FIGURES DU PARQUET Christine Lazerges PREMIERE PARTIE : FIGURES DU PARQUET AU S
FIGURES DU PARQUET Christine Lazerges PREMIERE PARTIE : FIGURES DU PARQUET AU SEIN DE L’UNION EUROPEENNE Le ministère public est aujourd’hui au cœur des débats sur la justice, pas seulement en France mais dans de nombreux Etats du monde. Ce qu’il est important de relever c’est que l’inflation du contentieux pénal doublée de la lutte anti-terroriste, démultiplie les pouvoirs du parquet. Si les modèles étudiés sont tous différents, on peut noter des caractéristiques communes à l’ensemble des Etats. Il y a d’abord la permanence du parquet, les modalités sont diverses mais il est toujours perçu comme une nécessité. Ensuite, il faut noter le caractère ténu du lien entre statut et fonction. Enfin, on ne peut que remarquer l’éparpillement des différentes figures du parquet. LE MINISTERE PUBLIC ALLEMAND, UNE INSTITUTION AMBIVALENTE L’ambivalence du ministère public (suites de l’emprunt napoléonien et des courants libéraux postérieurs) perdure notamment dans la manière de désigner le ministère public. Il y a un lien originaire entre le parquet et l’Etat (« la cavalerie de la justice »). Chargé de l’accusation, le procureur est chargé de l’intérêt de l’Etat (pas d’impartialité contrairement aux juges). Cependant la Cour constitutionnelle fédérale soutient qu’il n’est pas une partie au procès pénal car il est soumis à un devoir d’objectivité. La loi dispose qu’il s’agit d’un organe autonome de la justice. C’est une passerelle entre l’exécutif et le pouvoir judiciaire. D’abord donc le procureur allemand est un « avocat de l’Etat », il sert en effet LE politique. Sa dépendance et totale, il est amovible, et appartient à un corps très hiérarchisé. Il faut noter cependant deux pyramides différentes entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés, chacune étant indépendante par rapport à l’autre (le ministre fédéral de la Justice ne donne aucun ordre aux ministres de la Justice des Lander). En outre le ministère public sert LA politique, à travers notamment les poursuites de l’action publique. C’est la légalité de ces dernières qui est le principe en Allemagne, cependant l’explosion du contentieux pénal atténue fortement la rigueur du principe, certains disent même que le principe de légalité n’aurait déjà plus de sens. 1 Enfin, si chaque Land est indépendant vis-à-vis des autres et de l’Etat fédéral, une certaine politique globale tend à poindre au travers des réunions des ministres des Lander entre eux, plus trois réunions par an avec le responsable fédéral en la matière. Il reste tout de même une grande disparité entre les différents parquets. L’auteur se demande d’autre part, si le procureur allemand ne serait pas à certains égards un juge. La question se pose tout d’abord de savoir s’il ne serait pas juge à la place du juge. Il est le souverain de la mise en état, mais de facto c’est la police qui mène l’enquête, et le procureur en contrôle seulement la responsabilité (n’est-ce pas un rôle propre au juge ?). D’autre part ayant hérité des fonctions du juge d’instruction, il est amené à prendre des décisions importantes eut égard les libertés fondamentales, n’est-ce pas là aussi le rôle d’un juge du siège ? Enfin le développement de la troisième voie en matière pénale fait parfois du parquet un juge avant le juge, même si en Allemagne, on estime qu’il n’y pas de sanction pénale dans ces cas là, puisqu’il y a accord de l’intéressé. Pour la Cour fédérale Allemande le ministère public et les tribunaux forment un tout nécessaire à la réalisation de la Justice. L’auteur de l’article finit sur une question : comment le parquet pourrait-il prétendre à l’indépendance et l’impartialité dès lors qu’il représente et sert l’intérêt public ? ANGLETERRE : UN AUTRE PARQUET ? Traditionnellement la logique de cet Etat est accusatoire, et l’accusation est privée (pas d’action au nom de la société). Donc pendant longtemps, il n’y a eu aucune centralisation entre le déclenchement et les poursuites : la police recherchait les preuves, établissait l’accusation et présentait l’individu au juge, de là, le relais était donné à un avocat, indépendant (en droit) mais de fait fortement lié aux services de police, afin de soutenir l’accusation. Ensuite fut créé, en 1985, le Crown Prosecution Service (CPS), l’accusation devient publique du moins dans la phase post-policière, puisque ce service est indépendant de la police. Si d’abord police et CPS se sont opposés, ils travaillent aujourd’hui ensemble jusqu’à, d’après l’auteur, faire émerger un parquet à deux visages, une interface entre l’exécutif (la police) et le judiciaire (juge de jugement). Pourtant ce CPS a des faiblesses originelles et persistantes. C’est la police qui déclenche les poursuites en opportunité et le CPS n’intervient qu’après cette décision si c’est vers lui que la police envoie l’affaire (ce qui n’est pas forcément le cas même s’il y a poursuites). D’autre part les statuts du CPS ne garantissent pas son indépendance, il y a une certaine responsabilité hiérarchique par rapport à 2 l’exécutif mais contrebalancée par le contrôle des juges du siège (notamment la Court of Appeal), qui peuvent sanctionner les décisions de poursuivre comme celles ne pas poursuivre. C’est donc ensemble que la police et le CPS forment ce que l’auteur appelle un nouveau parquet formé de deux institutions. Si le CPS est créé à l’origine comme un conseil juridique pour assurer le suivi devant les tribunaux, il voit aujourd’hui une extension progressive de ces prérogatives. Il a un rôle nouveau en phase pré-sentencielle, et surtout il a attiré à lui l’orientation des affaires, qui ne dépend plus aujourd’hui uniquement de la police. Le CPS devient même une sorte de contrôle de celle-ci. Pour finir, il faut noter la diversification des poursuites. 25 % des poursuites sont effectuées par des parquets spécialisés, qui gèrent dans leur domaine précis à la fois l’enquête et les poursuites. Le système anglais est donc composé d’une figure duale du parquet généraliste et de différents parquets spécialisés. QUELS VISAGES POUR LE PARQUET EN FRANCE ? Fondé historiquement sur le système inquisitoire, et sur le déclenchement des poursuites au nom d’un intérêt supérieur, le parquet français tel que défini depuis 1958, est à mi-chemin entre l’autorité judiciaire et le pouvoir exécutif. C’est seulement à partir les années 1980, que ce statut hybride semble devenir un problème. Différentes lois modifient le CSM et favorisent la transparence dans les instructions données par l’exécutif. Pourtant les contraintes structurelles comme conjoncturelles (scandales politico-judicaires) entraînent une période de désengagement de l’exécutif et une volonté de modification constitutionnelle. Ceci est aujourd’hui abandonné pour un retour à l’interventionnisme et aux ambiguïtés. Le parquet monte en puissance cela ne fait aucun doute, le principe d’opportunité des poursuites multiplie les options, et transfert certains pouvoirs au ministère public au détriment des magistrats du siège surtout pendant la phase préliminaire du procès. De plus, pour les infractions de faible gravité, les alternatives aux poursuites sont de plus en plus fréquentes et c’est le parquet qui en a la maîtrise presque totale (du déclenchement jusqu’à l’extinction pour exécution de la peine). Enfin la tendance actuelle est de doter le parquet de plus en plus de pouvoirs d’enquête performants et efficaces. Donc le parquet est partout, mais cette augmentation de pouvoir a pour corollaire un plus grand contrôle. Le statut hybride du parquet est porteur de contradictions. Il a un double visage : magistrature (ENM), appartenance à l’autorité judiciaire, garantie des libertés individuelles, et indépendance. Mais il est aussi le représentant de l’Etat, Etat qui contrôle, nomme, révoque… 3 . Il y a donc une subordination verticale incontestable, doublée « d’influences horizontales », c’est dire celle des autorités administratives notamment (préfets, maires…). L’autonomie du parquet est donc ici faible, c’est sans doute une des raisons de sa recherche d’émancipation par rapport à l’institution judiciaire. Le ministère public français est peu contrôlé par l’autorité judiciaire, notamment en matière d’alternatives aux poursuites, où le juge ne fait qu’homologuer (ou pas) le travail du parquet et ne statue aucunement sur la culpabilité. Cela pose un problème en matière d’impartialité de l’autorité de jugement, normalement séparer de l’autorité de poursuite justement pour cette raison. De plus, proche de l’exécutif par sa place accrue dans les politiques locales de prévention et de sécurité, le parquet s’éloigne d’autant plus du judiciaire. Peut-on toujours parler d’unité du corps judiciaire ? Pour l’auteur il faut nécessairement retrouver un principe d’unicité, le retour à un seul visage du parquet que ce soit dans un sens ou l’autre pour redonner du crédit au système français. ASPECTS MODERNES DU MINISTERE PUBLIC HELLENIQUE : INDEPENDANCE ET RESPONSABILITES POUR DES PROCUREURS OMNIPOTENTS Depuis 1911, la constitution hellénique impose l’inamovibilité des procureurs et a créé le CSM (pour les juges comme les procureurs). Mais durant tout le XXème siècle on constate une grande différence entre la réalité et le statut théorique du parquet, même si la tendance s’inverse depuis 1975, l’exécutif reste hostile à une trop grande indépendance. Le principe constitutionnel d’indépendance personnelle et fonctionnelle est donc a relativisé. Si l’inamovibilité est garantie, si les problèmes d’avancement ou de déplacement sont gérés par le CSM, il ne reste pas moins de pression et d’ingérence de l’exécutif et une dépendance au uploads/s1/ figures-du-parquet.pdf
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- Publié le Nov 16, 2022
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