incontournable : le sport est une institution. Qu'est-ce en effet qu'une instit

incontournable : le sport est une institution. Qu'est-ce en effet qu'une institution, sinon un ensemble d'actes ou d'idées tout institués que les individus trouvent devant eux et qui s'imposent plus ou moins à eux ? (Fauconnet, Mauss, 1901). Se pose alors la question centrale de l'adhésion à l'institution sportive mal- gré les traumatismes qu'elle engendre qui sous-tend celle du dopage et nous con- fronte à des pratiques à l'articulation de processus bio-psycho-sociologiques, elles-mêmes inscrites dans un tissu serré d'intérêts médiatiques, économiques, politiques et éducatifs. Car le sport repré- sente probablement un modèle de pureté et d'excellence sans faille dont la mise en doute affecterait le modèle de société qui l'a produit dans ses fondements imaginaires, toute institution représen- tant également un réseau symbolique, socialement sanctionné, où se combi- nent en proportions et en relations variables une com- posante fonctionnelle et une composante imaginaire (Castoriadis, 1975, p.184). Aussi l'élucidation de cette question impose-t-elle un regard complexe où il s'agit de distinguer, sans séparer, des pro- cessus inhérents dans la réalité et l'idéali- té dont le plan en triptyque de ce dossier tente de rendre compte dans le cadre d'une approche complémentariste (Devereux, 1985) de différentes démarches scienti- fiques, toute prétention au monopole explicatif d'une discipline étant vouée à l'échec au sujet du dopage. La sociologie qui guide les deux premiè- res parties de cet article présente cepen- dant une spécificité. Permettre, d'une part, de se détacher du problème social et des représentations dominantes du dopage comme un problème relativement nouveau, d'ordre économique et externe au sport, en construisant un problème P EU APRÈS la coupe du Monde de football 1998, l'affaire Festina éclate sur le Tour de France, et le 21 septembre, l'athlète Florence Griffith- Joyner meurt à trente-huit ans, à peine dix ans après son triple titre de champ- ionne olympique à Séoul, sans que n'aient jamais cessé les rumeurs de dopa- ge à son sujet. Deux affaires qui nous placent au cœur des contraintes de la compétition sportive : avoir des résultats quels que soient les moyens à consentir pour rester au haut niveau. Et si l'on envisage presque comme une nécessité le recours aux produits dopants dans le sport intensif et leur lien avec les drogues, le dopage apparaît alors comme une contradiction majeure du sport du fait des exigences compé- titives au mépris de la santé et de la mise en dépendance au détriment d'une autonomie affichée. La seule enquête française sur la mortalité de sportifs est de ce point de vue accablante pour l'évolution du sport puisque des cyclistes de la période récente semblent évoluer à rebours de la population générale dont la mortalité diminue dans toutes les tranches d'âge depuis 1945 (Mondenard, 1998). Par ailleurs, les statistiques sur l'espérance de vie de 55 ans des footballeurs américains professionnels actuels (la moitié décè- dent à 47 ans) confirment les dégâts du dopage (Mondenard, 2001). Le sport paraît pourtant susciter toujours autant l'engouement du public et des pra- tiquants. Et si des enfants et des adolescents s'identifient aux champions sportifs au point d'y sacrifier tout leur temps dans une pratique intensive, si l'homme moderne se doit d'avoir l'allure sportive, si l'école a fait du sport un moyen d'édu- cation, si l'économie adopte le dynamisme sportif, c'est que le sport est devenu revue toxibase n° 3 - septembre 2001 1 thema Lectures sociologiques et cliniques du dopage - 1 Lectures sociologiques et cliniques du dopage Nous n'en sommes encore qu'à la première étape de l'analyse du dopage. L'irruption du phénomène, pourtant présent dans le mouvement sportif et dans la société depuis de nombreuses années, doit nous amener à une étude précise de ses déterminants sociologiques, historiques et politiques. Le domaine de la prévention du dopage est à repenser pour sortir du clivage de l'image d'un sport éthiquement «pur» et de recettes de prévention toutes faites. Troisième volet de ce themaet non le moindre, la compréhension du fonctionnement psychique du sportif est une nécessité pour la mise en place d'un accompagnement clinique véritable qui ne soit pas seulement fondé sur le sevrage et la médecine. Grâce à la contribution de trois auteurs complémentaires, Jean Pierre Escriva sur le plan sociologique, Serge Simon pour la prévention et Claire Carrier pour la psychologie clinique, ce thema engage une réflexion de haut niveau sur le dopage dont on mesure toujoursdavantage les conséquences en terme de dépendance. Enfin, sur un sujet aussi riche, une bibliographie Toxibase et un repérage des sites Internet permettront d'approfondir les références sur d'autres axes : produits dopants, législation et réglementation, organisation du mouvement sportif… *Jean-Pierre Escriva Sociologue, Professeur agrégé d’EPS chercheur au laboratoire de changement social Univ. Paris VII ATER, UFR, STAPS Univ. des Antilles et de la Guyane, Campus de Fouillole, BP 250, 97157 Pointe-à-Pitre cedex Sport et dopages : une lecture sociologique Jean-Pierre Escriva* sociologique décalé de l'actualité (Cham- pagne et al., 1990) à partir de l'interroga- tion des catégories de perception et de pensée dudit problème. Dégager, d'autre part, un ensemble de déterminismes sociaux d'autant plus opérants qu'ils demeurent latents. Ainsi un choix appa- remment aussi aberrant que le dopage, du point de vue de la santé, s'opère-t-il sous contraintes sociales, en l'occurrence l'ac- tuelle légitimité de l'institution sportive sus- ceptible de favoriser des investissements démesurés dans des pratiques intensives préparant un terrain addictif, si ce n'est des addictions proprement dites, en amont même de l'usage de produits dopants. Enfin, aux antipodes d'une sociologie bavarde dans ses commentaires de problè- mes médiatiques déjà pré-construits, la sociologie à l'œuvre ici, un peu à l'image de la philosophie selon Jacques Derrida, a une plus haute ambition, peut-être plus dérangeante, plus insatisfaisante aussi, car moins pragmatique : celle d'interroger l'institution du social. Et en ne dérogeant pas aux questions des valeurs et du sens, elle réintroduit le doute et nous met face à nos responsabilités, même en tant que spectateur du sport, dans la mesure où le 2 revue toxibase n° 3 - septembre 2001 Soumise au choix de faits essentiels aux yeux du chercheur, de surcroît devant l'im- mensité du matériau historique, aucune recherche scientifique n'est jamais intégra- le. Cependant, même limité ici, l'axe socio- historique s'avère décisif dans la compré- hension d'un problème dont la perception est le produit de catégories datées aux- quelles contribue pour une part une certai- ne sociologie souvent appelée pour exper- tise et surtout de plus en plus médiatisée. Dans une perspective dialectique, la pre- mière section donnera donc des éléments d'importantes études du dopage afin de relever certains de leurs apports, manques et présupposés, et d'en dégager le proces- sus historique dont les façons de poser le problème et les solutions sont à un moment donné le produit , la plupart du temps, faute d'analyse du rapport à l'institution dans sa triple dimension : culturelle, sym - bolique et imaginaire (Enriquez, 1988). voyeurisme est déjà une caution au système. De ces principes découle l'organisation de ce dossier. La première partie, rédigée par Jean- Pierre Escriva, étudie les déterminants socio-historiques du dopage afin d'ap- précier comment le problème est posé par des sociologues et en quoi il n'est pas nou- veau sans être cependant intemporel. Le second développement de l’article de J. P. Escriva est par contreune sociologie orien- tée vers le présent qui rend compte, à par- tir de quelques axes, de déterminants socio-politiques du problème en termes de tendances de développement. Dans la seconde partie de ce thema, Serge Simon analyse les insuffisances des objectifs de prévention du dopage et la nécessité de repenser les méthodes et l’in- tervention de prévention. Enfin, la troisième partie est une analyse clinique des addictions sportives éla- borée par Claire Carrier au cours de plu- sieurs années d'écoute et de soins aux sportifs de haut niveau, fondée sur une psychologie clinique attentive au sujet, à sa souffrance et au sens manifeste ou latent de ses conduites. Cette approche En tant que contradiction majeure du sport, le dopage donne l'occasion de met- tre des théories sociologiques à l'épreuve. Parmi les travaux marquants de ces vingt dernières années, on peut distinguer les grandes enquêtes (les trois premières ici) I - Déterminants socio-historiques du problème permet d’analyser la spécificité des réper- cussions psychopathologiques déclenchées par la pratique sportive intensive. En per- spective avec cette nécessité pourront alors être compris les autres approches psychologiques, expérimentales et cogniti- ves, majoritairement retenues dans le monde sportif d'abord et avant tout orienté vers l'optimisation des performances. Chacun de ces trois axes qui pourraient se lire indépendamment l'un de l'autre, pose des questions spécifiques, sources possibles de désaccords, et appelle éventuellement des réponses de nature différentes voire à l'occasion contradictoires. Mais peut-être en regard de ces insatisfac- tions potentielles, peut-on se référer à l'un des pères fondateurs de l'anthropologie française qui soulignait déjà l'enjeu d'étu- des au carrefour des disciplines : Quand une science fait des progrès, disait Marcel Mauss, elle ne les fait jamais que dans le sens du concret, et toujours dans le sens de l'inconnu. Or, l'inconnu se trouve aux frontières des sciences, là où les professeurs «se uploads/Sports/ lecture-dopage.pdf

  • 33
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Fev 07, 2022
  • Catégorie Sports
  • Langue French
  • Taille du fichier 1.2624MB