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11/8/13, 2:19 PM André Schaeffner et les origines corporelles de l’instrument de musique Page 1 of 17 http://methodos.revues.org/2481?lang=en Methodos Savoirs et textes 11 | 2011 : L'instrument de musique L'instrument de musique André Schaeffner et les origines corporelles de l’instrument de musique ANNE BOISSIÈRE Abstracts Français English André Schaeffner (1895-1980), auteur du grand ouvrage Origine des instruments de musique paru en 1936, propose une réflexion sur l’instrument de musique qui est loin d’être confinée au seul champ de l’ethnologie. La considération de la musique de son temps, notamment en l’œuvre de Stravinsky, la méditation sur l’origine du théâtre et sur la tragédie, avec Nietzsche, contribuent à forger une conception de l’instrument qui est inséparable d’une philosophie de la musique. En explorant le thème central des « origines corporelles » de la musique, cet article présente trois aspects principaux au vu desquels André Schaeffner s’avère problématiser le statut de l’instrument en relation avec le corps sonore et rythmicien : le refus du dualisme entre la voix et l’instrument, le refus d’une origine manuelle des instruments, enfin l’idée d’une organologie du théâtre. Author of the classic study Origine des instruments de musique published in 1936, André Schaeffner (1895-1980) offers a reflection upon musical instruments which is a far cry from remaining within the confines of pure ethnology. Pondering the music of his own era, especially in the work of Stravinsky, as well as meditating over the origin of theatre and, following Nietzsche, over tragedy contributes to bringing about a conception of the instrument which cannot possibly be separated from a philosophy of music. This article, as it explores the central topic of music’s « corporeal origins », presents three principal aspects in the light of which André Schaeffner is shown to thematize the status of the instrument as linked to the body sonorous and rhythmic : first, by rejecting any kind of voice-instrument dualism ; secondly, by refuting claims as to a supposedly manual origin of instruments, leading finally up to the idea of an organology of theatre. 11/8/13, 2:19 PM André Schaeffner et les origines corporelles de l’instrument de musique Page 2 of 17 http://methodos.revues.org/2481?lang=en Index terms Mots-clés : André Schaeffner, corps, ethnologie, Igor Stravinsky, rythme, théâtre, voix Keywords : André Schaeffner, body, ethnology, Igor Stravinsky, rhythm, theatre, voice Full text André Schaeffner1 est une personnalité atypique, dont les contributions enrichissent autant les domaines de la critique musicale, de la musicologie que de l’ethnologie. En ce qui concerne l’instrument de musique, on le range en général du côté de l’ethnologie, avec son ouvrage magistral paru en 1936 Origine des instruments de musique2. Comme le signale Gilbert Rouget3, la contribution de Schaeffner à l’ethnologie musicale est centrale et Origine des instruments de musique est un ouvrage majeur par son contenu, et par le fait qu’il est un livre, dans un domaine où les études, très fragmentaires, n’engagent pas en général la globalité d’un point de vue. 1 La réflexion de Schaeffner sur l’instrument de musique peut toutefois être abordée, ce qui sera le cas ici, en adoptant un autre angle que celui de l’ethnologie. On peut à cet égard mentionner, tout d’abord, que la question de l’instrument de musique n’est pas le privilège exclusif de l’ouvrage Origine des instruments de musique, ni d’ailleurs des textes consacrés aux musiques extra-européennes ; Schaeffner étend son approche de l’instrument de musique au-delà des musiques dites primitives4. Mais la justification pour sortir de l’ancrage de l’ethnologie tient surtout à la cohérence d’une pensée de la musique, qui n’est qu’en apparence tiraillée entre les domaines de la musicologie, de la critique musicale et de l’ethnologie. Schaeffner élabore l’unité d’une pensée qui, pour n’être pas systématique, n’en développe pas moins une perspective qui intéresse la philosophie de la musique. Schaeffner n’a jamais cherché à adosser sa réflexion sur la musique à une philosophie constituée. En revanche, il est manifeste qu’il poursuit incessamment une interrogation sur le statut de la musique, et il est notoire qu’il le fait, certes, en s’ouvrant aux musiques dites primitives, mais tout autant en méditant l’apport de la musique de son temps – au premier chef Claude Debussy et Igor Stravinsky –, qu’en réfléchissant de façon continue au théâtre. Schaeffner, penseur de l’instrument, nous convie plus qu’un autre à réfléchir à ce que nous appelons « musique », tant son approche de l’instrument de musique est liée à une réflexion plus générale, et de type philosophique, sur la musique. 2 Délaissant la question, au demeurant tout à fait intéressante, de la classification des instruments de musique, nous nous proposons comme objectif de travailler ce qui nous semble être le paradoxe le plus stimulant de l’approche par Schaeffner des instruments de musique : d’un côté, accorder le maximum à l’instrument de musique – peu de penseurs de la musique ont fait autant de place à l’instrument – ; de l’autre côté, et en même temps, relativiser incessamment le statut de l’objet instrument de musique. Bien que Schaeffner ait passé toute sa vie à observer et à comprendre des plus concrètement l’instrument de musique, il fait du refus de la réification de l’objet, une dimension intrinsèque de sa pensée de l’instrument. On est toujours finalement renvoyé chez lui, pour comprendre l’instrument de musique, à l’idée d’une « musique corporelle », selon une orientation de pensée qui, à notre avis, ne vaut pas simplement pour les musiques primitives mais a une portée beaucoup plus générale : « n’oublions pas que la musique instrumentale n’est issue d’aucun instrument particulier »5. 3 11/8/13, 2:19 PM André Schaeffner et les origines corporelles de l’instrument de musique Page 3 of 17 http://methodos.revues.org/2481?lang=en 1. L’unité d’une pensée entre musique, danse, théâtre C’est cette idée d’une musique corporelle que nous voulons interroger, en sa formulation initiale ou inaugurale, au chapitre un, « Origines corporelles », de l’Origine des instruments de musique, en prenant toutefois la liberté de circuler dans l’ensemble du livre et des écrits de Schaeffner. Nous aimerions montrer qu’en ce chapitre, Schaeffner n’en reste pas à une approche ethnologique traditionnelle, celle qui entérine l’intrication effective de la musique et de la danse dans les sociétés primitives. Car au-delàdu simple rapport entre musique et danse, se construit une problématisation de la musique, et avec elle de l’instrument, qui s’organise autour de trois points saillants qu’il convient expressément d’explorer en eux-mêmes et en leurs conséquences : premièrement, le refus d’une conception dite « exagérément vocale de la musique »6, lequel se prolonge dans le refus du dualisme entre la voix et l’instrument ; deuxièmement le refus d’une « origine manuelle »7 de l’instrument, dans l’affirmation que l’instrument de musique n’est pas ce dont on ferait usage ; troisièmement, enfin, cette idée assez étonnante selon laquelle il pourrait y avoir un « instrument de spectateur » : dès l’ouverture de l’Origine des instruments de musique, Schaeffner place la musique du côté du spectacle et de la visibilité, élargissant au domaine du théâtre la question de l’instrument, comme le confirme effectivement le chapitre quatre intitulé « organologie du théâtre ». Pour Schaeffner, l’instrument n’apparaît donc pas appartenir à la seule musique, et a fortiori à la musique instrumentale. 4 Avant d’examiner de plus près ces aspects singuliers, il est nécessaire de présenter quelques orientations plus générales de la pensée de la musique de Schaeffner, afin de mieux situer la perspective sur l’instrument. Son effective polyvalence lui vaut parfois un léger reproche d’éclectisme de la part de ses commentateurs. Si on reconnaît unanimement à Schaeffner une érudition hors pair, on a parfois du mal à le situer, y compris dans les domaines où sa pensée paraît la plus arrimée. Olivier Roueff, qui lui consacre en 2006 un article8 extrêmement circonstancié, souligne par exemple que Schaeffner est très peu évoqué dans les travaux d’ethnologie musicale depuis une vingtaine d’années, et lui-même s’emploie à montrer, de façon fort instructive, que les démarches prétendument ethnologiques de Schaeffner relèvent en réalité d’une méthodologie et de présupposés qu’il faut aller chercher ailleurs. Il est très important de souligner que Schaeffner, en réalité, n’a jamais revendiqué le point de vue du spécialiste, pas plus du côté de l’ethnologie que de la musicologie. On peut mentionner qu’il n’a suivi aucun cursus universitaire systématique en ethnologie, et c’est davantage par le biais de ses relations personnelles, dans le milieu lettré parisien de l’époque, et notamment à la faveur de sa rencontre avec Georges Henri Rivière, qu’il accède au milieu de l’ethnologie. C’est un peu l’analogue pour la musique. Schaeffner, lors de sa formation, suit des cours à la Schola Cantorum tenue alors par Vincent d’Indy, mais sans véritable professionnalisme, et on sent bien que ce n’est pas de là qu’il tire la teneur de ses travaux sur la musique. La pensée de Schaeffner, d’ailleurs, n’a pas reçu de véritable accueil par le milieu musicologique universitaire9. Schaeffner aimait à se définir comme un « esthète bohème »10, ou comme l’écrit sa femme Denise Paulme, comme un « artiste d’abord et 5 11/8/13, 2:19 PM André Schaeffner et les origines corporelles de l’instrument de musique Page uploads/s3/ andre-schaeffner-et-les-origines-corporelles-de-l-x27-instrument-de-musique.pdf
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- Publié le Jan 12, 2021
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