17/09/13 Une didactique de la philosophie est-elle possible ? philo.pourtous.fr

17/09/13 Une didactique de la philosophie est-elle possible ? philo.pourtous.free.fr/Articles/A.Perrin/didactique.htm 1/18 Retour à l'accueil - Atelier philosophique - Le don - Sentences, aphorismes et brèves remarques - Lectures - Cours et conférences - Visages de la pensée - Liens et contacts Retour au menu Textes & Articles Une didactique de la philosophie est-elle possible ? (Article paru en octobre 1994 dans les Cahiers philosophiques n° 60) Introduction La didactique de la philosophie est, selon l'expression de ceux qui s'emploient aujourd'hui à la faire exister, la "lanterne rouge de la recherche en didactique"[1]. Seule en effet, ou presque, parmi toutes les disciplines enseignées dans les collèges et les lycées, elle se tient à l'écart des travaux entrepris en ce domaine depuis une quinzaine d'années. Sans doute peut-on rendre compte de cet écart en invoquant des causes : le statut terminal de la philosophie dans l'enseignement secondaire français qui l'aurait coupée d'une recherche se développant à d'autres niveaux et dans d'autres pays ; ou encore les représentations erronées que la plupart des professeurs de philosophie se feraient de leur propre discipline et de son enseignement. Cependant, puisque aussi bien c'est de philosophie qu'il s'agit, il est permis de préférer à la recherche des causes celle des raisons et puisque la philosophie semble être aux didactiques ce que la métaphysique était aux sciences selon Kant, il serait peut-être temps de poser au sujet de celle-là la question inaugurale que Kant posa au sujet de celle-ci, donc de se demander si la philosophie est possible comme didactique, ou, si l'on préfère, si une didactique de la philosophie est possible. Pour savoir si une didactique de la philosophie est possible, il faut préalablement savoir ce qu'est une didactique et ce qu'est la philosophie. Sur le premier point il ne semble pas exagérément difficile de se mettre d'accord : si le petit Robert, qui n'a admis que très récemment le substantif "didactique", se borne à en faire une "théorie et méthode de l'enseignement", les définitions avancées par les chercheurs et théoriciens semblent converger. Philippe Meirieu évoque "le projet didactique de travailler à faciliter la transmission localisée de connaissances déterminées"[2], tandis que Laurence Cornu et Alain Vergnioux, distinguant didactique et pédagogie, écrivent que "les didactiques concernent, elles, l'art ou la manière d'enseigner les notions propres à chaque discipline"[3] et assimilent le souci didactique au "souci scientifique d'enseigner correctement, fidèlement, un savoir, c'est-à-dire selon l'exercice qui lui est propre"[4]. Nous admettrons donc que la didactique est l'art ou la méthode (cette disjonction restant à élucider) de transmettre un savoir déterminé selon l'ordre ou la logique qui tient à sa nature propre et découle de sa spécificité. Si donc la didactique est un art de transmettre une connaissance déterminée, il n'y a 17/09/13 Une didactique de la philosophie est-elle possible ? philo.pourtous.free.fr/Articles/A.Perrin/didactique.htm 2/18 de didactique que là où il y a des connaissances déterminées à transmettre et la possibilité d'une didactique de la philosophie présuppose ainsi l'existence d'une connaissance philosophique déterminée. Dès lors il nous faudra dans un premier temps analyser le concept de la philosophie afin de décider si et en quel sens elle est un savoir et ce qui constitue la spécificité de ce savoir ; il nous faudra ensuite confronter à cette spécificité les propositions émises par les didacticiens de la philosophie afin de vérifier la conformité de celles-ci à celle-là ; il nous faudra enfin nous efforcer de déterminer positivement les conditions de possibilité d'une didactique de la philosophie. I. Philosophie et savoir Ce que la philosophie n'est pas Le mot philosophie, chacun le sait, signifie étymologiquement l'amour du savoir. A lui seul le souvenir de cette origine pourrait suffire à attirer l'attention sur le paradoxe d'une didactique de la philosophie : si le propre de tout savoir est d'être transmissible par l'enseignement [5], peut-on à l'inverse concevoir une méthode qui permettrait de transmettre un amour, un désir, une recherche, c'est-à-dire chaque fois, en un sens au moins, un manque ? Sans doute l'origine du mot ne nous dit-elle pas tout sur la nature de la chose et pour éclairer celle-ci Platon sera d'un plus grand secours que Pythagore. Si contre les dogmatiques le second a eu raison de nous signifier que la philosophie n'est qu'une recherche, contre les sceptiques le premier nous a enseigné que c'est bien le savoir qui doit être recherché, et l'opinion congédiée. Son acte de naissance témoigne ainsi de son essence : née du refus de la multiplicité des opinions dont le contingent est l'objet, l'intérêt la racine, l'inconstance et l'inconsistance le destin, la philosophie est la visée d'un savoir un, stable, objectif, fondé en raison, universel par conséquent. A ce titre elle est science, épistémè et non doxa, et virtuellement discipline à l'instar de toutes les sciences. Mais est-elle une science parmi les autres ? Les autres sciences se distinguent les unes des autres par leur objet et par leur méthode. Par leur méthode : hypothético-déductive pour les unes, expérimentale pour les autres, critique documentaire pour les troisièmes. La philosophie n'entre, on le voit, dans aucune de ces catégories. Ce n'est évidemment pas qu'elle ne soit pas méthodique, mais tandis que tous les physiciens ont recours à la méthode expérimentale et tous les historiens à la critique des documents, on ne peut faire de la méthode critique, ou de la méthode dialectique, ou de la "demonstratio ordine geometrico" une méthode qui, utilisée par tous les philosophes, serait la méthode de la philosophie. Les sciences se définissent encore par leur objet. Elles sont "régionales" en ce sens qu'elles découpent une région du réel à laquelle elles vont limiter leurs investigations, étudiant le nombre ou la figure, mais non la structure et les mouvements de la matière, le vivant, mais pas les faits historiques ou économiques. Cette délimitation précise de leur objet est justement ce qui a historiquement permis aux différents savoirs issus de la philosophie de se constituer comme sciences au sens moderne du terme. Mais quel est alors l'objet de la philosophie ? Rien de ce qui est humain, rien de ce qui est, rien de qui est seulement pensable ne lui est étranger. Savoir de type réflexif qui s'efforce de remonter au principe de toutes choses, elle se veut par là même savoir de la totalité et donc aussi savoir de soi-même sachant le tout. La philosophie n'est donc ni science, ni opinion. Par opposition à l'opinion, elle est 17/09/13 Une didactique de la philosophie est-elle possible ? philo.pourtous.free.fr/Articles/A.Perrin/didactique.htm 3/18 savoir ; mais à la différence des savoirs scientifiques, transposés scolairement en disciplines, elle n'est pas un savoir déterminé, n'ayant ni méthode, ni objet déterminés. Ce qu'est la philosophie, mais qui n'est pas son propre On ne peut toutefois se satisfaire de l'idée d'un savoir indéterminé. Etre, pour tout être, c'est être déterminé, c'est être ceci ou cela et ce qui n'est ni ceci, ni cela, ni autre chose, n'est rien du tout. Un savoir purement indéterminé frapperait sans doute de vanité tout projet didactique, celui-ci visant à "faciliter la transmission localisée de connaissances déterminées" (2), mais ne pourrait non plus faire valoir aucune prétention à être enseigné. Que le savoir philosophique ne soit pas déterminé à la façon des sciences positives ne signifie pas qu'il soit indéterminé sous tous les rapports. Il faut donc rechercher les traits qui permettent de déterminer la connaissance philosophique, la difficulté étant de saisir ce qui appartenant à elle, n'appartient qu'à elle. La philosophie est pensée, mais il n'en résulte pas, règle de la conversion oblige, que toute pensée soit philosophique : penser c'est se représenter, c'est-à-dire rendre présent en soi ce qui est pourtant hors de soi, ce que nous faisons aussi bien en imaginant qu'en concevant [6], en rêvant qu'en jugeant, en opinant qu'en raisonnant. Que l'on réserve le nom de pensée à la pensée conceptuelle et l'activité de penser à la liaison des idées dans le jugement, il faudra bien convenir que les hommes ont pensé avant Socrate et nos élèves avant d'entrer en classe terminale. La philosophie est pensée réflexive, mais la réflexion n'est pas davantage le propre de la philosophie : il faut réfléchir pour faire de la géographie, de la biologie, ou tout simplement pour décider si l'on passera la soirée au cinéma plutôt qu'au théâtre. Elle est une pensée critique, mais outre que l'esprit critique est tout aussi bien requis et développé par les études historiques, il est devenu banal de reconnaître que l'art exerce, en un sens différent toutefois, une fonction critique dans la société. Elle est une pensée rigoureuse et cohérente, mais rigueur et cohérence peuvent être légitimement revendiquées par la pensée mathématique. Elle est en quête du Sens ou encore de l'Absolu, mais cela ne permet pas de la distinguer de la religion. Nous voilà au rouet : n'y a-t-il rien qui soit propre à la philosophie ? Ce qui est le propre de la philosophie Cependant si aucun de ces traits n'est propre à la philosophie, c'est seulement dans la philosophie qu'ils se trouvent à la fois rassemblés et organiquement liés. uploads/Philosophie/ une-didactique-de-la-philosophie-est-elle-possible.pdf

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