% LE VOYAGE Paris. — Imprimerie PAIRAULT & G''", 3, passage Nollct. Louis VUITT

% LE VOYAGE Paris. — Imprimerie PAIRAULT & G''", 3, passage Nollct. Louis VUITTON Fils LE VOYAGE Depuis les Temps les plus Reculés jusquà nos Jours ILLUSTRÉ DE Q.UARANTE GRAVURES SUR BOIS ET DE DEUX PORTRAITS A l'EAU-FORTE PRÉFACE PAR EMILE GAUTIER PARIS E. DENTU, ÉDITEUR LIBRAIRIE DE LA. SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES 3 & S, PLACE DE VALOIS PALAIS-ROYAL 1894 Tous droits réservés. PRÉFACE ES Spécialistes sont toujours extrê- meriient intéressants quand ils parlent — d'abondance — de leur spécialité. Ceci a été vrai, et le restera, de tout temps. Mais c'est surtout en une époque de fermentation tumultueusement encyclopé- dique comme la nôtre, où, tout le monde faisant de la polygraphie à tort et à travers, ^' l'écriture " perd fatalement en profondeur ce qu'elle gagne en surface^ qu'on doit se féliciter de tomber, une fois par hasard, sur un monsieur sachant à fond ce qu'il dit PRÉFACE et connaissant par personnelle expérience le fin du fin de son sujet. Si, par dessus le marché, ce " professionnel " se double d'un artiste et se triple d'un philosophe, semblablement aptes, après avoir mis les choses au point, à en fixer l'esthétique et à en dégager le sens historique et la morale sociale, l'œuvre (quelle que soit la question traitée) prend ipso facto les proportions, le caractère et la physionomie d'une œuvre maîtresse. Tel est justement le cas de M. Louis Vuitton fils, qui, dans le présent livre, dont il a bien voulu me confier le parrainage, s'est avisé d'entreprendre, par les petits côtés, l'histoire du voyage depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Que ce fût là un thème absolument inédit, je me garderai bien de le prétendre. Les rats de bibliothèque ne manqueraient pas de m'objecter, non sans raison, qu'on en pourrait retrouver presque tous les éléments dans les archives vieilles ou jeunes^ et aussi dans certains traités didactiques tels que les grands dictionnaires, si justement renommés PRÉFACE 3 de MM. Viollet-le-Duc, Saglio, Darem- berg^etc. Mais si ces éléments existaient, ils étaient épars ça et là, sans relation réciproque apparente, sans fil conducteur permettant de se reconnaître au sein de leur chaos. Il fallait les rechercher, les retrouver, les Coordonner, en reconstituer la filiation, en exprimer le suc — toutes besognes que les profanes sont obligés de laisser aux dilettantes. C'est de ces besognes que M. Vuitton s'est chargé et qu'il a su accomplir — on va le voir — d'une façon aussi attrayante que suggestive, avec autant d'esprit que d'érudition. C'est par les petits côtés — ai-je dit tout à l'heure — que M. Vuitton a pris l'histoire du voyage à travers les âges. Ce n'est là, bien entendu, qu'une manière de parler, une façon d'expliquer comment et pourquoi dans ce livre, dont j'ai bien volontiers accepté de faire les honneurs au grand public, il s'agit, non pas même des moyens de transport pro- prement dits et de leurs successives vicissi- tudes, mais tout simplement des coffres, bahuts, malles, valises et autres bagages gé- néralement quelconques, dont, aux diffé- rentes époques et dans les différents pays, se PRÉFACE sont, dans leurs pérégrinations vagabondes, servis les voyageurs. M. Vuitton, du reste, était mieux placé que personne pour procé- der, en parfaite connaissance de cause, à cette évocation comparative, puisqu'il est "huchier" — mais quel " huchier ! " — de son état. Ce qui lui valait déjà, dans une certaine mesure, titre, gage et caution Mais la vérité est qu'il n'y a point de petits côtés et que les moindres détails peu- vent avoir souvent, sans qu'il y paraisse, une capitale importance. Au demeurant, la réalité n'est-elle pas faite de détails, qui sont comme la trame de la vie des hommes et des choses? Dis-moi comment tu voyages, et je te dirais qui tu es^ d'où tu viens, quelles sont tes habitudes, tes traditions, ton humeur, quel est ton caractère et ton état d'âme ! Je mets au défi un quiconque, doué d'une pincée de bon sens, et rompu seulement un tantinet à l'art d'observer et de réfléchir^ d'oser s'inscrire sérieusement en faux contre cet apophthegme. Le fait est, par exemple (pour ne pas multiplier les arguments)^ PRÉFACE 5 qu'on reconnaît partout un Anglais, comme qui dirait à vue de nez, à la simple inspec- tion de sa couverture et de son sac de nuit. C'est apparemment que, là comme ailleurs, le style, c'est l'homme. C'est même plus que l'individu : c'est la classe, la profession^ la nationalité, la race^ l'époque. A ce compte-là, l'histoire des bagages se confond, au même titre que l'histoire du mobilier, du vêtement et de l'outillage, avec l'histoire des idées et des mœurs, c'est-à- dire, en quelque sorte^ avec la psychologie. Tout est dans tout , et l'on ne peut se défendre d'une certaine émotion en appre- nant, de la bouche de M. Vuitton — lequel le tient, à ce qu'il paraît, de Diodore de Sicile en personne — que le traditionnel cos- tume des Orientaux, uniformément adopté depuis des siècles, sauf de menues variantes, par des millions d^hommes de toute couleur et de tout poil, et qui répond si bien aux exigences du climat, procède tout bêtement d'une fantaisie de l'impératrice Sémiramis. Comme c'était une personne excessivement remuante et qui n'aimait pas à rester en 6 PRÉFACE place, il lui avait fallu composer de toutes pièces un costume de voyage à la fois com- mode et coquet. La mode en dure encore — et promet d'en durer longtemps— del'Indus au Nil et du Bosphore au golfe Persique, c'est-à-dire au pays de feu la reine de Saba. Si la civilisation industrielle évolue tout entière entre le tombereau grossier, à roues pleines et sans siège, traîné par des bœufs, des Scythes et des Phéniciens, et ces palais ambulants à grande vitesse qui sont les wagons Pullmann, avec sleeping-car et dminsr-car, on peut dire également que presque tous les progrès_, en fait d'art_, de science et de confort, de l'ingéniosité hu- maine, pourraient tenir entre les fourreaux de peaux de bêtes, encore revêtues de leurs poils, où^ pour courir le monde, nos pères les Gaulois enfermaient leur saint-frusquin ru- dimentaire, et les prodigieux « nécessaires » si élégants et si pratiques, justement signés Vuitton, où les modernes glohe- trotters peuvent emporter tout (et même davantage) avec eux, aux antipodes. Telle est l'impresssion qui jaillit de la PRÉFACE lecture de ce livre^ portant la même signa- ture, et dont le réalisme fin de siècle n'exclut pas je ne sais quel archaïque parfum de vieilles chroniques, voire même -— pardon- nez au préfacier cette insinuation un brin vaniteuse ! — de ^' chroniques documen- taires. " EMILE GAUTIER (du Figaro). ,^.^* ^"^J CHAPITRE PREMIER Le Voyage aux temps primitifs E titre de ce modeste travail paraîtra bien un peu ambitieux à nos lecteurs, quand nous leur aurons appris que nous nous proposons de ne traiter que des bagages, coffres, bahuts, malles, etc., en un mot, des objets servant à voyager depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours; à peine effleurerons-nous l'étude des moyens de transport qu'il nous est nécessaire, néanmoins, de ne pas négliger entièrement. L'his- toire observée par ses petits côtés est aussi inté- ressante et nous croyons combler une lacune en examinant au point de vue technique, les diffé- rentes manières dont les hommes ont agi pour rendre leurs déplacements plus profitables pour eux ou plus commodes. Les premières migrations sont, sans contredit, celles des Celtes, descendus originairement des 10 LE VOYAGE plateaux asiatiques du Caucase, où la science croit voir le berceau du genre humain. Combien d'an- nées durèrent leurs voyages et leurs luttes avec la nature et la faune européennes, avant leur établis- sement dans telle ou telle contrée ? Ces questions sont de celles que l'érudition moderne est obligée de laisser sans réponse et qui peut-être ne seront jamais résolues. Le plus lointain souvenir que nous puissions recueillir sur ce point remonte à 3450 ans en arrière de nous. On sait, en effet, d'après les bases de calcul fournies par Diodore de Sicile, Hérodote et d'autres historiens de l'antiquité , que vers l'année 1500 avant J.-C, les Celtes forcèrent par hordes immenses les gorges des Pyrénées, détrui- sirent ou refoulèrent dans la péninsule les popula- tions ibériennes et fondèrent, au milieu d'elles, des colonies assez prospères et assez puissantes pour qu'une partie de l'Espagne ait gardé d'eux le nom de Galice et une autre celui de Celte-Ibérie. Ne parlons que pour mémoire des Ligures, des Ombres ou Ambrons (c'est-à-dire les Courageux) qui s'abattirent sur le Midi, envahirent la pénin- sule italique et parvinrent à se maintenir dans la contrée qui forme la portion la plus avancée au midi de ce territoire et qui a gardé le nom à'Om- hrie. La manière de voyager de ces hordes ne variait point et l'on peut dire que, de nos jours, il est pos- sible d'en avoir des échantillons certains, en obser- LE VOYAGE H vant les procédés des Indiens de l'Amérique du Nord. L'identité des coutumes a frappé un uploads/Voyage/le-voyage.pdf

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  • Publié le Fev 10, 2021
  • Catégorie Travel / Voayage
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