Contrat ou contrainte 2 Une petite leçon d’histoire : Au lendemain de sa prise

Contrat ou contrainte 2 Une petite leçon d’histoire : Au lendemain de sa prise d’indépendance, le Maroc créa par dahirs, décrets royaux, trois instituts sous la tutelle du ministère de l’éducation nationale, ayant pour but de former, préparer de futurs enseignants : CFI1, CPR2 et ENS3 ; chargés respectivement de bâtir des carrières professionnelles dans les trois cycles scolaires (primaire, collège, lycée) ; jusqu’ici tout va bien. Encore que… En l’an 2012, date butoir du plan d’urgence de la réforme du système éducatif marocain, nouveau-né arrivé en retard : CRMEF 4 , «établissement de l’enseignement supérieur qui ne dépend pas de l’université ». En même temps, la troïka se trouve dissolue. Il n’en reste que l’ENS, tombée dans une cruelle disgrâce, à laquelle l’on a octroyé le statut d’«établissement d’enseignement supérieur qui dépend désormais des universités ». Eurêka ! le premier schisme : formation initiale versus formation qualifiante. 1 Centres de Formation des Instituteurs 2 Centres Pédagogiques Régionaux 3 Écoles Normales Supérieures 4 Centres Régionaux des Métiers de l’Éducation et de la Formation Fin 2015, la fonction publique suffoquant, face au manque croissant d’effectifs et de moyens, temps pour le deuxième schisme : formation versus embauche. Avènement inopiné des AREF5 qui, par souci de décentralisation du pouvoir de la part de Rabat, passent dorénavant pour des mini-ministères. Elles organisent les concours d’accès aux CRMEF, où ses fonctionnaires reçoivent, dit- on, une formation de qualité, couronnée par un stage à l’appui. L’employeur : AREF. Type de recrutement : CDD 6 débouchant sur CDI 7 à condition de réussir le fameux cape8 rebaptisé de facto et in profundum examen de qualification professionnelle. Si les enseignants recrutés avant 2016 obéissent à la loi fondamentale des fonctionnaires du ministère de l’éducation nationale, les nouveaux, qui ont emprunté le même parcours, intégré les mêmes écoles, entassé les mêmes diplômes, vont être à la merci d’un projet de loi obscure nommé loi fondamentale des fonctionnaires des académies. Et le féodalisme, institutionnalisé, est de retour en grande pompe ! 5 Académies Régionales de l’Éducation et de la Formation 6 Contrat à Durée Déterminée 7 Contrat à Durée Indéterminée 8 Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement Contrat ou contrainte 3 Contrat résilié sans préavis, ni dédommagement : Étrange situation que celle du gouvernement dont le dessein d’engager de nouvelles énergies dans un secteur aussi vital que l’Enseignement en cache un autre : humilier une centaine de milliers de jeunes tabliers, conduits comme des agneaux, jugés en tant que loups ! Tout se passe comme si, par charité, l’on vient de parachuter au sein des écoles du royaume une poignée de chômeurs toujours insatisfaits des os qu’ils obtiennent depuis des guichets automatiques, hurlant chaque année dans les rues de la capitale, troublant le sommeil des dirigeants de Bab Errouah, siège central du MEN9. Donc ces gens-là oublient vite comment ont-ils sélectionné, trié, enrôlé cette armée blanche qui proteste contre la précarité, l’injustice et la tromperie. Car au moment où les dits contractuels ont signé le contrat, ils ont cru à leurs mensonges : que la seule divergence avec l’ancienne lignée sera l’impossibilité du mouvement hors de la région sous régence de l’académie employeuse. 9 Ministère de l’Éducation Nationale Pire : agrégation, inspection, administration… n’en rêvez plus ! Condamnés à rester dans le même échelon, prisonniers de la même échelle, adieu aux études approfondies, et démissionner se veut sanctionné par être banni des rangs de la fonction publique. Néanmoins monsieur le ministre ne cesse de répéter, lors de ses sorties médiatiques, que les deux catégories des professeurs (fonctionnaires du ministère et fonctionnaires des académies) ont les mêmes droits ; qu’il ne peut exister deux poids deux mesures. Alors, le cas échéant, pourquoi ourdir en catimini un nouveau système discriminatoire ; qui plus est, la nuit, ajouter lâchement des clauses au traité signé le matin ; et dire qu’ils ont accepté les termes depuis le début ? Vous pourriez duper une société déjà élevée dans l’hostilité envers les enseignants, diaboliser ces derniers en achetant les services de quelques plateaux mercenaires. Mais nous prendre pour des rebelles qui refusent d’obtempérer à une autorité légitime, ça, mon cher, c’est le comble de l’hypocrisie. Non ! cher lecteur, nous ne sommes pas des fonctionnaires d’une classe inférieure ou une main d’œuvre à bas coût. Contrat ou contrainte 4 La vie ne fait pas de fleurs à ceux qui y ont semé malheur : À en croire l’étymologie du mot, inspecteur est un emprunt au latin inspector «observateur» : c’est une personne qui critique quand le travail est fini, sans y avoir contribué. Quoi de mieux que cet étymon voyageur pour décrire des gens auxquels l’on a donné du biff10 afin de biffer votre candidature à tel ou tel poste car trop acariâtre pour leurs gargoulettes ; des personnes qui sont passées par les mêmes conditions de boulot, mais vite ignorant la réalité, vu les primes de déplacement, les costumes-cravates, les repas de gala et autres privilèges éphémères. Alors l’on débarque chez vous, flaire votre personnalité, confisque la paperasse sur laquelle votre notation va se baser ; que votre travail au tableau soit déconnecté des fiches présentées, l’on s’en bat les couilles. Séance terminée. Monologue sur la nécessité de motiver les élèves, la couleur des papiers inspectés, les caractères écrits et patati et patata ! merci pour vos conseils clairvoyants, votre soutien insoutenable, enfin votre discours indésirable au goût d’un idéalisme moqueur. 10 www.dictionnairedelazone.fr Il faut se demander : l’on nous prend pour qui : comment pourrait-on étudier une œuvre intégrale avec un public qui ne reconnaît pas les lettres de l’alphabet ; motiver un élève longeant des dizaines de kilomètres sans avoir pris son petit-déjeuner ni de quoi réchauffer ses mains glacées ? à moins que nous ne soyons, à notre insu, pourvus d’une baguette magique dont les bienfaits vous feraient joliment voir des étoiles scintillantes en plein midi. Avec tout le respect que je dois à une minorité vraiment respectable d’inspecteurs, ça ne rime à rien de jeter le linge sale des parents irresponsables, la démotivation des écoliers, le rendement des élèves sur le dos du pauvre enseignant. L’école est notre arche à nous tous, il faut la mener à bien en concentrant les efforts de tous les actants du processus éducatif. Et toute fuite, si négligeable qu’elle puisse paraître, nous entraînera vers notre perte. Certes nous ne pouvons pas endiguer le déluge. Mais tout comme Noé nous devons apprendre à coexister, vivre ensemble sans exclusion, l’objectif étant le bien commun. Ainsi l’École du Peuple retrouvera ses couleurs et sa force. Amine ELGHIAT uploads/s1/ contrat-ou-contrainte.pdf

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  • Publié le Sep 14, 2021
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