Les circulations dans le Sud global : ethnographies des échanges mondialisés Co

Les circulations dans le Sud global : ethnographies des échanges mondialisés Colloque international de l’APAD Lomé, 23-26 juin 2020 Appel à panels Une circulation accrue de personnes, mais aussi d’objets, de marchandises, de modèles, de normes, de répertoires d’action Les objets, les personnes et les idées se déplacent entre les continents depuis des siècles. L’Afrique était intégrée dans des échanges lointains bien avant la « première mondialisation » du XVème siècle, mais ces flux ont connu une accélération sans précédents depuis la fin de la guerre froide, à la faveur de l’amélioration des technologies de transport et de communication, de la libéralisation du commerce, de la prolifération d’accords économiques multilatéraux. Les interactions et les interconnexions au sein du Sud global s’étoffent, se complexifient et se déploient en relation à des pôles politiques et économiques émergents. Sur le plan macropolitique, le nouveau millénaire voit des pays comme la Chine, l’Inde, la Turquie ou le Brésil investir durablement le paysage économique, politique et culturel du continent africain. A l’échelle des individus, l’ouverture des pays africains aux marchés globalisés et notamment l’importance de leurs échanges économiques avec l’Asie transforme profondément les modes de consommation, les styles culturels, les manières d’entreprendre et les modèles de développement. A partir de cette toile de fond, la littérature s’accorde à distinguer deux formes de globalisation. La première renvoie au monde de la haute finance, des multinationales, des institutions internationales de l’aide publique au développement, des tribunaux internationaux, des ONG, think tanks et fondations transnationales. Cette globalisation « par le haut », « high end » ou « hégémonique », se traduit dans les États du Sud, en particulier les pays « sous régime d’aide », par le transfert et la circulation de techniques de gouvernance, instruments d’action publique, modèles gestionnaires, normes internationales et flux financiers, au service d’une ingénierie sociale globalisée véhiculée par les institutions de l’aide ou de régulation internationales. Elle englobe également les nouvelles formes de coopération économique et industrielle au sein du Sud global. Le vif intérêt que suscitent les « nouvelles routes de la soie » sur le continent africain et le processus concomitant de modernisation des grandes infrastructures de transport et communication (ports, aéroports, routes, chemins de fer) n’en sont que la dimension la plus visible. La deuxième forme de globalisation, vécue par la majorité de la population mondiale, est souvent associée aux mobilités transnationales des personnes. Migrants, réfugiés, entrepreneurs « nomades », commerçants, intermédiaires et démarcheurs : ils seraient les 2 principaux acteurs d’une mondialisation « par le bas », « low-end », « non-hégémonique », « grassroots » ou « discrète », évoluant dans les interstices ou aux marges de l’économie de marché, mobilisant des investissements financiers modestes, privilégiant les transactions informelles ou semi-légales, basées sur la confiance mutuelle et structurées autour de réseaux ethniques et d’interconnaissances. Si l’importation massive de produits industriels ou de grande consommation chinois représente l’exemple le plus visible des processus susmentionnés, l’intensification des interconnexions « par le bas » ne se limite pas aux échanges commerciaux stricto sensu. Des productions culturelles voyagent aussi, à l’instar des vidéos nollywoodiennes, qui ont essaimé dans toute l’Afrique subsaharienne, puis en Europe et aux États-Unis. La démocratisation de l’Internet à haut débit et de la téléphonie mobile 4G permettent également la diffusion rapide, massive et incontrôlée d’informations – mais aussi de rumeurs – bien au- delà des frontières nationales. Comme toute dichotomie, juxtaposer – et parfois même opposer – la globalisation des puissants et celle des subalternes contient cependant le risque de les penser séparément, perdant ainsi de vue leur interdépendance et les dynamiques qu’elle génère. En dépit et au-delà de ses variantes, cette posture est étroitement liée aux terrains des premiers théoriciens de la globalisation et des chercheurs qu’ils ont inspirés, centrés sur les mobilités humaines. Et si, à côté des approches qui abordent les processus de mondialisation par le biais de la circulation des personnes, on s’intéressait aussi à la circulation des « choses » ? Des ethnographies de « ce qui circule » permettent en effet de ne pas préjuger de la nature des canaux et des circuits empruntés (routes, hubs, nœuds, dispositifs de régulation, infrastructures), ni des acteurs qui font circuler (entrepreneurs, hommes et femmes d’affaires, experts, fonctionnaires, personnel humanitaire, artistes, touristes, migrants, etc.), ni des échelles d’observation de ces phénomènes. Derrière une marchandise, une norme, un modèle, il y a en effet des institutions de régulation et de gouvernance, des acteurs politiques et économiques, des formes spécifiques de conception, production, diffusion et de réception/consommation, enchâssées dans des modèles culturels ou d’organisation sociale. En adoptant cette perspective, le haut et le bas, l’hégémonique et le subalterne, le high end et le low end n’apparaissent plus comme des mondes séparés, mais des dimensions à la fois incontestables et inextricablement liées au sein d’une chaine globale d’approvisionnement ou de valeur ou tout au long du voyage intercontinental d’un modèle standardisé d’intervention sociale. Ce renversement de perspective n’est certes pas inédit. Mais sa traduction en recherches empiriques est beaucoup plus récente, surtout en ce qui concerne les Suds. Ethnographier les formes de circulation à de multiples échelles : le colloque 2020 de l’APAD Depuis sa fondation en 1991, l’APAD (Association pour l’anthropologie du changement social et du développement) promeut des recherches qualitatives approfondies sur les dynamiques de changement social et les tentatives de changement impulsé par les États ou l’aide internationale. Après le colloque de Roskilde, en 2018, consacré aux mobilités et aux migrations, l’APAD propose pour l’édition 2020 de ses colloques internationaux, co-organisée avec le Département d’Anthropologie et d’Études Africaines de la Faculté des sciences de l’homme et de la société (FSHS) de l’Université de Lomé (Togo), de centrer ses travaux sur les multiples formes de circulation à grande échelle de marchandises, idées, techniques, informations, modèles qui traversent de manière croissante les pays du Sud et les relient au reste du monde. Des panels ou des communications s’intéressant à des circulations à échelle plus limitée, régionale ou entre pays voisins, ou montrant des effets de changement d’échelle dans les circulations, sont aussi bienvenus. 3 Il s’agit de revisiter des terrains et des thématiques qui sont au cœur du « tournant global » ayant investi les sciences sociales depuis deux décennies, de discuter de la place qu’y tient l’anthropologie du développement et inversement, de la manière dont elle prend en compte les dynamiques de mondialisation. De l’étude initiale des interactions localisées entre développeurs et développés, l’anthropologie du développement a incontestablement diversifié ses objets et élargi son champ d’observation. Elle a interrogé « les interfaces empiriques de la mondialisation » (colloque de l’APAD 2007). Elle s’est engagée dans l’ethnographie des bureaucraties internationales de l’aide et des réseaux transnationaux d’experts, consultants et personnels humanitaires, apportant une contribution originale à l’étude des processus de globalisation. Son cadre conceptuel et ses matériaux empiriques restent cependant largement tributaires d’une dialectique Nord-Sud. La focale porte plutôt sur les transferts unidirectionnels – de normes, ressources financières, modèles institutionnels vers le Sud, de richesses naturelles et de flux de migrants vers le Nord – que sur les dynamiques d’échange et de connexion globalisées. Or, la globalisation des pratiques de l’aide et la transnationalisation de ses institutions ne sont qu’une des dimensions de l’inscription des Suds dans les processus de mondialisation. Ces sont les multiples facettes de la globalisation observée à travers les circulations dans les Suds que ce colloque incite à explorer, avec un accent délibéré sur leur dimension matérielle et spatiale. Pistes de réflexion Nous sollicitons des contributions qui retracent l’itinéraire, la carrière, la vie sociale et politique de « choses » en circulation de différente nature. Les « biographies » de marchandises sont un exemple désormais classique et bien représenté des « thing-following studies », à l’instar des travaux récents sur le wax, le khat, les voitures d’occasion, le champignon matsutake, les médicaments, les motos chinoises, les tongs ou le vin français en Chine. La circulation des produits africains, dans le continent ou ailleurs, comme la diffusion du gari ou du fonio en Afrique de l’ouest ou les exportations de produits alimentaires vers l’Europe ou l’Asie, ou encore le rap ou les souvenirs pour touristes pourront aussi être étudiés. Mais on pourra retracer les circulations d’une innovation ou de savoir-faire technologiques (comme les rickshaws motorisés ou les multiples exemples d’« innovation frugale » dans le domaine de la santé, de l’éducation, de l’accès à l’eau et à l’électricité, de l’agriculture ou de la microfinance), d’un instrument d’action publique ou d’un travelling model (comme le partogramme, les méthodes contraceptives ou le système des cash transfers). Ou s’intéresser aux productions culturelles, comme la mode, la danse, la vidéo mais aussi à des « objets » plus immatériels, comme les répertoires d’action collective – la notion d’émancipation féminine, le concept de genre et sa transposition dans les cadres du développement – ou les stratégies de mobilisation, ou encore des rumeurs transnationales, etc. Des papiers pourront se focaliser sur une phase précise de la circulation d’un « objet », d’autres en tenter une analyse compréhensive ; dans tous uploads/Politique/ cfp-apad-2020-fr-nouvelle-deadline-1.pdf

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