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22/04/2021 07(39 Page 1 sur 17 about:srcdoc Recueil Dalloz Recueil Dalloz 2021 p.752 L'accès aux pièces d'une procédure pénale et leur production dans une autre procédure (1) Antoine Vey, Avocat associé, Inscrit aux barreaux de Paris et Genève, Ancien secrétaire de la Conférence L'essentiel Au cours de l'enquête préliminaire ou de l'information judiciaire, couvertes par le secret, le droit d'accès des personnes privées subit des restrictions injustifiées, alors qu'il est très ouvert s'agissant de l'autorité judiciaire et des administrations. À ce caractère inégalitaire s'ajoute l'incohérence du régime de production de ces pièces, qui ne peuvent en principe pas être utilisées dans le cadre de procédures parallèles, bien que des exceptions légales et des exceptions tirées des droits de la défense permettent d'échapper à cette interdiction. En découle néanmoins un régime marqué par l'insécurité juridique, de sorte qu'une clarification du système apparaît nécessaire et urgente. Les investigations réalisées dans le cadre pénal révèlent souvent des faits, et surtout des pièces potentiellement utiles, voire déterminants, dans une autre procédure. Encore faut-il en avoir connaissance, y avoir accès, en obtenir copie et, le cas échéant, pouvoir les produire. La question se pose notamment lorsqu'un justiciable est engagé dans un contentieux parallèle à la procédure pénale, ce qui est très courant en pratique. Qu'il s'agisse d'une instance civile, commerciale, prud'homale, disciplinaire, fiscale, en droit de la concurrence, etc., l'enjeu peut être de solliciter le gel temporaire de la procédure (sursis à statuer) ou, plus simplement, de pouvoir produire des pièces tirées de la procédure pénale pour renforcer sa position devant les autres juridictions. Or, loin de se résoudre facilement, ce type de situation pose de multiples difficultés, essentiellement liées aux restrictions apportées à l'accès et surtout à l'utilisation des pièces d'un dossier pénal au nom du principe du secret posé par l'article 11 du code de procédure pénale, lequel prévoit que, « sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète » (2). Pierre angulaire de notre système inquisitoire, le secret attaché à la procédure pénale vise théoriquement à garantir le respect de la présomption d'innocence et l'efficacité des enquêtes. Dans les faits cependant, ce principe est à géométrie variable. D'une part, parce qu'il ne s'applique pas uniformément aux autorités judiciaires et administratives et aux justiciables, d'autre part, parce qu'il fait l'objet, surtout dans les dossiers médiatisés, de violations systématiques et très rarement sanctionnées. Enfin, parce qu'indépendamment même de toute fuite, le caractère public de certaines décisions de justice rendues au cours même de la procédure a pour conséquence de révéler des éléments par ailleurs censément couverts par le secret. Dans ces conditions, les restrictions à l'accès et à la communicabilité des pièces se révèlent souvent incompréhensibles et injustifiées. En dernière analyse, le dispositif légal censé encadrer l'accès, l'obtention et l'utilisation des pièces d'un dossier pénal est indûment complexe et manque de cohérence globale, notamment parce que la Cour de cassation n'a pas réussi à accorder ses jurisprudences. Cette insécurité place les justiciables et leurs avocats devant d'inextricables dilemmes, entre besoins de la défense et risque de se trouver sanctionnés à la suite d'une production illicite. Au caractère inégalitaire du droit d'accès aux pièces pénales selon la personne concernée (I) s'ajoutent l'incohérence et l'imprévisibilité du régime de production de ces pièces dans une autre procédure (II), de sorte qu'une clarification du système apparaît nécessaire et urgente. I - L'accès aux pièces issues d'une procédure pénale La phase préparatoire (enquête préliminaire ou information judiciaire) est secrète (3). Le périmètre du droit d'accès aux pièces - lequel comprend le droit de consulter ces pièces et celui d'en obtenir des copies, le premier n'emportant pas nécessairement le second - varie cependant selon la personne concernée (autorités judiciaires, administrations 22/04/2021 07(39 Page 2 sur 17 about:srcdoc spécialisées ou personnes privées) et selon le cadre procédural (enquête, instruction, dossier en cours d'audiencement ou affaire définitivement clôturée). Alors que le droit d'accès des personnes privées aux pièces d'une procédure pénale subit des restrictions indûment complexes et injustifiées (A), cet accès est à l'inverse très ouvert s'agissant de l'autorité judiciaire et des administrations (B), ce qui remet largement en cause le principe de l'égalité des armes et porte des atteintes injustifiées aux droits de la défense. A - L'accès au dossier pénal par les personnes privées En France, l'enquête est à la fois secrète et non contradictoire : seules y ont accès « les personnes qui concourent à la procédure », à savoir les magistrats, greffiers, fonctionnaires de police, gendarmes et experts judiciaires, tenus au secret professionnel en vertu de l'article 11 du code de procédure pénale. Ceux qui y sont directement intéressés (plaignants, mis en cause) n'y ont en principe pas accès, pas plus que leurs avocats (1), encore moins les tiers (2). 1 - Le droit d'accès des parties privées au dossier pénal a - L'accès au dossier de l'enquête préliminaire Au nom du secret, les parties privées n'ont en principe pas accès aux pièces de l'enquête. Par exception, la loi prévoit néanmoins qu'une personne gardée à vue et son avocat ont accès, immédiatement et de droit, au procès-verbal de notification de garde à vue, au certificat médical, et aux procès-verbaux des auditions de garde à vue, sans pouvoir cependant en obtenir de copie (4). Le législateur a également aménagé deux hypothèses d'accès au dossier en cours d'enquête, lesquelles restent néanmoins conditionnées, en pratique, au bon vouloir du procureur. D'une part, l'article 77-2, I, du code de procédure pénale donne le droit à la « personne soupçonnée d'avoir commis une infraction punie d'emprisonnement » de demander au parquet, à l'écoulement d'un délai d'un an après son audition libre ou sa garde à vue, à consulter librement le dossier pour formuler ses observations ou une demande d'acte. Mais ce droit se limite à la possibilité de soumettre une demande, sans garantie de résultat ni recours possible. En effet, aux termes de ce même article, la copie du dossier n'est concrètement mise à la disposition de la personne que lorsque le procureur estime l'enquête terminée et envisage des poursuites (5). Si cette disposition, créée par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, a permis de réintégrer une phase de procédure contradictoire dans l'enquête, celle-ci est laissée à la seule initiative du mis en cause, ce qui restreint évidemment sa portée. D'autre part, toute personne ayant fait l'objet d'une garde à vue en matière de criminalité organisée a le droit, à l'issue d'un délai de six mois après cette mesure, d'être informée de la décision du parquet sur la suite de la procédure : en cas de poursuite de l'enquête, l'avocat de l'intéressé peut consulter le dossier avant toute nouvelle audition, sans pouvoir toutefois en obtenir de copie (6). En pratique, cette règle est rarement mise en oeuvre puisqu'en matière de criminalité organisée, la garde à vue débouche en général sur l'ouverture d'une information. Ce droit de consultation ne constitue dès lors qu'une concession dérisoire masquant difficilement la toute-puissance du parquet à ce stade de la procédure. En dehors de ces cas particuliers, la loi prévoit une autorisation générale d'accès au dossier, laissée au pouvoir discrétionnaire du parquet. D'abord, l'article 77-2 du code de procédure pénale permet au procureur de communiquer de son propre chef tout ou partie de la procédure au mis en cause ou au plaignant pour recueillir ses observations (7). L'hypothèse est assez rare puisque les magistrats attendent en général la fin de l'enquête pénale pour rendre la procédure contradictoire. Pour autant, rien n'empêcherait les avocats de s'appuyer davantage sur cette disposition, le caractère inquisitoire de la procédure relevant davantage de l'habitude que de la stricte nécessité. Ensuite, et de manière plus générale encore, l'article R. 155 du code de procédure pénale autorise le procureur à délivrer des pièces de l'enquête à la demande des parties. Si ce texte semble avoir été envisagé principalement pour les pièces d'une enquête clôturée, rien dans la loi n'exclut a priori qu'une demande soit faite en cours d'enquête (8). Cette possibilité ne saurait toutefois être considérée comme instaurant un droit d'accès général, d'autant que la décision du parquet n'est pas susceptible de recours et que, dans les faits, « les nécessités de l'enquête » justifient l'essentiel des refus. Une fois l'enquête clôturée, le principe du secret tombe. Dès lors, en cas de classement sans suite, les parties peuvent demander à obtenir une copie des pièces de l'enquête sur le fondement de l'article R. 155. En cas de renvoi, de composition pénale ou de convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), les parties acquièrent le droit 22/04/2021 07(39 Page 3 sur 17 about:srcdoc d'accéder librement à l'entier dossier (9). Concrètement, celui-ci est alors transmis à la juridiction saisie et librement consultable au greffe, lequel peut en délivrer copie aux parties, sans qu'aucune restriction sur son éventuelle utilisation future ne soit prévue à ce stade. Face aux restrictions d'accès des parties au dossier de l'enquête préliminaire, la Commission Mattei relative aux droits de la défense dans uploads/s1/a-vey-l-x27-acce-s-aux-pie-ces-d-x27-une-proce-dure-pe-nale-et-leur-production-dans-une-autre-proce-dure.pdf

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  • Publié le Nov 29, 2021
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