Hygiène et sécurité du travail – n°249 – décembre 2017 72 72 ÉTUDES & SOLUTIONS

Hygiène et sécurité du travail – n°249 – décembre 2017 72 72 ÉTUDES & SOLUTIONS w wLA PROBLÉMATIQUE : L’accrochage des volailles avant leur abattage constitue une tâche exigeante sur le plan physique. C’est aussi l’activité la plus critique en termes d’exposition aux poussières. Les poussières provenant des fientes et des plumes des volailles contiennent de nombreuses bacté- ries. Certaines d’entre elles peuvent provoquer des infections chez l’homme, comme l’ornithose, maladie se transmettant par inhalation et pou- vant donner des formes pulmonaires graves [1]. Des cas d’ornithose surviennent régulièrement dans les abattoirs de volailles [2]. En outre, les fientes sont riches en bactéries et endotoxines provenant de la surface de bactéries Gram négatif. L’inhalation des endotoxines entraîne des effets inflammatoires et peut conduire à une altération de l’état général et des atteintes aigües, mais aussi chroniques irréversibles de la fonction respira- toire, comme cela a été montré pour les éleveurs de volailles [3, 4]. Ces poussières peuvent également induire des manifestations de type allergique. C’est pourquoi l’INRS et les Carsat Bretagne et Pays- de-la-Loire ont décidé d’établir des préconisations pour la ventilation de ces postes d’accrochage, afin de réduire l’exposition des opérateurs. w wLA RÉPONSE DE L’INRS ET DES CARSAT : La réflexion s’est appuyée sur l’évaluation des ins- tallations existantes dans les abattoirs, au moyen de mesurages des poussières inhalables et des carac- téristiques aérauliques des locaux d’accrochage, sur 18 lignes dans 15 abattoirs. Pour certaines lignes d’accrochage, les mesures ont été répétées à deux ou trois ans d’écart, après des modifications du dis- positif de captage et de l’installation de ventilation. Dans certains cas, des mesures comparatives des poussières inhalables ont été réalisées le même jour avec dispositif de captage en fonctionnement et avec dispositif arrêté. Concernant l’exposition aux bioaérosols (endo- toxines, bactéries, moisissures), seules quelques mesures ponctuelles ont pu être réalisées. Pour mémoire, il n’existe pas de corrélation entre la concentration en poussières inhalables et la quantité d’agents biologiques présents. Cependant, une réduction des aérosols inhalés va dans le sens d’une plus faible exposition. Description de l’accrochage Les volailles arrivent à l’abattoir par camions, dans des caisses ou des conteneurs qui sont déchargés sur une aire d’attente. Les zones d’attente des volailles vivantes sont généralement équipées de ventila- teurs et de systèmes de brumisation pour les rafraî- chir et limiter leur mortalité en période chaude. Les conteneurs ou caisses alimentent ensuite une chaîne d’accrochage où des opérateurs saisissent les volailles par les pattes pour les accrocher à des étriers sur un convoyeur aérien qui les transfèrera vers le local de saignée. L’accrochage est une tâche générant d’importantes contraintes physiques. Les cadences dépendent de l’espèce de volailles ; elles peuvent atteindre de 500/h/accrocheur pour les dindes et les canards gras à 1 200 pour les pou- lets (Cf. Tableau 1). Les poulets pèsent de 1,5 à 2 kg, alors que les dindes atteignent de 5 à 20 kg. La saignée est réalisée sur des volailles plongées dans un état d’inconscience. À cet effet, le procédé le plus répandu est l’étourdissement par élec- tronarcose, réalisé juste après l’accrochage des volailles conscientes. Il existe un autre procédé, l’anesthésie par CO2, qui est mis en œuvre avant l’accrochage des animaux. Il offre l’avantage, pour les accrocheurs, de manipuler des volailles inertes qui émettent moins de poussières. Il n’est cepen- dant pas applicable aux canards car ils peuvent se mettre en apnée. L’anesthésie des volailles permet également de limiter les contraintes physiques des opérateurs et d’améliorer les conditions de travail (diminution des griffures, des salissures, possibi- lité de travailler en lumière naturelle, d’augmenter l’éclairement des postes de travail…). En réponse au stress subi lors de leur manipula- tion, les volailles battent des ailes, ce qui favorise ISABELLE BALTY INRS, département Expertise et conseil technique GUY LE BERRE, SAMUEL MORIN Centre de mesures physiques de l’Ouest (Cimpo), Carsat Bretagne SÉBASTIEN NICOLAS Laboratoire interrégional de chimie de l’Ouest (Lico), Carsat Pays- de-la-Loire NICOLAS PESIGOT, ALBERT SERVANT Carsat Pays- de-la-Loire Étude de cas EXPOSITION AUX POUSSIÈRES ÉMISES PAR LES VOLAILLES AUX POSTES D’ ACCROCHAGE EN ABATTOIRS Hygiène et sécurité du travail – n°249 – décembre 2017 73 73 la mise en suspension des poussières. L’intensité de l’agitation dépend notamment de l’espèce et du mode d’élevage, les dindes et les canards gras étant moins agités que les poulets de plein air et les canards maigres. Afin de réduire le stress et l’agitation des animaux, des mesures sont prises dans les locaux d’accrochage, telles que l’éclairage en lumière bleue et l’ajout de barres ou tôles anti- stress, sur lesquelles vient s’appuyer le bréchet (la poitrine) des animaux accrochés. Configurations des lignes d’abattage étudiées Différentes configurations ont été observées dans les 15 abattoirs où se sont déroulés les mesurages : accrochage sur le quai de déchargement (deux lignes), dans un local ouvert ventilé (huit lignes) ou dans un local fermé ventilé (huit lignes). Deux abattoirs pratiquaient l’anesthésie CO2 sur des poulets, l’accrochage se faisant dans un local ouvert. À l’exception des deux lignes d’accrochage sur quai, les locaux d’accrochage étaient ventilés mécaniquement, au moyen de caissons aspirants situés derrière le plan d’accrochage des volailles. L’air de compensation était diffusé au moyen d’une gaine de diffusion d’air ou d’un plénum soufflant. Mais pour sept lignes (dont trois en local fermé) sur seize, il n’y avait pas de système mécanisé d’apport d’air de compensation, cette dernière se faisant donc naturellement. L’accrochage se faisait généralement sous lumière bleue et un dispositif antistress, de type barre ou tôle, n’était installé qu’au niveau de 8 lignes sur 17. Selon les abattoirs, les volailles abattues étaient des canards gras (trois lignes), des canards maigres (deux), des poulets (huit), des poules de réforme (un), des coquelets (un), des pintades (deux) et des dindes (un). Résultats des mesures Deux types de mesures ont été effectués : d’une part, des prélèvements individuels de poussières inhalables selon la fiche MétroPol M-274 et, d’autre part, des mesures aérauliques (débits d’air sur le réseau aéraulique, vitesses d’air dans le plan d’accrochage, vitesses d’air au niveau des voies respiratoires des opérateurs) (Cf. Tableau 1). L’exposition des accrocheurs aux poussières variait selon les abattoirs. Certaines caractéris- tiques des lignes d’accrochage avaient un impact positif sur l’empoussièrement : anesthésie au CO2 des volailles, présence d’un dispositif de captage efficace. Accrochage avant électronarcose Pour les lignes d’abattage avec électronarcose après l’accrochage, les mesures d’empoussière- ment ont montré des résultats très variables selon les installations. Sur les trois installations de cap- tage les plus performantes (6, 8 et 14), avec une vitesse d’air supérieure ou égale à 1 m/s dans le plan d’accrochage, les niveaux d'exposition moyens se situaient en deçà de 5 mg/m3. Pour les sept autres lignes (2, 3, 4, 5, 13, 15 et 16), avec des vitesses d’air dans le plan d’accrochage com- q © Gaël Kerbaol/INRS Lors de la phase d'accrochage, les volailles battent des ailes, ce qui favorise la mise en suspension de poussières. Hygiène et sécurité du travail – n°249 – décembre 2017 74 74 ÉTUDES & SOLUTIONS prises entre 0,7 et 0,9 m/s, les niveaux d’exposi- tion se situaient en majorité entre 5 et 15 mg/m3. Ces vitesses d’air trop faibles étaient dues à des débits d'extraction insuffisants et/ou à une com- pensation en air neuf non maîtrisée, généralement effectuée de manière naturelle, avec de fortes tur- bulences dans la cabine d’accrochage. Dans le cas de l’accrochage effectué sur le quai de déchargement (deux abattoirs de canards, lignes 1 et 18), sans dispositif de captage, l’exposition moyenne se situait environ à 9 et 15 mg/m3. Ce type de configuration sans confinement des zones d’émission des poussières est à proscrire, en raison du risque de transfert des poussières provenant du déchargement et de l’accrochage vers d’autres zones de l’abattoir. Cette configu- ration expose également les salariés à de fortes contraintes thermiques (froid, chaleur, courants d’air…). Sur sept lignes d’accrochage équipées de disposi- tifs de captage, des mesures comparatives avec/ sans les dosserets aspirants en fonctionnement ont été réalisées le même jour (sauf pour la ligne 16, à deux mois d’intervalle). En ne tenant compte que des lignes d’accrochage pour lesquelles les vitesses d’air étaient comprises entre 0,7 et 0,8 m/s (lignes 2, 3, 13 et 16), le taux d’empoussièrement était réduit d’un facteur 2 à 5,3. Pour la ligne 8 (vitesse d’air égale à 1,6 m/s), ce taux était réduit d’un facteur 23. Les poussières émises en abattoir de volailles ne peuvent pas être considérées comme des poussières sans effet spécifique, car elles contiennent de nombreux agents biologiques. Aussi, la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) des poussières inhalables sans effet spécifique (10 mg/m3 sur 8 h) a-t-elle été jugée trop élevée par le groupe de travail, qui a décidé de retenir la valeur de 5 mg/m3 comme valeur de référence. Les mesures en abattoirs ont montré qu’il était possible de limiter le niveau d’exposition en-deçà de cette valeur, avec une installation de ventilation bien conçue. Accrochage après anesthésie au CO2 Sur les deux sites pratiquant l'anesthésie au CO2 avec une aspiration au niveau de la ligne d’accro- chage (lignes uploads/s3/ ec-20.pdf

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