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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/280045497 Questions de style Article · January 2007 CITATIONS 0 READS 17 2 authors, including: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Répétition et signifiance; discours programmateurs; paradoxe; ethos représenté; etc. View project Rabatel Alain université de Lyon1 254 PUBLICATIONS 1,322 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Rabatel Alain on 22 April 2019. The user has requested enhancement of the downloaded file. Ainsi que le rappelle opportunément Latour dans un dialogue imaginaire avec un apprenti-chercheur, on peut avoir plusieurs points de vue sur un objet. Loin de conduire au relativisme, l’articulation des points de vue théoriques permet de mieux rendre compte de la complexité objective des objets : (1) Qu’est-ce qui vous fait penser qu’« adopter un point de vue » signifie « être limi- té » ? ou être spécialement « subjectif » ? [...] Si vous pouvez avoir différents points de vue sur une statue, c’est parce que la statue elle-même est en trois dimen- sions et vous permet, oui, vous permetde tourner autour. Si une chose rend possi- ble cette multiplicité de points de vue, c’est qu’elle est très complexe, intriquée, bien organisée, et belle, oui, objectivement belle. [...] Ne croyez pas à toutes ces foutaises sur le fait d’être « limité » à votre propre perspective. Toutes les sciences ont inventé des moyens pour se déplacer d’un point de vue à un autre, d’un cadre de référence à un autre. [...] C’est ce qu’on ap- pelle la relativité. [...] Si je veux être un scientifique et atteindre à l’objectivité, je dois être capable de naviguer d’un cadre de référence à l’autre, d’un point de vue à l’autre. Sans de tels déplacements, je serais limité pour de bon dans mon point de vue étroit. (Latour, 2006 : 210-213) Cette remarque méthodologique nous servira de guide dans notre approche d’u- ne notion complexe s’il en est, celle du style, et dans celle de quelques unes de ses relations avec les notions affines d’idiolecte et d’ethos, qui ne seront abordées que secondairement. À rebours des simplifications critiquées par Latour, Genette 2006 : 96, distin- gue, à propos de « contemporain » (mais le raisonnement pourrait être étendu à d’autres catégories stylistiques) un « sens factuellement temporel, “absolu” si l’on veut par relation implicite au moment de l’énonciation (contemporain tout court, sous-entendu du locuteur) » et un sens « relatif (contemporain de Louis XI, de Napoléon, de Félix Faure) ». La distinction entre prédicats esthétiques, abso- lus, et prédicats historiques, relatifs, explique qu’une œuvre qui n’appartient pas à une époque dite « baroque » relève néanmoins du style baroque. Autrement dit, les 15 PRATIQUES N° 135/136, Décembre 2007 La dialectique du singulier et du social dans les processus de singularisation : style(s), idiolecte, ethos Alain Rabatel ICAR, UMR 5191, CNRS, Universités de Lyon 2 et Lyon 1 approches historico-stylistique et esthético-stylistique appréhendent tantôt le style comme un absolu, tantôt dans sa dimension historique relative (1). Non seule- ment il est possible de parler valablement du style sous ces deux entrées, mais el- les gagnent à être articulées, y compris avec d’autres cadres d’analyse. Ce raisonnement peut (et devrait) être appliqué non seulement au style, mais encore à l’idiolecte et à l’ethos, pour s’en tenir ici aux notions qui sont au cœur de notre interrogation. Comme il est hors de question de présenter de façon détaillée, en un article, ces trois notions connexes, on traitera ici de leurs relations à partir de l’hypothèse que style, idiolecte et ethos sont travaillés par une même et forte dia- lectique, celle de l’individuel et du social (2), dans l’expression de la subjectivité. Les théorisations du style, de l’idiolecte ou de l’ethos se distinguent selon l’atten- tion accordée à cette dialectique et aux formes sous lesquelles elle se manifeste. Ainsi l’approche individuelle de l’ethos privilégiera les traits de caractère (singu- liers) tandis qu’une approche plus sensible aux vertus qu’il convient de manifester dans son discours selon les circonstances mettra en avant les mœurs, les vertus partagés par tel auditoire. De même, les spécialistes des registres (sublime, moyen, bas) ou de l’approche générique du style (3) accorderont davantage d’at- tention aux traits stylistiques en lien avec les circonstances, les publics, les gen- res, tandis que les tenants de la notion de style d’auteur, des approches herméneu- tiques ou génétiques du style valoriseront les traits singuliers d’une parole singu- lière, souvent cantonnée dans le domaine artistique (4). Les théorisations de l’idio- lecte n’échappent pas à ces tensions, rapprochant les traits idiolectaux des traits sociolectaux ou idiosyncrasiques, oscillant entre caractéristiques linguistiques permanentes ou ajustées en tenant compte du regard d’autrui. Seule une approche moniste est de nature à rendre de compte de l’ensemble des phénomènes en ten- sion selon une approche continuiste de l’actualisation, ainsi qu’on le verra dans la première partie, consacrée plus spécifiquement à l’approche moniste du style, dé- finissant ce dernier comme recherche de l’affirmation de soi et d’une singularisa- tion de la parole dans le cadre du jeu avec les contraintes socio-culturelles des gen- res, qui s’imposent aux individus. Dans une deuxième partie, on s’attachera aux relations entre style, idiolecte et ethos. On définira l’idiolecte comme tension singularisante de soi pris dans la dia- lectique coénonciative et interactionnelle et l’ethos, comme parole incorporée à des fins argumentatives. Dans les trois cas, l’approche moniste ne repose pas sur une sélection arbitraire de traits mais sur l’ensemble du matériau langagier (et des paramètres paraverbaux), rapporté à des genres, à la dialectique du même et de l’autre ou à des fins argumentatives. Les processus de construction et d’affirma- tion de soi opèrent ainsi dans des processus de singularisation socialisés de part en part. 16 (1) Cf. Vouilloux, 2005 pour une analyse des « prédicats stylistiques ». Vouilloux distingue « prédicats caractérisants », répondant à la question du « Comment ? » – subdivisés en pré- dicats classifiants (dramatique), évaluatifs (sublime , vulgaire) affectifs (poignant) – et « prédicats déterminatifs », répondant aux questions « De qui, d’où, de quand ? » (hugolien, baroque, toscan). Cette classification définit le style moins comme expression d’une pa- role singulière que comme processus de stylisation secondaire et consciente des discours. (2) Il va sans dire que le social inclut les dimensions culturelles, esthétiques, idéologiques, etc. (3) Compte tenu de l’abondance de la matière, la réflexion sur le style est limitée à la question langagière. (4) Toutefois l’analyse génétique ne se cantonne pas nécessairement à l’étude des manuscrits d’écrivain, comme le montre, ici même, l’article de S. Plane. 1. Style ou styles ? Les entrées « style » des dictionnaires spécialisés soulignent l’« hétérogénéité de la conceptualisation » et le « flou de la catégorisation » (Molinié, 1992 : 304). Dans le Gradus, le lecteur ploie sous la liste de qualificatifs (bas, calepin, coupé, épithétique, familier, féminin, homérique, hypotaxique, incisif, indirect, indirect libre, noble, oratoire, périodique, savant, simple, soutenu, sublime, télégraphi- que) qui ne définissent guère la notion ; il est à peine plus éclairé par la rubrique « stylème » (« ensemble de marques du style personnel ») (Dupriez, 1980 : 416) car la formulation élude le débat sur la nature des marques, continues ou disconti- nues. Le lecteur du Dictionnaire de rhétorique est confronté à de semblables em- pilements de qualificatifs avec les styles sublime, moyen, bas (qui recoupent res- pectivement les styles asian, rodhien, attique) ou encore abondant vs bref, fleuri vs sec. Mais les qualifications emmêlent de façon pré-théorique les notions de genres, de niveaux, sur un plan souvent normatif. 1.1. Tensions constitutives de la notion de style Nous partirons d’un extrait d’un roman récent qui offre le mérite, à nos yeux, de bien poser la complexité de la notion de style, si l’on en juge par les trois défini- tions différentes qui en sont données successivement par le même locuteur, alors qu’il n’a pas conscience d’exprimer des points de vue distincts, qui mériteraient d’être articulés : (4) — Maître Osman m’a montré, à partir des merveilleuses images des maîtres an- ciens, que tu possèdes un style, m’a-t-il répondu. Il m’a expliqué que ce défaut ca- ché, le style, n’apparaît pas chez un artiste de son propre chef, mais du fait de moti- vations profondes, enfouies dans sa mémoire. Il m’a aussi appris que ces petits écarts, ces erreurs, ces faiblesses, qui, à une époque, celle de nos maîtres anciens, valaient à leurs auteurs l’opprobre et le mépris et se trouvaient proscrits, refoulés de leur art, vont dorénavant, sous l’influence massive et universelle des peintres d’Europe, gagner peu à peu des lettres de noblesse, comme marques de style, d’o- riginalité. Dorénavant, tous les crétins, soucieux d’étaler avec complaisance leurs ineptes insuffisances, s’attachent à rendre le monde bariolé et fou, un monde brouillé, nettement moins parfait. » Sa façon de s’écouter, de croire à tout ce qu’il débitait, montrait combien il faisait lui-même partie de ces crétins. « Maître Osman est-il en mesure d’expliquer pourquoi j’ai toujours, uploads/s3/ 82-2007k-pratiques-style-rabatel.pdf
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- Publié le Mai 27, 2021
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