Les cahiers pédagogiques n° 406 1/5 Plus je parle, moins ils travaillent (Extra

Les cahiers pédagogiques n° 406 1/5 Plus je parle, moins ils travaillent (Extrait des Cahiers pédagogiques N° 406) Raoul PANTANELLA On tentera de révéler dans les lignes qui suivent les points d'appui qui peuvent permettre de tenir la distance dans cette épreuve de fond qu'est une carrière de prof. Quels sont les outils pédagogiques qui ont des chances de réussir au maître et aux élèves ? Et quels sont ceux qui ne servent à rien et créent des illusions ? Je voudrais dire ici quelques secrets du métier. Ceux que personne n'a osé me révéler à mes débuts et dont la méconnaissance fit que le travail de prof m'a paru alors particulièrement lourd à exercer. Des secrets qui m'ont été précieux et qui ont marché pour moi. Je ne peux cependant garantir l'universalité de leur usage et affirmer qu'ils sont indispensables à tous ceux et celles qui feront la classe au quotidien. Le premier secret : ne pas faire cours ! Pas tout le temps, pas systématiquement comme trop souvent on fait. On peut arrêter de faire toujours cours et se reposer un peu. Comment? En prenant appui sur le formidable réservoir d'énergie potentielle des élèves. En faisant comme en randori au judo quand on s'entraîne au combat : on utilise la force et la souplesse des partenaires (et non adversaires...) pour les entraîner dans le mouvement même de tout apprentissage (et non pour les mettre ippon sur tatami...) En utilisant les jeunes forces toujours disponibles des élèves, leur potentiel inépuisable de curiosité intellectuelle, leurs énormes capacités à s'enthousiasmer et à nous ressourcer. Surtout en étant persuadé que toutes ces qualités sont réellement présentes chez eux, en permanence, malgré les apparences et tout ce que l'on entend dire des élèves dans les salles de profs. Ne pas puiser dans cette fontaine de jouvence et d'énergie peut conduire à une déperdition rapide du plaisir d'enseigner, et la carrière peut se terminer, quelque quarante annuités plus tard, par une grosse fatigue existentielle... L'entropie En arrêtant donc un peu de pratiquer le cours magistral, on parie sur leur éducabilité active, sur leur capacité à se mobiliser quand on les tire de la passivité où ils sont plongés habituellement. Car on découvre bien vite que le métier de prof est particulièrement fatigant : lourdeur des effectifs, services et horaires impossibles, paquets de copies toujours à corriger, équipements insuffisants ou défectueux, discipline à assurer sans faille, réunions, conseils, etc. Mais il y a autre chose aussi. Quiconque n'a jamais eu à faire la classe au quotidien, ou qui l'a oublié, ne peut comprendre ce qu'est l'entropie pédagogique qui mesure le prix énergétique à payer à chaque nouvelle heure de cours pour mettre le système- classe en mouvement. La tradition veut que cette mise en branle de la classe revienne exclusivement au professeur, et qu'il lui incombe de surcroît d'entretenir cet élan initial, de ne pas laisser retomber cette dynamique une fois installée, pour faire en sorte qu'elle dure toute une séquence de cours. C'est la raison pour laquelle on sort parfois vidé de trois ou quatre heures de cours consécutifs. On ne saurait en faire guère plus de six par jour et il serait difficile de nous imposer, comme à d'autres travailleurs, 35 ou 39 heures par semaine, RTT comprise. Quand j'ai constaté ainsi sur moi-même cette déperdition entropique d'énergie, je me suis souvenu d'une formule que m'avait communiquée un maître nonchalant mais Les cahiers pédagogiques n° 406 2/5 perspicace: wP x wE = constante. Traduction : le produit des efforts du professeur par ceux de l'élève est une constante énergétique. Il s'ensuit que plus le prof travaille moins l'élève apprend. L'inverse est également vrai. Il fallait donc, pour bien faire, me changer en professeur qui ne prétende pas découvrir les savoirs, faire les synthèses, apprendre les cours, le tout à la place de ses élèves, mais qui les mette en piste, les motive et les rende actifs. Il y allait de ma survie professionnelle. Comment faire? Le travail de groupe Tranchons-en : l'enseignant qui ne maîtrise pas la pédagogie des groupes cri est réduit sa vie durant au cours magistral, avec tous les dégâts collatéraux que cela suppose. Et cela ne souffre aucune exception. Pourquoi ? Parce que nous n'avons que trois situations d'apprentissage possibles où placer les élèves. Ou bien la méthode magistrale collective, identique pour tous et frontale, massivement utilisée dans tout le système éducatif. Ou bien l'approche individuelle, l'auto formation, le cours presque particulier que l'on tente par exemple avec le soutien en 6e ou l'aide individualisée en seconde, mais toujours utilisés à doses homéopathiques. Ou bien enfin la pédagogie de groupe, du binôme à l'équipe de trois à cinq élèves selon leur âge, la discipline considérée, etc. L'ennui pédagogique naquit un jour de l'uniformité, si l'on en croit le poète. A n'employer que la seule modalité magistrale, on s'interdit d'utiliser l'extraordinaire potentiel d'apprentissage dont les petits groupes sont porteurs et que de nombreux enseignants découvrent aujourd'hui avec les travaux personnels encadrés (TPE), l'éducation civique juridique et sociale (ECJS) en lycée général, les projets personnels à caractère professionnels (PPCP) en LP, les itinéraires de découverte (IDD) en collège. Mais cette pédagogie requiert beaucoup de rigueur de la part du maître qui veut l'utiliser. Il y a la comme un tour de main artisanal a acquérir sans lequel on risque de revenir bien vite aux charmes discrets et épuisants du cours magistral dont les eaux se referment sur les velléités de changement. Dans le cadre de cet article, il n'est pas possible de dire précisément comment s'y prendre 1. Je soulignerai seulement combien il est essentiel de savoir former les groupes en fonction du type d'activité visé. Et par exemple, qu'il est vivement souhaitable de constituer, des les premiers jours de la rentrée, des groupes permanents, véritables structures de référence pour les élèves au même titre que le groupe classe. Ces groupes permanents seront identifiés par un carnet de bord tenu par un secrétaire et utilisés comme structures de base pour toutes sortes d'activités. Bien entendu, cela n'interdit pas de former parallèlement, et pour le temps d'un travail bien ciblé, des groupes de hasard et de proximité pour des apprentissages ponctuels, des groupes de besoins pour des remédiations et des corrections avec ou sans moniteur, des groupes de projet comme ceux des TPE, des PPCP, des IDD, des groupes de recherche et de production comme ceux des labos et des travaux pratiques, des groupes de communication comme pour l'heure de vie de classe (HDVC), des groupes de débats comme en ECJS Il convient aussi de savoir programmer ces groupes avec précision et apprendre aux élèves a tenir les différents rôles que ce travail nécessite: Animateur, rapporteur, rédacteur, secrétaire, graphiste, documentaliste, préparateur, responsable du calme, et bien d'autres encore. Et il faut trouver des réponses concrètes à cette question centrale: quelles consignes donner aux élèves afin que, tout en travaillant en groupe, ils fassent leurs apprentissages individuels ? Et comment évaluer ces acquisitions? Bien d'autres questions encore doivent trouver réponse pour mettre en œuvre cette pédagogie. Par exemple : que fait le prof, quel est son rôle pendant que les élèves travaillent en groupe? Comment organiser les restitutions a l'ensemble de la classe? Faut-il reprendre en cours les exposés des groupes? Que faut-il évaluer et noter? Que faire ensuite de ces évaluations et de ces notes de groupe? Comment articuler les séquences en groupe avec le cours collectif et magistral, mais aussi avec le travail personnel, les préparations individuelles des élèves? Mais si changer et faire varier les trois situations d'apprentissage dans lesquelles on Les cahiers pédagogiques n° 406 3/5 peut mettre les élèves est une condition nécessaire, elle n'est pas suffisante pour alléger notre charge de travail et faire de nous des profs heureux... La pédagogie de la motivation Le second secret pour réussir dans ce métier est le suivant: il nous appartient de rendre le gai savoir désirable pour les élèves et de les motiver Un des moyens pour y parvenir est de donner des tâches et des exercices, des sujets et des énoncés qui éveillent et excitent leur curiosité, leur proposent des énigmes a résoudre, des constructions, des puzzles, des enquêtes avec indices, des mini-compétitions, etc. Bref il est bon de proposer des situations problème quand le jeu en vaut la chandelle. Pour cela, on bande fortement le ressort dramatique de l'activité, et ce n'est jamais du temps perdu. Les nouveaux dispositifs de la réforme des collèges et des lycées (TPE, PPCP, IDD, PAC, ECJS...) se fondent pour l'essentiel sur l'idée que l'élève apprend mieux s'il peut choisir son sujet d'étude, son mode d'activité, s'il lui incombe de chercher l'information nécessaire et de la traiter, s'il peut varier les supports de sa production et faire preuve d'inventivité. Comment expliquer autrement le fait que les élèves ont plébiscité les TPE souvent contre l'avis des professeurs inquiets pour leurs cours magistraux qui n'obtiennent pas le même succès a l'audimat ? La réussite précoce Le troisième secret est fort simple à formuler : uploads/Politique/ plus-je-parle-mois-ils-travaillent 1 .pdf

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