Mariane Fournier Éthique et politique Frédérick Bruneault L’aide médicale à mou

Mariane Fournier Éthique et politique Frédérick Bruneault L’aide médicale à mourir L’aide médicale à mourir est l’acte de fournir les conditions nécessaires pour qu’une personne, souvent atteinte d’une maladie dégénérative ou incurable, puisse mettre fin à sa vie. Cette pratique est contraire à l’euthanasie où c’est un tiers qui déclenche la mort. L’euthanasie est légale au Québec depuis la fin de l’année 2014, mais le gouvernement fédéral de l’avocat du suicide assisté, Justin Trudeau, souhaite aller encore plus loin avec le projet de loi C-14 déposé en avril 2016 qui devrait être accepté d’ici juin. Selon ce projet de loi, un patient qui souffre de « douleurs physiques ou psychologiques intolérables » aurait la possibilité de faire une demande d’assistance au suicide. L’opposition au suicide assisté, du moins au Canada, est assez isolée. En effet, un seul député libéral s’est opposé au projet en critiquant comment la société agie comme si tout était jetable. Les conservateurs, pour leur part, avaient fait part de leur opposition à ce genre de pratique dès le dépôt de la loi pour l’euthanasie au Québec. Les représentants religieux s’y opposent également, mais plus de 80% des Canadiens y sont favorables selon une étude menée en février par l’association Dying with Dignity. Les partisans du suicide assisté plaident pour une mort dans la dignité, alors que les militants contre l’aide médicale à mourir critiquent l’absurdité de légaliser le meurtre. D’un côté, les utilitaristes considéreraient cette pratique comme étant acceptable d’un point de vue moral. En effet, basé sur le principe hédoniste, le rationalisme moral conséquentialiste est la recherche du plaisir (du bien) en évitant la douleur (le mal) pour l’ensemble des individus qui forme la collectivité. Ainsi, l’action bonne est celle qui donne le meilleur rapport entre plaisirs et douleurs pour tous les individus affectés : « le plus grand bonheur pour le plus grand nombre de personnes possible ». Afin d’évaluer ce rapport, il faut se prêter au calcul utilitariste. Dans le cas du suicide assisté, il faudrait considérer les conséquences sur le médecin qui déclenche la procédure, la famille du patient et le patient lui-même. Certainement, comme le patient devrait prouver qu’il est en mesure de faire ce choix, le médecin ne devrait pas être sujet à des problèmes judiciaires ou de conscience, car l’aide médicale à mourir suit un protocole pour éviter ce genre de répercussions. Pour la famille de la personne, la douleur liée à la perte d’un être cher est certes mordante et souvent indélébile, mais la vision de cette personne dans un état de souffrance agonisante est probablement une douleur beaucoup plus profonde. Finalement, pour le patient, il s’agit d’une libération de longs moments de douleur. Prenons l’exemple de Nancy B. qui a obtenu le droit, en 1992, de faire cesser les soins de son respirateur artificiel. D’abord, la Cour suprême avait jugé que, dans ce cas, le médecin n’avait pas à craindre une poursuite criminelle. Grâce au calcul utilitariste, il est possible d’affirmer que cette action est morale conformément au rationalisme moral conséquentialiste puisque le médecin n’est pas sujet à des désagréments et que la famille de la victime est dévastée, mais surtout soulagée que Nancy B. ne souffre plus. En bref, les utilitaristes seraient pour l’aide médicale à mourir puisqu’il s’agit d’une pratique qui relève de plus de « plaisirs » que de « douleurs ». D’un autre côté, selon le rationalisme moral intentionnaliste de Kant, le suicide assisté serait amoral et, conséquemment, à proscrire. En effet, on se rappelle que Kant traite du concept de liberté comme le libre arbitre (liberté de décider) plutôt que la liberté d’action. L’éthique kantienne est basée sur le libre arbitre positif, c’est-à-dire la liberté de décider de quelque chose de nécessaire : l’agent moral est libre de s’imposer à lui-même une loi morale parce qu’il comprend sa nécessité. Selon Kant, il faut « [agir] seulement d'après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle ». Ainsi, pour être morale, une action doit toujours être possible et cohérente une fois universalisée. Il suggère que trois problèmes peuvent survenir avec le test d’universalisation : il entraîne une impossibilité de l’action, une menace pour la poursuite de l’humanité ou la négation des intérêts fondamentaux d’un être raisonnable. L’action qui présente un de ces problèmes est, pour Kant, amorale. En analysant l’aide médicale à mourir sous la loupe de Kant, on constate un problème au test d’universalisation : il y a menace pour la poursuite de l’humanité. En effet, l’action n’est pas impossible et elle ne néglige pas les intérêts fondamentaux d’un être humain, comme c’est la personne qui en fait la demande. Par contre, en tuant les êtres vivants, il y a de toute évidence une menace pour la survie de l’espèce, alors cette action serait, selon l’éthique kantienne, à bannir. La science est certainement en évolution continuelle, mais cette évolution est imprévisible. Les individus auxquels on accorde le suicide assisté ne pouvaient peut-être pas être sauvés aujourd’hui, mais si demain la science développe un remède qui aurait pu mettre fin à leur souffrance autrement que par la mort, alors ils se seront enlevé la vie en vain. Une société ne devrait pas se doter de mécanismes qui mettent sa survie en péril alors que ce n’est pas nécessaire. En résumé, selon la théorie éthique kantienne, l’aide médicale à mourir ne devrait pas être permise, car elle ne respecte pas le principe d’universalisation en entraînant une menace pour la poursuite de l’humanité. En conclusion, bien que l’aide médicale à mourir entraînerait la mort de certains individus, elle serait vastement réglementée, alors il n’y aurait pas de crainte d’extinction de la race humaine. En effet, dans son décret de février 2015, la Cour supérieure décrivait les trois conditions qu’une personne doit rencontrer pour considérer le suicide assisté : elle doit être majeure et en mesure d’offrir un consentement éclairé, atteinte de problèmes de santé sérieux et incurables et éprouver des « souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition ». La procédure pour demander l’aide médicale à mourir est aussi très laborieuse dans le but de protéger les patients (et de réduire la possibilité de l’anéantissement de notre race). D’abord, la Loi prévoit que seule la personne concernée peut en faire la demande, et non pas ni la famille ni le médecin traitant. Elle doit aussi le faire, comme il l’a été mentionné précédemment, d’une manière libre et éclairée et par écrit en présence d’un professionnel de la santé ou des services sociaux. La personne peut aussi, et ce en tout temps, retirer sa demande d’aide médicale à mourir. Supposons une personne ayant été victime d’un arrêt cérébro-vasculaire qui perd ainsi son autonomie, mais dont la lucidité reste intacte. La douleur psychologique résultant de la perte de qualité de vie de cette personne la qualifie ainsi à l’aide médicale à mourir s’il le désire. Il n’y a pas de bonne raison de garder une personne en vie contre son gré, un acte plus inhumain que de lui accorder la mort pour ainsi quitter ce monde dans la dignité. Ainsi, comme les conséquences du suicide assisté entraînent l’arrêt des souffrances d’un individu dans la dignité, et ce, sans mettre concrètement en péril la vie humaine d’un point de vue mondial, cet acte est moralement acceptable. uploads/Sante/ dissertation-finale 4 .pdf

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  • Publié le Aoû 28, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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