Lyon, le 12 mars 2021 Mon Cher Confrère, Vous nous interrogez, par courrier du
Lyon, le 12 mars 2021 Mon Cher Confrère, Vous nous interrogez, par courrier du 5 mars 2021, au sujet d’une convention que souhaite établir une commune par laquelle celle-ci mettrait à disposition de l’antenne locale de la Croix-Rouge française un bâtiment à réhabiliter afin d’y implanter pour 20 ans le lieu d’exercice de sa mission de Samu social. Vous indiquez que « cette mise à disposition aurait lieu à titre symbolique (1 euros) pour toute la durée, la commune récupérant les bâtiments rénovés et entretenus à l’issu de cette convention ». Vous avez pensé que cette convention pourrait être un bail emphytéotique administratif. Vous vous posez diverses questions à ce sujet : • Un bail emphytéotique administratif peut-il être conclu entre la commune et l’antenne locale de la Croix-Rouge ? • Le bail peut-il être stipulé moyennant un loyer d’un euro, sachant qu’un avis des domaines vient d’être rendu validant ce loyer symbolique ? • La conclusion du bail – malgré son caractère quasi libéral et en tout cas dépourvu de tout but lucratif – ne doit-elle pas être précédée de mesures traditionnelles d’appel d’offre ou de publicité avant d’être validée par le conseil municipal ? I. Observations sur les conditions de légalité pour recourir au BEA A. Impossibilité de déterminer le régime juridique du bien donné à bail On fera observer que la conclusion d’un BEA n’est pas réservée au seul domaine public ; il peut également être conclu sur les biens relevant du domaine privé. En l’espèce, nous ne connaissons pas le régime juridique du bâtiment que la commune entend donner à bail emphytéotique administratif (BEA) à l’antenne locale de la Croix-Rouge et il ne nous est pas possible de le déterminer et l’état des informations dont nous disposons. Rappelons que la définition du domaine public immobilier a connu une évolution législative importante, avec l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), le 1er juillet 20061. Au titre de l’article L. 2111-1 de ce Code, « le domaine public d’une personne publique […] est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public ». Cependant, l’entrée en vigueur du Code n’a pas eu d’effets rétroactifs si bien que les critères jurisprudentiels anciens de qualification du domaine public continuent à s’appliquer pour les immeubles des personnes publiques construits avant le 1er juillet 20062. Le domaine privé, quant à lui, est défini de façon négative par rapport au domaine public. Ainsi, l’article L. 2211-1 du CGPPP dispose que « font partie du domaine privé les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1, qui ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions du titre Ier du livre Ier ». • Le premier critère de la domanialité publique est la propriété publique : un bien ne peut pas intégrer le domaine public s’il n’est pas la propriété exclusive d’une personne publique3. • Le deuxième critère de la domanialité publique concerne l’affectation à l’utilité publique. Ce critère est rempli si le bien est affecté à l’usage direct du public ou à un service public, pourvu qu’il soit, dans ce dernier cas, aménagé à cet effet. B. Intérêt du BEA par rapport au bail emphytéotique de droit privé L’article L. 1311-2 du CGCT dispose qu’« un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l’objet d’un bail emphytéotique prévu à l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence ou en vue de l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public. Ce bail emphytéotique est dénommé bail emphytéotique administratif ». Le choix de conclure un bail emphytéotique de droit privé ou de droit administratif sur le domaine privé n’est pas d’ordre public. Il est laissé à la libre appréciation de la personne publique propriétaire du bien. En revanche, la conclusion d’un bail emphytéotique « de droit privé » sur le domaine public est illégale. La conclusion d’un bail emphytéotique « administratif » présente un triple avantage : • D’abord, il permet d’imposer au preneur le maintien de la destination, ce que ne permet pas le bail emphytéotique de droit privé4. Le BEA permet à la commune de contrôler l’opération, puisque dans le cadre d’un tel contrat, non seulement la nature et la destination des ouvrages sont imposées par la collectivité bailleresse, mais de surcroît, le droit réel conféré au preneur ne peut être cédé ou hypothéqué qu’avec son agrément5. • Ensuite, il permet de lever le problème de légalité d’un bail emphytéotique « classique » au regard du principe d’inaliénabilité du domaine public6. La conclusion d’un bail emphytéotique administratif est légale – comme nous l’avons dit – que le bien relève du domaine public ou privé de la commune. • Enfin, le bail emphytéotique administratif est – comme son nom l’indique – un contrat administratif. Par conséquent, la commune dispose, tout au long du bail et dans le silence du contrat, d’un pouvoir de résiliation unilatéral pour tout motif d’intérêt général. Néanmoins, pour qu’un BEA puisse être conclu sur un bien public il faut que les conditions de l’article L. 1311-2 du CGCT soient réunies : l’activité prise en charge par le preneur doit être une opération d’intérêt général relevant de la compétence de la commune. C. Question relative aux conditions de légalité pour conclure le BEA Pour autoriser la commune à conclure le BEA avec l’antenne locale de la Croix-Rouge, il faut que les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 1311-2 du CGCT soient remplies. Le BEA doit porter sur « la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de […] compétence » du bailleur public. • En premier lieu, l’activité du preneur doit présenter un caractère d’intérêt général. Sur ce point, il ne fait évidemment aucun doute que l’activité prise en charge par une la Croix-Rouge (qui est – rappelons-le – une association reconnue d’utilité publique) est d’intérêt général. • En second lieu, l’activité exercée par le preneur doit relever de la compétence du bailleur (en l’occurrence, la commune). On fera observer que le Conseil d’Etat a une conception relativement souple de l’opération relevant de la compétence du bailleur public. Le juge se contente en effet de vérifier que l’activité assurée par le preneur dans le cadre du BEA n’est « pas étrangère » aux missions du bailleur public7. Peut-on considérer que l’activité de Samu social pourrait relever des compétences du bailleur public (au sens de l’article L. 1311-2 du CGCT) ? A priori, cela ne semble pas impossible. Rappelons qu’une activité de Samu social (Service ambulatoire d’urgence sociale) consiste à venir en aide aux personnes démunies. On peut lire, notamment, sur le site internet de la Croix-Rouge que « le dispositif d’urgence sociale de la Croix-Rouge française regroupe les activités d’accueil, d’information et de réponse immédiate aux besoins vitaux des personnes sans abri ». Cette mission s’exerce à travers trois objectifs : • Favoriser la rencontre et le dialogue dans le cadre de maraude : « la priorité de nos équipes sur le terrain est d’aller à la rencontre des personnes à la rue et de maintenir, voire recréer un lien social. L’objectif, quand elles le souhaitent, est ensuite de les orienter vers une solution d’hébergement qui leur convienne ». • Apporter soutient moral et aide matérielle d’urgence : « lors de ces maraudes, les équipiers du Samu social distribuent des boissons, chaudes ou fraîches, de la nourriture, mais peuvent également fournir de manière exceptionnelle des vêtements, des couvertures, des duvets, des produits d'hygiène... Cette aide matérielle, souvent très appréciée, n'est cependant qu'un prétexte pour établir un dialogue. Petit à petit, à force de rencontres et d'échanges, les contacts se créent, favorisant ainsi le maintien du lien fragile avec la société ». • Orienter vers les solutions d’hébergement ou de soins : « en relation avec le numéro d’urgence sociale 115, les équipes du Samu social peuvent informer les personnes sur les solutions d'hébergement dont elles peuvent bénéficier, leur laissant le choix d'accepter ou non cette aide. Dans certains cas, le transport des personnes vers les lieux d'hébergement est assuré par l'équipe elle-même. Lorsque l'état de santé ou les blessures de la personne le nécessitent, celle-ci est orientée vers un milieu hospitalier par les secours spécialisés. Une fois arrivée au centre d’hébergement d’urgence (CHU), la personne sans abri va pouvoir bénéficier d’une chambre individuelle (2 personnes maximum) pour la nuit. Sur place, un travailleur social effectue un premier diagnostic et lui propose un accompagnement social adapté à son histoire et à ses besoins ». Il est vrai que le département dispose d’une compétence de principe en matière d’aide sociale. Ce rôle dans le secteur social a notamment été confirmé par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République dispose que le département est compétent « uploads/s1/cridon1.pdf
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- Publié le Apv 05, 2021
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