P R É F A C E Faire de la recherche en psychologie en IUFM Enfin le genre d’ouvr
P R É F A C E Faire de la recherche en psychologie en IUFM Enfin le genre d’ouvrage que nous attendions. Nous, c’est cette sorte de « communauté » plutôt imaginaire que forment les enseignants- chercheurs en psychologie. Et certainement c’est un ouvrage qui va compter. Déjà, certes, parce qu’il est le premier et qu’il est donc suscep- tible d’initier une série qu’on espère longue. Mais plus profondément encore parce qu’il a des implications dans différents domaines sensibles de la conjoncture actuelle de la psychologie comme discipline et comme organisation. Il fut un temps où la psychologie française se définissait par des noms propres. Maintenant, certainement un effet du nombre, c’est plu- tôt par des lieux d’exercice. Toute une topographie serait à faire, qui s’organiserait sur plusieurs dimensions. Personnellement, je ne saurais pas même l’esquisser (et d’ailleurs je doute que quelqu’un le puisse à l’heure actuelle), mais ce dont je suis sûr c’est que d’une manière ou d’une autre, elle opposerait des lieux d’exercice centraux, comme les dépar- tements d’enseignement et de recherche de psychologie, et d’autres périphériques, où l’on situerait volontiers les IUT et les IUFM. Comme le donne à penser le discours compréhensif, voire charitable, qui s’énonce dans les instances d’évaluation vis-à-vis des collègues travaillant dans Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 08/02/2018 10h39. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 08/02/2018 10h39. © De Boeck Supérieur JE PARLE… TU PARLES… NOUS APPRENONS — 6 — ces institutions, les IUT et les IUFM ne sont en effet pas parmi les lieux d’exercice les plus valorisés du métier d’enseignant-chercheur en psychologie. Comment peut-on (encore) être un enseignant-chercheur en psychologie en dehors d’un département de psychologie ? se demande-t-on souvent. Grave question et qui n’appelle pas uniquement des considérations théoriques mais aussi des réponses bel et bien con- crètes, par exemple en termes de promotion. Mais voici un ouvrage qui expose huit réalisations didactiques et cinq recherches qui en découlent ; activités qui ont impliqué sur une durée de 2 ans 14 enseignants en formation et 21 classes des cycles II et III, du CP au CM2, ainsi que des élèves en difficultés, afin d’observer com- ment, dans différentes conditions, ces élèves pratiquent la philosophie, la langue et les mathématiques. Nous disposons donc dorénavant de réponses concrètes à ces questions posées dans les instances d’évalua- tion et qui sont aussi celles des candidats aux postes d’enseignant-cher- cheur en psychologie offerts dans les IUFM. Est-il possible de mettre en œuvre une recherche en psychologie dans les IUFM ? Sans aucun doute. Le présent travail, qui nous met en face d’une recherche dont le but est de comparer l’efficience de deux dispositifs de groupe en matière d’apprentissage : la coopération simple et le système « Jigsaw-teaching II », relève manifestement de la psycho- logie sociale des groupes et plus particulièrement de sa composante qui étudie les effets individuels de l’apprentissage en groupe. Il faut alors sou- ligner l’apport du présent ouvrage au domaine. Il innove en effet sur deux plans. Il innove en théorie parce qu’il développe la thèse que c’est au travers de l’interlocution que les dispositifs de groupe acquièrent leur efficience : « Quand un élève parle à un autre, qu’apprend-il ? à parler ? à interagir ? à mieux connaître les présupposés linguistiques, cognitifs, sociaux de son interlocuteur ? à structurer sa propre pensée ? à perfor- mer son mode de régulation sociale ? En substance tout ceci et sans doute bien d’autres choses encore. L’univers langagier étant à la fois le support même de la structuration de la pensée, et la résultante d’une capacité à penser qui se construit développementalement. » (Auriac- Peyronnet, ici même, deuxième partie, chapitre 2). Il innove aussi en pratique : tandis que la majorité des travaux consacrés à la performance individuelle en situation de groupe privilégient la résolution de problème, c’est à l’argumentation qu’on s’intéresse ici principalement. Appar- tenant à la psychologie par son thème, le présent travail en ressortit également par sa démarche, parce que c’est à la fois une recherche empirique (les données consistent en une quarantaine de séquences fil- mées en classe, d’une vingtaine de min. chacune) et une recherche quasi expérimentale. Est-il possible de mettre en œuvre une recherche en psychologie dans les IUFM et qui soit pratiquement utile aux enseignants ? La réponse est là encore affirmative puisqu’il s’agit finalement d’éprouver des Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 08/02/2018 10h39. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 08/02/2018 10h39. © De Boeck Supérieur Préface — 7 — dispositifs susceptibles d’améliorer « le langage tel qu’il est pratiqué par les élèves », notamment sous la forme de l’argumentation. Celle-ci n’est du reste pas examinée uniquement pour elle-même : « nous posons [aussi] la question des conditions dans lesquelles le débat argumentatif peut contribuer à la construction des connaissances chez les élèves. » (Auriac-Peyronnet, ici même), en particulier des connaissances mathé- matiques. De même, « trois enseignantes en classe de cours préparatoire et une enseignante prenant en charge des élèves pour un temps de remédiation cognitive (…) ont choisi d’évaluer la progression des élèves sur le thème de la structuration du récit. Les enseignants veulent aussi vérifier si la mise en place d’un apprentissage de type coopérant, en ce qu’il offre la possibilité de donner son point de vue, de le soumettre à la critique des autres, et en ce qu’il ouvre la possibilité d’écouter des pairs justifier leur point de vue, va permettre à des enfants, ciblés en difficultés, de progresser dans leur compétence à mobiliser des capacités d’argu- mentation lorsqu’on les interroge sur les raisons de leur choix, dans une tâche similaire. » (Ibid.). D’ailleurs, l’éventail des tâches qui sont propo- sées aux enfants est largement ouvert et va au-delà des tâches scolaires traditionnelles, jusqu’à des tâches de prise de décision, où « après avoir recherché différents arguments à propos de quatre projets réalisables par le maire de la commune, [les enfants doivent] opter pour l’un des quatre projets en argumentant leur choix. » (Ibid.). Se peut-il qu’une recherche qui satisfait les deux contraintes pré- cédentes ne reproduise pas le clivage traditionnel du chercheur et du praticien ? Certainement. Des démarches, telle la recherche-action, ont été inventées à cette fin il y a plus d’un demi-siècle, dont on a eu tort de se détourner. L’originalité du présent livre est de renouveler cette tradi- tion sous la forme d’un triptyque « dispositif-processus-produit » qui l’adapte à l’univers scolaire et à la formation de ses enseignants. Cela ne va d’ailleurs pas sans contradiction, le livre montrant bien comment des pratiques enseignantes peuvent biaiser les pratiques de la recherche expérimentale, par exemple en suscitant la mise en place d’un post-test plus difficile que le pré-test, « comme si la vérification de progrès sur une tâche de même nature était en soi incohérente avec une visée de développement des compétences. ». Cela ne va donc pas non plus sans cette tension subjective qu’évoque l’auteur. Mais le livre est là, qui témoigne qu’elle peut être dépassée sous la forme d’un travail recevable sur le plan de la recherche et utile au groupe professionnel que l’auteur a quitté en devenant enseignant- chercheur en psychologie. Je lui souhaite un plein succès dans ces deux mondes dont il construit l’interface. Alain TROGNON Professeur des Universités, Directeur du Laboratoire de Psychologie de l’Interaction, Université Nancy 2. Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 08/02/2018 10h39. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - CNRST Rabat - - 196.200.131.104 - 08/02/2018 10h39. © De Boeck Supérieur AVANT-PROPOS Dans un article publié récemment à titre posthume, René Zazzo fait le point sur ce qui tiraille la psychologie, en ce que « depuis plus d’un siècle la question se pose, en termes souvent conflictuels, des rapports entre ces deux vocations de la psychologie : la psychologie comme science et comme profession. ». Il y précise qu’« en psychologie la professionna- lisation c’est l’irruption du social dans la science pure », où « les barbares, les vandales, ce sont tous ces gens de l’industrie, de la publicité, de l’école qui viennent assiéger les tours d’ivoire où travaillent les psycholo- gues dans un calme parfait. » (Zazzo, 1997). Nous sommes ici au cœur d’une forme d’invasion de l’école dans le laboratoire du chercheur en psychologie, et vice-versa. En ce sens, il faut bien dire que cet ouvrage est d’abord un « dérangement » où la figure de la barbarie remplit son premier office de lien conflictuel entre chercheurs en psychologie et enseignants. Qu’attendent les uns des autres ? Faut-il attendre des chercheurs en psy- chologie quelque stratégie d’action pour enseigner ? Faut-il prendre dans le terrain des objets pour rechercher ? Les co-auteurs, chercheurs en psychologie et enseignants du primaire sont des individus, qui, par l’entremise même de l’indivision de leur rôle et de leur statut, ne peuvent, chacun tendu uploads/Science et Technologie/ je-parle-tu-parles-nous-apprenons-coope-ration-et-argumentation-au-service-des-apprentissages.pdf
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- Publié le Aoû 12, 2022
- Catégorie Science & technolo...
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