesurPearlHarbour.Cettediscussionmettaitauxprisesexacte ment les mêmes positions que celles incarnées en leur temps par RankeetGervinus.Onpeutaussirappelerletraitementnotoirement réservéàl’histoireparlesbolchéviques,pourlesquelsl’histoiredoit sans cesse être réécrite selon les intérêts du parti. Le problème est ainsiceluidesavoirsilavéritédecequel’histoiretransmetseréduit àcequiaunsensauregardduprésentetdesesintérêts,ous’ilfaut au contraire, avant toute autre considération, l’apprécier dans son individualité,«telquecelas’estréellementpassé».Conscientedece problème, l’école néokantienne du SudOuest uploads/Philosophie/ husserl-et-la-philosophie-de-l-x27-histoire 1 .pdf

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