Article Le curriculum vitae s’est imposé au cours des trois dernières décenni
Article Le curriculum vitae s’est imposé au cours des trois dernières décennies comme le document incontournable de tout candidat à l’emploi. Certains se prêtent plus facilement que d’autres à l’exercice. Pour ces derniers, l’estime de soi se trouve bien souvent mise à l’épreuve de l’employabilité ; ce qui constitue une difficulté majeure. Dans quelle mesure, et sous quelles conditions, un atelier d’aide à la rédaction du CV et de la lettre de motivation peut-il permettre l’émergence de la parole et devenir un lieu de reconstruction d’une trame de vie ? Les divers conseils dispensés auprès du public, sous forme de règles formelles à respecter, tentent de répondre à l’interrogation du plus grand nombre : comment rédiger son curriculum vitae [*] (CV) et sa lettre de motivation ? Comment obtenir et réussir un entretien ? Les guides et manuels, les recommandations pratiques recueillies en ligne ou encore les ateliers et stages spécifiques de recherche d’emploi s’accordent sur des modèles de CV de type « prêt-à-porter ». Pour autant, l’on constate que le document finalisé n’est, en général, guère attractif – quand les plans de contenu et d’expression ne desservent pas radicalement le candidat. Les paradoxes d’un discours qui engage Un CV est un atout lorsqu’il dresse un portrait consistant et cohérent de son auteur. À l’inverse, négligé, décousu, approximatif, inconséquent ou sans relief, il s’acquitte de la mission contraire et constitue un handicap sérieux pour l’obtention de l’emploi, car il est censé témoigner de manière synthétique d’un parcours de vie. Il doit donc se poser comme un véritable instrument de communication, dont la pertinence se mesurera à l’aune de son efficacité. Le contenu implicite de la démarche est simple : « Je veux ce travail, retenez ma candidature. » Pour autant, il se confronte à l’impérative nécessité de composer et de se contraindre, enfin de s’accommoder et de se fondre dans une mise en scène. Partant, cette condition pragmatique impose l’apparition de formes et de fonctions argumentatives, démonstratives, socialisant l’objet de la demande sous l’apparence d’un point de vue porté sur soi, donné plus ou moins comme neutralisé. La construction du discours modélisé qui s’ensuit, destiné à convaincre, est un assemblage d’éléments biographiques composites relevant, au final, de son simple arbitraire. Fondamentalement, le CV est l’expression signifiante d’une demande, d’une quête (trouver du travail, en changer…), dont la satisfaction échappe en grande partie à la maîtrise de l’individu concerné. Ce désir se confronte à une nécessité sociale et à des règles ; à savoir, faire avec diverses stratégies communicationnelles qui se voudront persuasives. En cela, le discours du CV est paradoxal, car il vise à déclencher chez l’autre un comportement désirant et à libérer cette parole nominative « votre candidature est retenue ! », qui transformera le candidat en sujet. En outre, il ne peut se dispenser de la démonstration susceptible d’entraîner chez l’autre l’adhésion. Dans un idéal ultime – que partagent le discours politique (« Votez pour moi ») et celui de la publicité (« Achetez-moi ») –, il recèlerait, dans le contenu de son message et le pouvoir de son incommunicable énoncé, la capacité de réfuter par lui-même et en lui-même toute réfutation, comme le font les croyances. Si le rôle du CV est de projeter un reflet de soi orienté vers l’autre, sa fonction miroir renvoie simultanément à son auteur une image de lui-même bâtie à partir des identifiants qu’il mentionne, qu’il contient. Aussi, l’idée que la personne se fait d’elle-même se confronte avec l’image que réfléchit l’écrit. Ce qui n’est pas simple. La collusion est réalisable lorsque la superposition peut être assumée : le miroir constitue le double d’une réalité globalement appropriable. Dans le cas contraire, le modèle conçu dépasse les capacités d’intégration de l’individu et crée un espace de dissociation psychologique (« Ce que je pense n’est pas ce que je dis » ; « Ce que je suis n’est pas ce que je dis être ou avoir été »), de l’ordre du « double je », très pénalisant sur le plan de la mobilisation nécessaire lors de la recherche d’un emploi. Une question d’importance à considérer et à traiter au moment où s’élabore un CV Jean-Hilaire Izabelle Dans Le Journal des psychologues 2013/5 (n° 308) , pages 67 à 70 uploads/s3/ le-cv.pdf
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- Publié le Dec 04, 2022
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