La Revue de médecine interne 36 (2015) 346–351 Disponible en ligne sur ScienceD

La Revue de médecine interne 36 (2015) 346–351 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Carrefour des spécialités La protéomique, une nouvelle technique pour un typage optimal des amyloses Proteomics, a new tool for an accurate typing of amyloidosis M. Colombat a,∗, S. Holifanjaniaina a, S. Onifarasoaniaina a, S. Valleix b, H. Maisonneuve c, J.E. Kahn d, la plateforme protéomique de l’université Paris Descartes (3P5) a Service d’anatomie et de cytologie pathologique, hôpital Foch, 92150 Suresnes, France b Laboratoire de biochimie et de génétique moléculaire, hôpital Cochin, 75014 Paris, France c Service de médecine interne, centre hospitalier départemental Vendée, 85925 La Roche-sur-Yon, France d Service de médecine interne, hôpital Foch, 92150 Suresnes, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Disponible sur Internet le 24 d´ ecembre 2014 Mots clés : Amylose Protéomique Spectrométrie de masse r é s u m é Les amyloses forment un large spectre de maladies rares liées à la présence dans l’espace extracellulaire de dépôts protéiques insolubles de conformation bêta plissée présentant une biréfringence jaune-vert spéci- fique en lumière polarisée après coloration par le Rouge Congo. Une trentaine de protéines sont reconnues comme pouvant être responsables d’amylose. L’identification avec fiabilité de la protéine amyloïde est primordiale car elle conditionne le traitement. Le typage repose actuellement sur l’immunohistochimie et l’immunofluorescence sur coupes tissulaires. Les limites de cette approche sont nombreuses, ce qui se traduit par un typage non informatif dans 15 à 58 % des cas selon les études. Pour pallier ces difficultés, des méthodes de protéomique ont été développées afin de caractériser directement la protéine amyloïde. La technique la plus innovante réalisée à partir d’un bloc de tissu fixé et inclus en paraffine repose sur la microdissection laser suivie par une spectrométrie de masse en tandem. Elle permet de déterminer la nature de l’amylose dans plus de 95 % des cas. Cependant, l’expérience de cette technique est à ce jour très limitée en dehors de celle de la Mayo Clinic (Rochester, États-Unis). En France, une technique de pro- téomique très proche a été mise en place dans le service d’anatomie pathologique de l’hôpital Foch avec des résultats similaires. L’introduction de la protéomique en routine représente un progrès incontestable pour le typage des amyloses. Dans cet article, nous discutons les avantages et les limites des différentes techniques de typage et rapportons brièvement nos résultats de protéomique. © 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Amyloidosis Proteomics Mass spectrometry a b s t r a c t Amyloidosis is a rare group of diseases related to extracellular deposition of proteins in an insoluble beta- pleated sheet structure presenting a characteristic apple-green birefringence under polarized light after Congo red staining. Thirty types of proteins are known to cause amyloidosis. The accurate identification of the amyloid protein is of paramount importance since it is a key step for the clinical management and personalized treatment. Amyloid typing is usually based on immunohistochemistry and immunofluores- cence on tissular sections. This approach has several limits leading to a subtyping failure rate of 15 to 58% of cases. To overcome these difficulties, proteomic methods have been developed to characterize directly the amyloid protein. The most advanced technique carried out on fixed and paraffin-embedded tissue consists of laser microdissection followed by mass spectrometry. The type of amyloidosis can be determi- ned in more than 95% of cases. However, the experience for this technique is very limited apart from the Mayo Clinic (Rochester, United States). In France, a very close proteomic assay has been implemented in the department of pathology of Foch Hospital with similar results. The introduction of proteomics ∗Auteur correspondant. Adresse e-mail : m.colombat@hopital-foch.org (M. Colombat). http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.11.006 0248-8663/© 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. M. Colombat et al. / La Revue de médecine interne 36 (2015) 346–351 347 in clinical practice represents a major improvement for typing amyloidosis. In this article, we discuss the benefits and limits of the different techniques used for amyloid classification and we briefly report our proteomic results. © 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. 1. Introduction Les amyloses forment un large spectre de maladies liées à la présence dans l’espace extracellulaire de différents tissus, de dépôts protéiques insolubles de conformation bêta plissée respon- sables d’une toxicité cellulaire. Ce repliement protéique anormal confère aux dépôts amyloïdes une biréfringence jaune-vert spéci- fique après coloration par le Rouge Congo et analyse en lumière polarisée. Aujourd’hui, une trentaine de protéines sont reconnues comme pouvant être responsables d’amylose [1]. Les amyloses AL (chaîne légère d’immunoglobuline kappa ou lambda), AA (protéine amyloïde sérique A) et ATTR (transthyrétine) représentent plus de 85 % des amyloses. Cette diversité biologique s’accompagne d’une diversité clinique avec un chevauchement entre les tableaux cli- niques des différentes formes d’amylose. Les amyloses peuvent être héréditaires ou acquises, systémiques ou localisées et enfin, avoir des conséquences cliniques minimes ou engager le pronostic vital. L’identification de la protéine amyloïde est primordiale car elle conditionne le traitement. Puisque le traitement est spécifique pour chaque type d’amylose, il est essentiel d’avoir un diagnostic fiable. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’une chimiothérapie (amylose AL) ou une transplantation d’organe (amylose héréditaire ATTR) est envisagée. Il est important de rappeler que l’existence d’un composant monoclonal circulant n’est pas suffisante pour porter un diagnostic d’amylose AL. Lachmann et al. ont montré que 10 % des amyloses étiquetées AL correspondaient en fait à des amy- loses héréditaires [2]1. Le pourcentage d’erreur pourrait être encore plus grand si l’on considère des amyloses non héréditaires comme l’amylose ATTR sénile et l’amylose ALECT2, plus récemment décrite [3–7]. 2. Diagnostic d’amylose Le diagnostic d’amylose est anatomopathologique. Le choix du site biopsique proposé en première intention doit toujours être le moins invasif possible. Quand l’organe atteint est facilement accessible, la biopsie réalisée permet un diagnostic avec une sensibilité élevée, supérieure à 95 % [8]. Dans les autres situations, la stratégie repose sur la présence fréquente de dépôts amyloïdes silencieux en particulier dans les glandes salivaires accessoires, la graisse sous-cutanée et le rectum [8]. Le choix du site à biopsier dépend aussi beaucoup de l’expérience et des habitudes de chaque centre. Le diagnostic d’amylose repose sur l’identification en micro- scopie optique de dépôts amorphes extracellulaires colorés par le Rouge Congo avec une biréfringence jaune-vert caractéristique en lumière polarisée. La coloration par le rouge Congo est la plus spécifique. La congophilie des dépôts est influencée par différents facteurs dont l’épaisseur des coupes. Les coupes réalisées doivent être plus épaisses que les coupes standards, l’épaisseur optimale se situant entre 5 et 10 m [9]. Pour augmenter la sensibilité de détection des dépôts, on peut analyser le rouge Congo sous lumière ultraviolette, donnant une coloration rouge brique aux dépôts amy- loïdes. Il est intéressant de noter que la congophilie des dépôts varie 1 Jaccard A, Desport E, Mohty D, Bridoux F. Amylose AL. Rev Med Interne 2014, sous presse. chez un même patient selon les secteurs. L’âge des dépôts aurait aussi un rôle [9]. Enfin, l’interprétation du rouge Congo requiert une expérience de la part du pathologiste pour éliminer les faux négatifs et les faux positifs. La microscopie électronique n’est pas indispensable au dia- gnostic. Dans les cas difficiles, elle apporte une aide au diagnostic en montrant des dépôts organisés caractéristiques avec des fibrilles de 8 à 10 nm de diamètre [10]. 3. Typage des amyloses par immunomarquage Le typage des amyloses repose actuellement sur une tech- nique conventionnelle, l’immunomarquage. L’immunomarquage fait appel à un panel d’anticorps minimum utilisant pour l’immunofluorescence sur coupes de tissu congelé, les anticorps polyclonaux dirigés contre les chaînes légères kappa et les chaînes légères lambda et, pour l’immunohistochimie sur coupe dépa- raffinées, des anticorps dirigés contre la TTR et la protéine AA. Cependant, les difficultés et les limites de cette technique sont nom- breuses : besoin d’un fragment de tissu congelé, panel d’anticorps insuffisant car ne couvrant pas l’ensemble des protéines candi- dates, fausses positivités, fausses négativités, positivités multiples, etc. [11]. De plus, le pathologiste doit, pour interpréter les lames, être familier avec la lecture des coupes préparées en immuno- fluorescence et connaître certaines données de la littérature. Bien qu’il existe des anticorps commercialisés pour la plupart des pro- téines amyloïdes, leur sensibilité et leur spécificité pose problème. L’ensemble de ces anticorps est produit pour interagir avec la pro- téine sauvage et non avec une protéine modifiée (protéine mutée, protéine tronquée, protéine modifiée sur le plan conformationnel). Un immunomarquage négatif n’exclut donc pas définitivement un type d’amylose. Ceci est particulièrement vrai pour les amyloses AL. Les anticorps commercialisés pour détecter les chaînes légères kappa et lambda ne réagissent pas avec les dépôts amyloïdes dans 7 à 14 % des cas [12,13]. D’un autre côté, il faut savoir que la contami- nation du tissu biopsié par le sang du patient peut donner de fausses positivités par marquage des chaînes légères sériques et non intra- tissulaires. Il doit être également uploads/Sante/ typage-amylose.pdf

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  • Publié le Nov 24, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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